Aimer quelqu’un et ne jamais l’oublier. L’autrice, qui est psychologue clinicienne, parle de l’amour avec un fantôme. Il se passe beaucoup de choses dans son adolescence. Elle parle d’une rivière. Elle parle en douceur, en poème, en psychologue. « Tu refuses toute verticalité, préférant embrasser l’horizon de tes pensées qui t’avalent du matin au soir et du soir au matin » (p. 23).
L’amour atypique
Elle parle de son premier amour. Un amour qui devient de la psychose. Comment aimer quelqu’un d’insaisissable? On avance dans le récit comme dans une sorte de brouillard. Madame Plaat possède une force extrême pour l’écriture. Ce livre devient une sorte d’anarchie radicale.
« La plus pure des joies, je la trouve à tes côtés, à défier les étoiles, dans ce parc ou au-delà de la forêt, on assiste à des feux gigantesques, entretenus par des jeunes aussi ivres que nous. Aussi fous? Peut-être pas. » (p. 39 )
Cet amour transcende tout le livre. La sensualité, les non-dits, les affects.
« Nath, t’en souviens-tu? Il ne sait pas encore que je partage une intimité de mille lieux, une immense cathédrale sous les mers, à laquelle je ne renoncerai jamais, avec un autre être que lui. Il ne sait pas que j’aime une fois, j’aime pour toujours » (p. 46). Il n’y a pas de mal à finir cette déclaration par une phrase magique de Richard Desjardins.
Sans pudeur
Aimer comme un torrent. La condition humaine. On vit. On meurt. C’est ici que la poésie donne tout son sens. Imaginez un monde où l’amour serait l’accumulation de tous les sens possibles. Sens, il y a, nécessairement, puisque la poésie a lieu dans le langage. Elle raconte les tempêtes de verglas de 1998 (l’affaissement du ciel ), le triangle noir, les solitudes des glacées. Elle parle de ses visites chez le psychologue. Son obsession pour son amoureux. Elle dira de manière candide : « Je tiens à mon théâtre et je n’ai aucune envie d’en faire le deuil » (p. 70 ).
La solitude existentielle
Tout le livre (roman-essai ) se résume à la page 89. Cette solitude existentielle qui peut radicalement changer notre manière d’embrasser notre vie, nos relations, nos attentes et nos déceptions. Le métier de psychologue est une voie pavée de solitude (idem ). C’est une guerrière. Elle aime la nuit, les boisés, les enfants, la musique (Chopin, Richard Desjardins ). Elle se confie sur son métier :
« On a beau tout faire pour l’aplanir, le refouler, l’effacer. Il est pourtant bien là, le monde intérieur de celui qui écoute » (p. 141 ).
Combien de fois je me suis réveillé pour lire cette voix dans la nuit… c’est un livre d’une puissance indescriptible. L’anxiété de l’autrice a l’effet d’un volcan sur moi. L’autrice a été en psychanalyse pour s’en sortir. « Il y a quelque chose de beau dans l’amour adolescent parce qu’il est dans l’absolu » (1 ).
C’est un livre rare. J’ai pensé à ce poème de Leonard Cohen :
« La raison pour laquelle j’écris c’est de faire une chose qui soit aussi belle que toi » (2 ).
Notes
- Entrevue de Nathalie Plaat, Le Devoir, 16 septembre 2024.
- Leonard Cohen, « Étrange musique étrangère » p. 109.
Nathalie Plaat est psychologue clinicienne, autrice, chroniqueuse au journal Le Devoir, en plus d’enseigner à l’Université de Sherbrooke.Nathalie Plaat, « Mourir de froid, c’est beau, c’est long, c’est délicieux », Les Salicaires 2024.