Desgent est très sympathique dans la vraie vie. Cependant, il a une vision du monde apocalyptique. Je l’ai connu avec « Vingtièmes siècles » que j’ai lu en 2009.
« Le vent roule roule dans le crâne indéfiniment.
Je suis ventre avec poings intérieurs. Encore j’ai les crampes
Jusqu’au ciel » (1 ).
J’ai pensé à Michel Onfray quand il dit : « Les yeux de Nietzsche, subtilisé à Cronos… Éternel retour des métamorphoses » (2 ).
Comment mourir?
Si vous cherchez une morale esthétique, une vie transfigurée, une perspective qui ébranle les fondements de la poésie. Il réinvente à sa manière. Il crie. Il pleure. Il aboie.
« Je suis une lumière directe et j’aboie;
Je ne reconnais plus mes mots, autrement.
Qui le refuge de cris inédits.
Je vais mourir dans le grand cerf;
C’est ma fable testamentaire, inconsolable,
C’est ma plaine blanche évocatrice,
C’est ma dette envers les ciels mobiles » (p. 19 )
Fabriquer sa religion
La poésie, c’est romantique, c’est biographique, c’est l’appel à la Lumière. Sauf pour Desgent, le poète, l’anthropologue. Moi, quand j’écris, j’écris des prières, j’invoque à tout prix la Lumière. Pas pour l’auteur, l’abstraction des concepts ( l’humeur noire que l’on broie disait Pierre Ouellet ). Les images d’une civilisation qui se meurt. Poète fugitif qui survole les limbes.
« Déclaré fou à l’âge de deux ans
Je pouvais voir la beauté des vents je discutais, des heures, avec
Les oiseaux.
Tu me parles de nourriture,
Moi qui ai toujours vomi.
Très tôt, je n’aimais pas être,
Je n’aimais rien, sauf le trou de vie. »
Illuminations
Vous aimez Benoit Jutras (3 ), vous aimerez cette désespérance. Ce poète impuissant face à cette époque d’écrans. Une esthétique pessimiste. La poésie est un laboratoire. Les images, les larmes, les visions, la violence des mots. On traverse d’autres mondes, une saison en enfer ( Rimbaud ) ou mieux encore Garcia Lorca, considérée dans sa stricte rigueur temporelle et charnelle. « La vie est essentiellement tragique » (4 ).
Notes
- Jean-Marc Desgent, « Vingtièmes siècles, » Écrits des Forges 2005.
- Michel Onfray, « Le désir d’être un volcan », Livre de Poche.
- Benoit Jutras, « Golgotha », Les Herbes Rouges 2018, suggestion.
- Federico Garcia Lorca, « Poète à New York. » Préface. Gallimard 2016.
Jean-Marc Desgent a été lauréat du Grand Prix du Festival international de poésie avec son recueil, « Ce que je suis devant personne » en 1994 et, en 2005, avec Vingtièmes siècles. En 2000, il reçoit le prix Rina-Lasnier pour son recueil de poèmes Les Paysages de l’extase. En 2002, il remporte le Prix Félix-Antoine-Savard pour une suite poétique publiée dans la revue Mœbius. En 2005, Vingtièmes siècles a reçu le Prix de poésie du Gouverneur général 2005 et le Prix Estuaire des Terrasses Saint-Sulpice.
En 2006, Jean-Marc Desgent remporte le Prix Jaime Sabinès / Gatien Lapointe pour l’ensemble de son œuvre traduite en espagnol. Il a été le poète invité d’honneur au septième Marché francophone de la poésie de Montréal. En 2010, il reçoit, au Marché de la poésie de Paris, le Prix international de poésie Antonio-Viccaro pour son recueil Portraits de famille et l’ensemble de son œuvre poétique.
Jean-Marc Desgent est membre de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois.
Jean-Marc Desgent, « Chants nordiques et chants mystiques », Poètes de Brousse 2024.