En Gaspésie depuis une semaine à la découverte d’endroits tout aussi merveilleux, nous n’avions pas encore eu le coup de cœur que nous espérions: celui d’une microbrasserie où brassage, saveurs, et l’humain ne font qu’un, un lieu où il fait bon se rassembler en toute simplicité et y retourner. C’est par un dimanche de la mi-juillet où nous étions sur le point de quitter Saint-Anne-des-Monts que nous avons mis les pieds dans cette micro où la magie a opéré et que nous avons eu le coup de cœur tant attendu; il s’agit du Malbord.
Sans s’annoncer et sans se douter de l’après-midi qui nous attendait, mon collègue Olivier Dubois s’est assis au bar. C’est une dame tout sourire qui l’accueille, Marie-Claude Brais, serveuse au Malbord et amoureuse de la Gaspésie. « Le propriétaire est présent? Non, pas aujourd’hui ». Raphaël, un client jovial assis au comptoir, s’interpose dans la conversation en disant qu’il allait téléphoner au propriétaire afin de vérifier s’il pouvait passer, qu’un journal aimerait le rencontrer. «Non, malheureusement c’est une grosse semaine et à si peu d’avis ce sera difficile d’être présent». Olivier prend le téléphone, discute avec le proprio et explique le projet de mettre de l’avant les microbrasseries et d’écrire un article sur le Malbord. Pour une raison qui nous échappe à cet instant, Thierry Lafargue accepte et sera présent dans une heure.
Cela nous donne tout juste le temps de s’installer et de s’imprégner de l’essence des lieux. Il n’est que midi et l’endroit est plutôt calme pour l’instant. Il s’agit d’une ancienne épicerie que Thierry a fièrement transformée en microbrasserie. Un grand bar en «U» occupe le fond de la pièce avec une table de billard. Puis, un mur vitré permet de voir les installations brassicoles. Une ambiance décontractée et réconfortante y règne. Lorsqu’on entre au Malbord, on se sent chez soi, comme si nous faisions partie d’une grande famille. Et que dire de la vue! Les grandes fenêtres sur toute la devanture permettent de poser un regard sur la mer qui est à perte d’horizon. Lors de notre visite, la journée est magnifique, la luminosité superbe permet de contempler l’eau et tous les diamants qu’elle y fait refléter. Une terrasse prône l’avant de l’établissement pour profiter de la saison estivale.
La rencontre
C’est sur sa bicyclette, en toute simplicité et tout sourire que Thierry fait son entrée dans la micro. Un entrepreneur dévoué, fier ambassadeur de faire briller sa région d’adoption et surtout un passionné, autant par les bières qu’il crée que par les humains et la nature qui l’entourent.
Pourquoi le Malbord? Il y a une centaine d’années, les aïeux de la Baie des Chaleurs observaient que du côté nord, il y avait toujours plus de mauvais temps, étant donné la situation géographique. D’où le surnom de « malrive et malbord », car les gens du côté nord de la Gaspésie vivaient, selon leur dire, du mauvais côté.
Les débuts
Thierry brassait déjà depuis un bon moment et invitait régulièrement des amis à déguster ses bières. Ayant des centaines d’acres de terre et de champs, il avait comme projet de démarrer une houblonnière qui s’est transformée en projet de microbrasserie. Thierry est reconnaissant du chemin parcouru et de la réceptivité des gens, car lorsque l’idée d’une houblonnière s’est transformée en microbrasserie, tous étaient optimistes face à ce grand projet.
L’épicerie qu’occupe actuellement le Malbord appartenait au père de Wilbrod, un octogénaire plutôt réservé et raconteur d’histoires que nous avons eu la chance de rencontrer lors de notre visite. Thierry s’y rendait toutes les semaines pour acheter des blocs de viandes pour sa meute de chiens husky qu’il avait jadis, lorsqu’une journée le propriétaire lui a annoncé que l’établissement allait fermer et être mis en vente. C’est ainsi qu’il a acquis l’endroit qui, 10 ans plus tard, est un lieu festif d’échanges et de rassemblements pour savourer des bières qui ont fait leurs preuves depuis déjà un bon moment.
Les produits
Pour Thierry Lafargue, la qualité prime sur tout ainsi que les ingrédients régionaux ou québécois, bien entendu, dans la mesure du possible. En visitant les installations, c’est remarquable de constater la propreté des lieux; tout brille! C’est un entrepreneur aux yeux brillants de fierté et de passion qui nous explique le procédé de ses recettes. Il est investi à 100% dans son entreprise et c’est lui qui brasse tous les produits. Cet homme aime dire qu’il travaille avec les quatres éléments, soit l’air, la terre, le feu et l’eau pour créer toutes ses bières, sans oublier un cinquième élément…lui, le brasseur!
Le Malbord est reconnu pour ses bières « dry », c’est-à-dire sec en bouche, pas trop de saveurs en même temps sur les papilles: « tu prends une gorgée, tu demandes ce que tu viens de goûter et tu veux en reprendre une autre gorgée » , explique-t-il. Laquelle est la fierté du brasseur? « Toutes les bières, mais de préférence la Gueule de requin (bière de glace), ainsi que la Collin (rousse irlandaise) qui est dur à battre ». L’entrepreneur a une tendance pour les bières moins fortes en alcool, soit celles de 4%, car comme il mentionne, c’est plaisant d’en déguster plus qu’une et lorsque qu’on débute avec une IPA à 6.5% probablement que la dégustation sera moins grande. Par exemple, la Missive, une blonde 100% québécoise ainsi que l’Avalanche, une session houblonnée, sont des choix entre 4 et 4.5%, ce qui fait qu’elles sont plus légères et vous feront moins tourner la tête lors d’une chaude journée d’été. Il s’agit de 70% des produits qui sont exportés.
Le Malbord s’adapte à sa clientèle, l’été étant la saison la plus occupée. L’hiver, la microbrasserie demeure ouverte avec un horaire modifié. Il y a des soirées quiz, karaoké et même parfois des groupes de musique. D’ailleurs, il y a un espace au deuxième étage où les artistes peuvent dormir, ainsi qu’une boutique comprenant plusieurs vêtements et articles dérivés de la micro.
La gueule de requin est issue de la cryoconcentration, un procédé qui permet de retirer une partie de l’eau contenue dans la bière à l’aide de la congélation. Chaque année, un grand nombre de gens se rendent à Ste-Anne-des-Monts pour escalader une paroi de glace surnommée la « Gueule de requin », d’où le nom de cette lager de glace et de son logo avec les deux piolets. Le pourcentage d’alcool peut varier d’une année à l’autre dépendamment des températures hivernales. En 2023, cette bière avait un taux d’alcool s’élevant à 12%, soit 600 litres d’eau de glace, contrairement à cet hiver, où 200 litres ont été extraits, ce qui donnait un pourcentage d’alcool légèrement plus faible. Un produit plus lourd, idéal pour les journées froides d’hiver.
Selon Thierry, tout le monde peut aimer la bière et surtout celle du Québec, il suffit de trouver sa sorte. « Un client qui n’aime pas une bière de style IPA se doit d’y goûter de nouveau, car chaque endroit a sa recette et c’est un goût qui se développe ». Le premier produit à déguster se doit d’être une bière blonde. C’est une recette plus difficile à exécuter, empreinte de subtilité. C’est une bière qui n’est pas étouffée par les houblons comme les IPA, les rousses ou les Stout, car le goût est plus léger. Dès qu’un grain, un houblon, ou une amertume prend le dessus, tout le reste sera déséquilibré. Cet entrepreneur a la conviction que si la blonde est bien réussie, le reste des produits le seront tout autant. Comme le dit un de leurs nombreux slogans: «Des bières qui se partagent, qui se découvrent, des bières qui s’affirment au gré du temps».
La fin de la journée
Le vent s’élève et l’après-midi tire à sa fin. Des grandes fenêtres du Malbord, le soleil se cache pour faire place aux nuages et l’on observe que la mer calme du matin commence à s’agiter davantage. Le ton monte, ce qui confirme que touristes et locaux sont bien arrivés. Une partie de billard se dispute au fond de la pièce et les bières et discussions vont bon train. Une belle ambiance règne dans cet endroit au décor chaleureux et empreint d’histoires.
Revenons à cette question du début: pourquoi Thierry a accepté cette rencontre improvisée sans préavis? La réponse paraît évidente après avoir passé l’après-midi en sa compagnie. Thierry est un homme de cœur, de relations, qui aime aller à la rencontre de l’autre. Un passionné, d’une grande authenticité, généreux de son temps et de ses connaissances. Il a suivi son instinct et a eu le sentiment qu’une belle rencontre se produirait. Il chérit les valeurs ancestrales et réalise ses rêves.
Après avoir passé l’après-midi au Malbord, c’est la tête remplie de souvenirs, de bières savoureuses et surtout de belles amitiés naissantes que nous quittons la micro avec la promesse d’y revenir. Lorsque vous passerez sur la 132, à Ste-Anne-des-Monts, n’hésitez pas à descendre au bord de l’eau et faire un arrêt sur la 1ère avenue. Aller à la rencontre de Thierry et de son équipe pour déguster une de leurs bières. Gageons que vous ne regretterez pas cette pause!
Merci à toute l’équipe du Malbord pour cette belle découverte, autant pour les produits dégustés que pour les humains qui travaillent fort derrière ce projet. Longue vie à cette microbrasserie!
Vous pouvez retrouver les produits du Malbord dans plusieurs points de vente au Québec. Visiter le site web: lemalbord.com pour plus de détails ou simplement en vous rendant directement à la microbrasserie de St-Anne-des-Monts: 178, 1ère avenue Ouest, Sainte-Anne-des-Monts, Qc G4V 1C9.
La communication, la psychologie et l'histoire sont au centre des intérêts d'Anne-Julie. Curieuse et amoureuse de la vie, elle est toujours à la recherche de nouvelles aventures et de belles rencontres.