Depuis que j’habite a Longueuil, je suis devenu un explorateur. Je vais plusieurs fois à la cathédrale Saint-Antoine-de-Padoue. Je suis un amoureux fou de l’art Sacré. Je ne connaissais rien de l’œuvre d’Ozias Leduc avant de découvrir ce fabuleux récit de Marc Séguin.
Entretenir la mémoire
L’auteur s’intéresse à une reproduction de Madeleine repentante. Une œuvre d’Ozias Leduc datée de 1899. Un véritable coup de foudre comme il en arrive peu au cours d’une vie (p. 29 ). Difficile de ne pas penser à Marie-Madeleine. Au-delà de la religion, on est profondément ému par cette femme penchée, au dos à moitié dénudé, assise sur le sol dans une grotte en priant.
Il y a tant d’émotion, de pureté, d’admiration. Comment occulté la sensualité d’une œuvre ? Il s’agit d’une affaire de foi. Pour Séguin, ce sera l’image d’une femme libre et autonome avec sa vie intérieure. J’ai pensé au poème Rêve d’artiste de Nelligan (1 ).
Comment comprendre les huiles mélangées à la vie ordinaire ? Comment expliquer l’amour de l’Art dans ce monde de libertés individuelles. L’espace public ne connait plus pour tout discours que l’élocution hystérique publicitaire. Les impératifs de la gestion passent avant la dignité des individus. Il faudrait lire Séguin, comme un ami qui vous veut du bien. Je lis ce passage :
Dehors une biche et ses deux faons. L’automne reviendra dans quelques semaines. Les fenêtres sont ouvertes. La marée est montante. Tout ce qui a poussé cet été a pâli et ploie doucement vers le sol.. Les angéliques sont sèches mais toujours debout.. La lumière baisse. Je vais commencer une autre Madeleine ce soir.Un vide à dompter. Je suis amoureux. (p. 39 ).
Ayant travaillé plusieurs années à la chapelle Notre-Dame-de-Lourdes au centre-ville, j’ai tout vu, tout admiré. Les rites sacrés. Ces personnes solitaires qui viennent prier tous les après-midi. Et, surtout, pour moi, l’art religieux. Cet art parle de nous. Même si les églises se vident. J’y vais encore. C’est symbolique pour moi. Tout autant pour Marc Séguin. Mais, il est important de se rappeler Leduc parce qu’il a été peintre, écrivain, cultivateur et jardinier.
Comme Picasso, Leduc se servait régulièrement de photographies pour peindre. Son œuvre est mystique. La Gloire Divine met en scène une représentation de la Sainte-Trinité. C’est comme un projet de testament artistique (p. 64 ). Sa première œuvre en 1942 est La présentation de Marie au temple. Séguin évoque la fonction invisible de l’art.
Un pèlerinage
Séguin nous fait voyager à travers les églises et les lieux sacrés. Il affiche une douce obsession pour Madeleine repentante. Cette quête obsessionnelle nous révèle un auteur fou de liberté (de créativité). C’est un livre de virtuose, très loin de l’industrie culturelle et ses impératifs de production. Je lis ceci :
Tracer nos contours différemment avec moins de logique. C’est toujours étonnant de constater que rien ne nous y oblige, seulement l’affection ou un étrange sentiment de vouloir y croire (p. 87 ).
Émile Nelligan, Poésies complètes. Rêve d’artiste p.95 Typo poésie. J’ai le désir très pur d’une sœur éternelle d’une sœur d’amitié dans le règne de l’Art.
Diplômé en beaux-arts de l’Université Concordia, Marc Séguin est un artiste multidisciplinaire, à la fois peintre, romancier et cinéaste. Dès sa première exposition en 1996, il attire favorablement l’attention des critiques et des collectionneurs. Ses tableaux font partie des collections de plusieurs grands musées tel que le Musée d’art contemporain de Montréal, le Musée des beaux-arts de Montréal et le Musée national des beaux-arts du Québec.
Son oeuvre comprend également six romans et un recueil de poèmes. Le premier long métrage de fiction qu’il a réalisé et écrit, Stealing Alice, est sorti en 2016. En 2017, il a réalisé le documentaire La ferme et son État, un portrait actuel des forces vives et des aberrations en agriculture au Québec.
Marc Séguin, Madeleine et moi Leméac 2024.
Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com
