Sublime et à votre santé ! Le barman du Ritz, Albin Michel, 350 p
L’art du cocktail par le barman légendaire du Ritz de Frak Meier présenté par Philippe Collin, Albin Michel, 192p
Deux livres et sans contredit l’une des révélations de cette rentrée littéraire 2024. Le sujet de l’occupation en France est un vaste sujet qui a donné lieu à des centaines de thèses, romans, dont l’inoubliable et cruelle trilogie de Romain Slocombe ; L’affaire Leon Sadorski, sans oublier Crimes et trafics et crimes sous l’occupation de Jacques Delarue ou la série Il était une fois en France du tandem Nury/Vallée. Homme de radio/journaliste/scénariste de bandes dessinées, Philippe Collin, auteur d’une thèse sur l’épuration d’après-guerre, est surtout le créateur de puissants balados (France Inter) sur de personnages politiques tels : Phillipe Pétain, Poutine, Napoléon, Louis-Ferdinand Céline ou le général Leclerc. Avec Le barman du Ritz, son premier roman historique précisons-le, il ouvre une autre facette de son talent en nous faisant découvrir la vie de Fank Meier, barman du très célèbre Ritz de 1927 à 1945.
Juif autrichien et soldat pour la France pendant la 1re guerre mondiale, son fascinant parcours va des terres d’Argonne aux États-Unis où il apprendra le métier de barman « mixologue » selon la terminologie actuelle.
Ami d’Hemingway et plus encore de Scott Fitzgerald, Frank Meier expérimentera des heures fastueuses avant la débâcle de 1940. Et le Ritz deviendra la permanence de l’héroïnomane Goering, des sous-fifres à la solde des envahisseurs (la bande de la rue Lauriston), sans oublier le gratin qui se nommait : Coco Chanel, Sacha Guitry, Jean Cocteau, Serge Lifar. Au fil des chapitres, vous allez aussi croiser ceux qui vont préparer un attentat contre Hitler ; Carl-Heinrich von Stülpnagel qui sera pendu à un croc de boucher, 30 août 1944, et l’écrivain et soldat Ernst Jünger.
Le roman d’une époque et d’une vie puisque Carl Meier sera au centre de toutes ces machinations, confident malgré lui. Phiulippe Collin lui redonne une voix, trouve un style pour raconter cette époque tordue.
Il luttera contre Marie-Louise Ritz, veuve du propriétaire qui sera autant bonne avec les Allemands que les Américains. Et qui ne se jamais inquiété à la libération, pourtant. Une vraie peau de vache sans états d’âme.
Autour du barman va graviter Claude Azzuelo, ancien directeur du Ritz et de sa femme Blanche. Héroïnomame, amour déçu de Frank Meieir, elle passera par les geôles de la Gestapo, fera évader un aviateur anglais et sauvera quelques amis juifs de la déportation.
Frank ne sera pas en reste. Il fournira de faux passeports, amassera un petit pécule, au cas où. Lucide, il croit que ces petits arrangements et le fait d’avoir côtoyé le gratin nazi lui causeront certainement des problèmes à la libération.
Un cocktail explosif, un roman fascinant, parce que « l’ironie du destin est bien cruelle ».
Et pour conclure sur une note plus légère, Albin Michel réédite la version rare du livre de Frank Meieir qui fut lancé en 1936 (1000 exemplaires). L’art du cocktail ou tout ce que vous voulez savoir pour « épater » la galerie. Un véritable objet de collection et comme ledit si bien bien Philippe Colin : « Vous y trouverez des breuvages étonnamment simples et sophistiqués à la fois. Vous y trouverez, surtout, le témoignage d’un monde enfoui, celui des esthètes de l’entre-deux-guerres ».
Préparez vos mélangeurs pour le Alfonso XIII, le Knickerboker, Le Golden Slipper ou le Happy Honey Annie ». À votre santé !