Soirée d’ouverture de Danse Danse avec le Ballet British Columbia. Critique.
Danse Danse a ouvert sa 27e saison avec un extraordinaire programme triple du Ballet BC de Vancouver, reconnue comme la meilleure compagnie contemporaine du pays. Une soirée exceptionnellement intense concoctée par deux chorégraphes de renommée internationale, Medhi Walerski, directeur artistique de la compagnie, et Shahar Binyamini, étoile montante de la création chorégraphique. Tous deux salués sur les scènes mondiales, ils ont enchanté les nombreux spectateurs du Théâtre Maisonneuve de la Place des arts, du 2 au 5 octobre.
Trois pièces, de registres très différents, qui s’enchaînent avec harmonie et conjuguent leurs différences pour faire démonstration du talent aussi virtuose qu’éclectique des vingt interprètes de la compagnie, éclectiques également dans leurs morphologies, leurs corporéités, leurs origines, leurs énergies, ce qui permet d’apprécier d’autant leur magique complémentarité complice et communicative.
Et quelle énergie ! Qui fuse, se diffuse et emporte la salle tout entière. Souplesse aussi, fluide, époustouflante, figures d’enroulements, d’enveloppements, d’embrassades, de proximités sensuelles. Vocabulaire chorégraphique structuré autour d’une géométrie de l’espace, une architecture des corps dans l’espace, en grand groupe de dix-huit comme dans Chamber, signé Mehdi Walerski sur une composition de Joby Talbot, une pièce humaniste, géométriquement complexe, qui exige un ordonnancement minutieux et une parfaite écoute les uns des autres ; ou en un duo magique, un travail d’orfèvre, Silent Tides, également signé Mehdi Walerski sur la musique d’Adrien Cronet, qui hypnotise et s’immisce dans la mémoire sensitive de celui qui l’a vu. Tant de beauté étourdit, laisse sans voix, laisse la place aux bouleversements intimes.
Ballet BC. Crédit photo @ Michel Slobodian
Puis, en troisième partie, coup de tonnerre ! Ou plutôt coup de Boléro. La musique de Ravel écrite en 1928 pour une chorégraphie de Bronislava Nijinska donnée pour la première fois à l’Opéra de Paris. Une pièce aussi mythique que le Sacre du printemps ou Le lac des cygnes dans un registre autre. Une vraie gageure donc, un risque casse-gueule pour tout dire. D’autant qu’on a tous dans les oreilles la musique incontournable de Ravel, la puissance libidinale de sa répétitivité infernale, et dans les yeux l’interprétation inoubliable de Jorge Donn dans la version du Boléro de Maurice Béjart (1984). La barre des attentes est d’emblée placée très haut.
hahar Binyamini
Le chorégraphe Shahar Binyamini a choisi de sortir de toutes les références avec une proposition délibérément inattendue et audacieuse, ô combien ! Cinquante interprètes sur scène, cinquante, pas moins ! Avec l’idée magnifique d’allier vingt interprètes du Ballet BC et trente finissants d’école de danse contemporaine de Montréal, Ottawa et Vancouver. Œuvre de répertoire, le Boléro devient Bolero X, œuvre de transmission. Jouissive idée pour une œuvre jouissive à souhait. Le risque, du coup, était multiplié par 50, mais c’est avec maestria, originalité et magnétisme que Shahar Binyanimi étonne, bouleverse, et remporte le pari.
Belle façon pour Danse Danse de lancer avec faste et originalité une saison 2024-2025 très prometteuse.
Voir programme complet : https://www.dansedanse.ca/