La gastronomie italienne est une des plus riches et variées dans le monde, à l’image de ses climats, de ses terroirs, et de la richesse des cultures de l’Italie.
À l’occasion de la Célébration de la Semaine de la Cuisine italienne dans le monde, j’ai rencontré le Consul Général d’Italie à Montréal, monsieur Enrico PAVONE qui m’a accordé cette entrevue.
Enrico PAVONE, Consul Général d’Italie à Montréal
ROGER HUET. – Monsieur le Consul Général, la gastronomie italienne a conquis la table des Québécois et des Canadiens et son succès est étroitement lié à l’immigration des Italiens.
ENRICO PAVONE. –
Il est indéniable, Monsieur Huet, que la gastronomie italienne a trouvé une place de choix dans le cœur des Québécois et des Canadiens. L’immigration italienne, notamment au Québec, a profondément marqué le paysage culinaire local. La passion des Italiens pour la cuisine a transformé non seulement les tables, mais également l’industrie gastronomique québécoise, avec une influence durable. Montréal, où la communauté italienne est particulièrement active, témoigne de cette fusion culturelle. Les familles italiennes qui s’y sont installées ont su transmettre leurs traditions culinaires, contribuant ainsi à enrichir la diversité gastronomique de la ville.
Montréal est donc devenue un centre de rayonnement pour la culture italienne, aussi à travers sa gastronomie. Ainsi, cette connexion entre nos deux cultures continue de renforcer les liens entre l’Italie et le Québec, tant sur le plan culinaire que culturel.
ROGER HUET. – La célébration du centenaire de la fondation du Canada a abouti à l’Expo 67 à Montréal, qui a permis une ouverture du Québec au monde dans tous les aspects de la culture. Il semble que la gastronomie italienne ait vraiment commencé à se faire connaître du grand public d’ici, dans ces années fastes.
ENRICO PAVONE. –
L’Expo 67 a marqué un tournant majeur dans l’ouverture du Québec au monde, et la gastronomie italienne en a largement bénéficié. Comme les premières Expositions universelles, on avait pour but la promotion des innovations et d’encourager les échanges entre nations. Au fil du temps, ces événements sont devenus des vecteurs d’ouverture culturelle, permettant la découverte de traditions diverses. Dans ce contexte, la gastronomie italienne, heureusement, a trouvé un public enthousiaste ici. Cette fusion culturelle, initiée dans les années 60, s’est renforcée avec la globalisation, favorisant l’adoption de la cuisine italienne comme partie intégrante du patrimoine gastronomique québécois.
ROGER HUET. – À partir de là, non seulement le Québec et le Canada, mais le monde entier s’est ouvert à la tradition culinaire italienne et à l’importance des valeurs du régime méditerranéen.
ENRICO PAVONE. –
La tradition culinaire italienne est l’une de meilleures expressions du régime méditerranéen, non seulement en raison de la qualité de ses aliments, mais aussi parce qu’elle incarne un style de vie, une véritable philosophie de vie qui comprend une série de savoir-faire, de connaissances, de rituels, de symboles et de traditions. Notamment grâce à la reconnaissance par l’UNESCO en 2010 de la diète méditerranéenne comme patrimoine culturel immatériel, l’héritage culturel œnogastronomique de l’Italie a été encore plus valorisé pour sa richesse et sa salubrité.
Aujourd’hui, le régime méditerranéen est synonyme de bonne santé et de créativité gastronomique où les céréales, les fruits, les légumes, les graines, l’huile d’olive sont privilégiés. Au fil des années, la pertinence de la diète méditerranéenne a également été corroborée par le soutien qu’elle reçoit non seulement de l’UNESCO, mais aussi de la FAO et de l’OMS, en tant qu’outil pour une agriculture durable et élément indispensable d’une alimentation qui aident à prévenir les maladies cardiocérébrovasculaires et les maladies neurodégénératives, favorisant ainsi la longévité. Mais la philosophie de la vie ne comprend pas seulement ce que l’on mange, mais aussi la manière dont on mange.
Le secret clé de la longévité c’est « manger ensemble », l’importance de la famille, du groupe et de la communauté. Les valeurs fondamentales sont l’hospitalité, les relations de bon voisinage, le dialogue interculturel et le respect de la diversité. Notre communauté italienne ici à Montréal représente précisément ces valeurs. Certaines recherches ont démontré la corrélation entre le régime méditerranéen et certains régimes alimentaires des Zones Bleues en s’appuyant sur une alimentation saine, équilibrée et conviviale, avec des habitudes simples et naturelles transmises de génération en génération. Les zones bleues ont enregistré une longévité particulière des populations qui y vivent. La Sardaigne, et en particulier la région de l’Ogliastra, est l’une des 5 zones bleues au monde.
ROGER HUET. – Est-ce que l’apparition des restaurants italiens a été déterminante pour l’introduction des produits de bouche italiens ?
ENRICO PAVONE. –
Les restaurants italiens ont effectivement joué un rôle dans l’introduction des saveurs italiennes auprès des Québécois, mais leur impact sur l’adoption des produits de bouche italiens a été plus limité. L’apparition des épiceries a permis aux ménagères de se procurer une vaste gamme de produits, comme les pâtes, les fromages, la charcuterie et les huiles d’olive, intégrant ainsi ces ingrédients dans la cuisine quotidienne québécoise.
Parallèlement, la jeune industrie alimentaire italienne commençait à exporter des produits de qualité à travers le monde. De villes, comme Bologne, expédiait des tortellinis et des mortadelles et d’autres spécialités qui faisaient découvrir les goûts d’un pays riche en gastronomie. Le modèle italien, reconnu pour sa qualité et promu par des chefs conscients de leur patrimoine, a vraiment trouvé un écho favorable, non seulement au Québec, mais partout au Canada.
Malgré les difficultés économiques rencontrées pour s’adapter à leur nouvelle vie dans la Belle Province, les immigrants italiens n’ont jamais abandonné leur héritage culturel œnogastronomique, symbole d’appartenance et d’identité culturelle. La diffusion des produits dans les supermarchés a permis ensuite la propagation de la cuisine italienne dans la culture locale à un niveau populaire et non exclusivement élitaire.
ROGER HUET. – Que peut-on dire de la restauration ?
ENRICO PAVONE. –
La restauration italienne au Québec a connu une évolution fascinante. À l’origine, les immigrants italiens qui sont arrivés dans les années 60 n’étaient ni restaurateurs ni chefs cuisiniers, mais cela ne les a pas empêchés d’ouvrir des établissements. Comme il a été souligné, la diaspora italienne a su apporter un peu de »dolce vita » à la province avec des initiatives culinaires variées. Par ailleurs, rien n’empêchait non plus les restaurateurs non italiens d’intégrer des produits italiens, comme des pâtes, dans leurs plats. Les restaurants bon marché ont souvent adapté ces mets au « goût québécois », permettant ainsi aux Québécois de découvrir de nouvelles saveurs et d’incorporer ces produits dans leur alimentation quotidienne.
À partir des années 1990, le gouvernement italien soutient l’exportation de produits de qualité tout en protégeant les dénominations d’origine. Cette initiative a permis aux producteurs italiens de faire connaître leur culture culinaire à l’échelle mondiale, contribuant à l’ouverture de restaurants gastronomiques italiens au Québec, où les Québécois ont pu savourer la richesse de la cuisine italienne authentique.
ROGER HUET. – Quels sont les produits les plus consommés au Québec?
ENRICO PAVONE. –
Les produits les plus consommés au Québec, en matière de gastronomie italienne, sont sans conteste les pâtes. Elles ont été les premières à arriver dans la province et ont rapidement gagné en popularité. Bien que souvent associées à la région napolitaine, les pâtes ont des origines siciliennes et se sont étendues aux régions maritimes de l’Italie, où les conditions étaient idéales pour leur production.
Il existe environ 1 300 sortes de pâtes en Italie, qu’elles soient fraîches ou sèches, et leur diversité reflète les traditions culinaires régionales. On peut diviser l’Italie en deux parties : le nord, qui utilise principalement du blé tendre et des œufs pour ses pâtes, et le sud, où le blé dur prédomine, souvent accompagné d’huile d’olive.
Chaque village en Italie avait développé ses propres recettes. L’évolution des transports a ensuite permis aux diverses recettes de traverser les régions italiennes jusqu’arriver au Québec. Cela a conduit à une intégration croissante des produits italiens dans l’alimentation quotidienne des Québécois, avec les pâtes en tête de liste.
ROGER HUET. – Sur 1300 sortes de pâtes consommées en Italie, combien arrivent-elles au Québec ?
ENRICO PAVONE. –
Bien que l’Italie compte environ 1 300 sortes de pâtes, au Québec, seules quelques dizaines sont réellement disponibles. En connaissant les différents styles de pâtes et les endroits où les acquérir, on peut estimer que moins d’une cinquantaine de variétés sont accessibles aux consommateurs québécois malgré l’intérêt croissant pour la cuisine italienne.
ROGER HUET. – Quels sont les plats de pâtes les plus populaires au Québec en commençant par les Spaghetti ?
ENRICO PAVONE. –
Les spaghetti les plus connus au Québec sont sûrement les spaghetti à la bolognaise, les spaghetti à la carbonara, les spaghetti cacio e pepe et les spaghetti à la puttanesca. Ainsi que d’autres pâtes fraîches tout aussi populaires, telles que les tagliatelles, les fettuccine, les tagliolini et une variété de sauces pour les déguster. Les lasagnes, les raviolis, les tortellinis sont également très connus et appréciés.
ROGER HUET. – Que peut-on dire des spaghetti à la Carbonara?
ENRICO PAVONE. –
Rome, est la capitale des spaghetti à la « Carbonara » l’un des plats les plus célèbres de l’Italie et étant moi-même romain, je voudrais faire une précision. Bien que dans le monde, les spaghetti alla carbonara soient souvent connus comme un plat à base de crème, la recette traditionnelle romaine, utilisée dans toute l’Italie, se fait avec des œufs. De plus, il ne s’agit pas de bacon, mais de guanciale, une coupe différente et plus particulière que celle du bacon. En outre, il est essentiel d’utiliser le bon fromage qui est le pecorino romano.
La carbonara connue dans le monde a été probablement influencée par les soldats américains stationnés en Italie pendant la Seconde Guerre mondiale. La pénurie alimentaire était extrême, et une des rares ressources était les rations militaires distribuées par les troupes alliées. Ces soldats ont peut-être ajouté des rations de bacon et de crème aux recettes traditionnelles italiennes, donnant naissance à la version qu’on connait le plus. Cependant, l’ajout de la crème ne fait pas partie de la recette traditionnelle romaine.
ROGER HUET. – Au Québec, nous aimons aussi les pâtes farcies.
ENRICO PAVONE. –
Les pâtes farcies sont une partie fondamentale dans la cuisine italienne La première trace écrite de pâtes farcies remonte au Moyen-Âge, avec les « torteleti di enula », et au fil du temps, différentes traditions et farces se sont consolidées dans chaque région italienne. Nous disposons d’un savoir-faire et d’une connaissance de l’utilisation des produits locaux qui nous permettent de bénéficier d’une variété extraordinaire et unique des spécialités régionales.
De l’extrême nord à la Sicile, chaque région propose ses propres préparations, et certaines sont bien connues au-delà des frontières italiennes, comme les cappelletti, tortellini, cappellacci, agnolotti, ravioli, pour n’en citer que quelques-unes. Les Agnolotti classiques et del plin du Piémont, les Pansotti de Ligurie, les Casonsei de Lombardie, les Casunziei de Vénétie, les Schlutzkrapfen du Tyrol du Sud, les Tortelloni d’Émilie-Romagne, les Cappellacci dei briganti du Latium et du Molise, le Raviolo scapolese du Molise, les Culurgionis de Sardaigne, les Calzoncelli des Pouilles également appelés « agnolotti baresi » sont des véritables régals.
ROGER HUET. – Les Québécois adorent la lasagne.
ENRICO PAVONE. –
Qui n’adore pas la lasagne? Des pâtes rectangulaires fraîches aux œufs, une sauce à la viande et une sauce béchamel. De la combinaison multicouche de ces ingrédients et d’une généreuse portion de parmesan naît l’un des plats les plus connus et les plus appréciés de la cuisine italienne.
Les lasagnes sont connues depuis l’époque romaine, qui les appelait « laganum » en latin pour la forme rectangulaire ou carrée des feuilles à base de farine, cuites au four ou sur le feu avec de la viande. La recette classique de la lasagne a été perfectionnée au fil des siècles grâce à l’ajout de fromage au XIVe siècle à la cour angevine de Naples. Toujours à Naples, en 1881, l’utilisation de la tomate apparaît fixée dans un livre de recettes ; en 1863, avec le Livre de cuisine du XIVe siècle publié à Bologne, l’utilisation de la lasagne en couches s’est développée, devenant la version qui s’est ensuite répandue dans toute l’Italie.
Comme pour tout plat traditionnel, il existe également différentes recettes et de nombreuses variantes pour les lasagnes. La plus célèbre et la plus appréciée au monde est la lasagne à la bolognaise dont l’Académie italienne de cuisine a déposé à la Chambre de commerce de Bologne ce qui peut être considéré comme la recette originale et traditionnelle.
ROGER HUET. – Après les pâtes, quel est le plat italien le plus populaire?
ENRICO PAVONE. –
La pizza italienne a une histoire aussi fascinante qu’emblématique; on peut trouver ses origines à Naples La recette se perfectionne au fil du temps grâce à l’utilisation de tomates, de caciocavallo d’abord, puis de mozzarella pour terminer ensuite avec de l’huile d’olive. La pizza s’est d’abord répandue parmi les classes populaires, mais même les barons, les princes l’apprécient, à tel point qu’elle finit sur les tables lors des réceptions des Bourbons.
C’est en 1889, à l’occasion de la visite à Naples des alors souverains d’Italie, le roi Umberto I et la reine Margherita, qu’un précieux chapitre s’ajoute à l’histoire de la pizza. On raconte qu’au cours de leur promenade, le roi et la reine furent accueillis par le meilleur pizzaiolo de l’époque qui leur confectionna des pizzas de sa propre création, dont la pizza à la tomate et à la mozzarella et basilic, réalisée en l’honneur de la reine Margherita et dont les couleurs rappelaient intentionnellement le Tricolore italien. La reine l’a tellement aimée que le pizzaiolo a donné à sa création culinaire le surnom de « Pizza Margherita ».
Aujourd’hui, pour le consommateur, la pizza se décline généralement entre le style napolitain, moelleux et flexible, et le style romain, plus croustillant. « L’Associazione Verace Pizza Napoletana », fondée en 1984, a même établi des règles strictes pour la préparation de la pizza napolitaine authentique, insistant sur la cuisson dans un four à bois et avec une méthode de pétrissage à la main.
« L’art traditionnel du pizzaiolo napolitain » a été reconnu comme faisant partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2017. L’art de la pizza est né à Naples, où vivent et travaillent environ 3000 pizzaiolos, et la reconnaissance de l’UNESCO amène la pizza, l’un des aliments les plus appréciés et consommés au monde, à l’Olympe de la cuisine nationale et internationale et identifie l’art du pizzaiolo et la pizza comme expression de la culture et marque de l’italianité dans le monde.
ROGER HUET. – Si la Pizza est née après de l’arrivée de la tomate en Italie, apportée par les Espagnols au XVIe siècle, est-ce qu’il y avait, avant, une autre formule sans tomate ?
ENRICO PAVONE. –
Parmi les trésors continus émergeant des fouilles de Pompéi, les archéologues ont découvert une peinture d’il y a deux mille ans représentant ce que l’on pourrait appeler un ancêtre de la pizza. Représentée à côté d’un verre de vin sur un plateau en argent, il y a une focaccia.
Évidemment, il ne pouvait pas s’agir de pizza parce qu’à l’époque il manquait les ingrédients les plus caractéristiques du plat napolitain : les tomates et la mozzarella. La focaccia est un type de pain, bas et aplati, assaisonné et cuit de diverses manières. Il s’agit d’un produit traditionnel fortement enraciné dans la cuisine régionale italienne.
Sa simplicité a su voyager partout. La focaccia se distingue par la qualité de la farine, généralement à base de blé dur, et l’habileté de la personne qui la prépare. Parmi les types de focaccia les plus connus, on trouve la « focaccia genovese », garnie de gros sel et d’huile, ainsi que la « focaccia di Recco », qui est remplie de fromage. D’autres variantes incluent la focaccia aux oignons et la focaccia de Bari, parsemée de tomates cerises et d’olives. Avec l’évolution de la restauration rapide, la focaccia a su conserver sa place, en s’adaptant aux nouvelles tendances culinaires tout en demeurant un incontournable de la cuisine italienne.
ROGER HUET. – Que pouvez-vous nous dire du risotto?
ENRICO PAVONE. –
Le risotto est sans conteste un pilier de la gastronomie du nord de l’Italie, et son histoire remonte à l’introduction du riz en Sicile par les Arabes au XIIIe siècle. Ce grain a ensuite gagné en popularité à travers le pays, notamment grâce aux échanges entre les Aragonais et les Sforza de Milan, permettant au riz de remonter la péninsule italienne pour s’établir avec succès dans la vallée du Pô, un terroir idéal pour sa culture.
Le « risotto alla milanese », se reconnait grâce à sa couleur jaune du safran de L’Aquila et adouci avec du beurre de qualité. Il y a d’autres variantes faites avec des ingrédients frais de saison. En Vénétie, par exemple, est très connu le « risotto aux petits pois », ou « Risi e Bisi ». À Venise, l’auberge Torcello, fondée par Arrigo Cipriani, propose un « risotto de printemps » aux légumes de la lagune. Les « Supplì romains » sont un type de croquette de riz fourrée à la viande hachée, à la tomate et au parmesan. Le « Sartù napolitain », un plat royal composé de riz et d’une multitude d’ingrédients, illustre également la richesse de cette tradition culinaire.
ROGER HUET. – Et les Gnocchis?
ENRICO PAVONE. –
Les gnocchis sont un plat à base de pommes de terre et de farine qui a été créé à juste titre après la découverte de l’Amérique, car les pommes de terre n’existaient pas en Europe. Il s’est répandu en tant que plat populaire simple et bon marché, mais, dans ses variations, il peut donner des saveurs différentes. Avec des légumes à la viande, au poisson ou à la crème, les gnocchis sont un plat flexible qui peut être assaisonné à volonté. Il en va de même pour la polenta. Il existe des polentas traditionnelles dans la culture italienne, mais, comme il s’agit d’un plat à base de glucides de maïs, il se prête très bien à la farce la plus souhaitée.
ROGER HUET. – Quels sont les mets à base de viande, les plus connus ?
ENRICO PAVONE. –
L’Italie offre une grande diversité de plats à base de viande, préparés selon des techniques variées et ancrés dans la tradition. Parmi les plus célèbres :
Le Pollo alla cacciatora : un ragoût de poulet mijoté avec des tomates, des herbes et du vin.
L’Osso-buco : Jarret de veau mijoté, souvent accompagné de gremolata et de risotto.
La Saltimbocca : Fines tranches de veau enroulées avec du jambon cru et de la sauge.
Le Veau Marengo : Un ragoût de veau inventé, dit-on, après la bataille de Marengo en 1800.
L’Escalope milanaise: Une escalope de veau panée, dont les origines milanaises remontent à 1134, d’après un menu d’un banquet du monastère de Saint Ambroise à Milan.
Le Lapin alla cacciatora: Similaire au poulet chasseur, avec du vin et des aromates.
Le Bistecca Alla Fiorentina qui pèse au moins un kilo et demi de la meilleure viande de bœuf.
ROGER HUET. – Il y a une préparation qui est indispensable pour de nombreux mets et c’est le Pesto.
ENRICO PAVONE. –
Le pesto est une préparation emblématique de la Ligurie. Synonyme de la ville de Gênes, cette sauce est mondialement célèbre, comme en témoigne le Championnat du monde de Pesto au mortier, qui se tient chaque année au Palais Ducal. Les origines du pesto sont anciennes et incertaines, avec des traces supposées dès l’époque romaine. Il semble avoir été perdu durant les invasions barbares. Il a été réintroduit par les croisés qui ont ramené le basilic de Terre-Sainte. Le pesto a été popularisé finalement à la fin du XIXe siècle.
Préparer un pesto authentique nécessite un mortier et un pilon, car cette méthode traditionnelle permet d’exalter la saveur des ingrédients. Le basilic de Ligurie y joue un rôle clé : en dehors de cette région, cette plante tend à développer une saveur mentholée, qui modifie l’équilibre gustatif. Dans la gastronomie ligure, le pesto accompagne à merveille les pâtes fraîches, notamment les trofiette, les gnocchis, les lasagnes larges et les trenette. Ces dernières sont parfois servies avec des haricots verts hachés et des pommes de terre en dés, une association typiquement génoise.
ROGER HUET. – Que pouvez-vous nous dire des desserts italiens?
ENRICO PAVONE. –
Les desserts italiens, connus sous le nom de « dolci », sont nombreux et raffinés. Les plus célèbres sont la panna cotta, les cannoli, la crostata, la cassata et le panettone, une spécialité de Noël. Toutefois, le tiramisù reste le roi incontesté de la pâtisserie italienne.
Ce dessert, devenu emblématique, est né dans les années 1970 à Trévise, en Vénétie, au restaurant Le Beccherie. Ada et Aldo Campeol, les propriétaires, ont collaboré avec le chef pâtissier Roberto Linguanotto pour le créer. Ils se sont inspirés de l’ancienne Coupe Impériale, un dessert de la Belle Époque, servi dans les maisons de luxe italiennes, mais remplaçant le riz au lait par des ingrédients plus légers.
Le tiramisù, dont le nom signifie littéralement « tire-moi vers le haut », évoque à la fois l’humour des pâtissiers et le caractère réconfortant de ce dessert. Avec sa texture douce et son goût délicat, il a conquis les palais du monde entier, devenant l’un des desserts les plus appréciés à l’international comme en Italie.
ROGER HUET. – Les fromages sont un autre ingrédient indispensable de la gastronomie italienne.
ENRICO PAVONE. –
Les fromages sont un pilier essentiel de la gastronomie italienne, aussi grâce à une diversité impressionnante de textures, crémeux, granuleux, et de saveurs, des plus douces aux plus piquantes. L’Italie compte environ 487 variétés de fromages, y compris les fromages frais, les fromages à tartiner et les fromages affinés, dont quelques-uns remontent à l’Antiquité. Plus de 300 sont reconnus comme ayant une origine protégée (AOP, PAT et IGP), 52 d’entre eux étant protégés au niveau européen.
Parler des fromages italiens, c’est faire référence à la culture d’un pays qui trouve dans l’art fromager un élément d’identification du territoire et qui fait de la production l’expression territoriale influencée par l’environnement et le type d’élevage pratiqué. Pratiquement chaque région d’Italie possède au moins un fromage qui la représente bien.
Si, dans le nord, les vaches prédominent, dans le centre de l’Italie, ce sont les brebis qui l’emportent, tandis que la situation dans les régions méridionales est plus variée et voit, entre autres, la présence de buffles. Les régions montagneuses, avec leurs pâturages d’altitude, produisent des fromages à pâte corsée, les malga. Les élevages de chèvres sont de plus en plus nombreux, leur lait à l’arôme caractéristique étant très apprécié pour ses qualités nutritionnelles. Ces fromages jouent un rôle central non seulement dans la cuisine italienne, mais aussi dans la culture gastronomique internationale.
ROGER HUET. – On ne saurait parler de la gastronomie italienne sans évoquer les vins.
ENRICO PAVONE. –
Le vin en Italie est une véritable expression du terroir et des traditions locales, contribuant à sublimer l’expérience gastronomique. L’Italie, avec ses 708 000 hectares de vignes, produit chaque année environ 55 millions d’hectolitres de vin, soit l’équivalent de 73 milliards de bouteilles, en faisant l’un des plus grands producteurs viticoles d’Europe.
Les zones de production viticole en Italie sont réparties sur tout le territoire national, chacune avec ses propres caractéristiques climatiques, géographiques et culturelles. Ces régions, comme le Piémont, la Toscane, la Vénétie, la Sicile, la Campanie, Les Pouilles la Sardaigne et bien d’autres, sont réputées pour produire des vins uniques qui reflètent les particularités de leur territoire.
Chaque région italienne possède ses propres cépages et traditions viticoles, donnant naissance à une incroyable variété de bons vins. Des vins rouges intenses comme le Barolo et l’Amarone, ou le Cannonau, aux blancs frais, comme le Vermentino et le Soave, et les pétillants tels que le Prosecco et le Franciacorta. Les appellations DOP (Denominazione di Origine Protetta) et DOCG (Denominazione di Origine Controllata e Garantita) garantissent l’authenticité et la qualité de nombreux vins italiens renommés, comme le Chianti, le Brunello di Montalcino, ou encore le Nero d’Avola.
La viticulture en Italie a une tradition séculaire et le vin fait partie intégrante de la culture italienne, du nord au sud, il est un compagnon de conversation et de fête, il est un symbole de convivialité savamment associé à l’art culinaire italien contribuant à sublimer l’expérience gastronomique.
ROGER HUET. – Quelles sont les principales régions productrices de vin en Italie ?
ENRICO PAVONE. –
En Italie, la viticulture est présente et est exceptionnelle dans toutes les régions, mais certaines sont devenues plus connues que d’autres. La Toscane produit des vins rouges renommés comme le Chianti et le Brunello di Montalcino, ainsi que des super-toscans modernes. Le Piémont est célèbre pour le Barolo, le Barbaresco et le Moscato d’Asti. La Vénétie se distingue avec le Prosecco, l’Amarone della Valpolicella et le Soave. En Sicile, on trouve des vins comme le Nero d’Avola, le Marsala et des crus issus de l’Etna. Les Pouilles sont connues pour leurs rouges riches tels que le Primitivo et le Negroamaro. L’Émilie-Romagne, enfin, produit le Lambrusco et d’autres vins souvent associés à des spécialités locales comme le parmesan.
ROGER HUET. La région vti-vinicole la plus connue au Québec c’est la Toscane.
ENRICO PAVONE. –
En effet la Toscane est la région viticole la plus célèbre d’Italie et la plus appréciée au Québec. Avec ses 63 000 hectares de vignobles, c’est aussi la plus vaste du pays. Elle se distingue par une grande variété de vins, allant des blancs secs aux rouges corsés. Le cépage principal est le sangiovese, à la base du célèbre Chianti Classico, un vin rouge très populaire et largement diffusé. On y cultive également le trebbiano, un cépage blanc important.
En Toscane, le vin fait partie de l’histoire et de la culture depuis des siècles. Des collines du Chianti et de la Côte Étrusque aux panoramas du Val d’Orcia et du Val di Chiana, s’étendent des kilomètres et des kilomètres de splendides rangées de vignes. Le patrimoine viticole de la Toscane comprend 11 appellations d’origine contrôlées et garanties (DOCG), 41 appellations d’origine contrôlées (DOC) et 6 indications géographiques typiques (IGT). Parmi les vins les plus importants, on trouve le Brunello di Montalcino, le Vino Nobile di Montepulciano, le Chianti Classico et les Supertuscans produits dans la région de Bolgheri.
Mais la Toscane produit aussi des vins blancs, la renommée Vernaccia di San Gimignano, le premier vin blanc DOCG de la région. Le Vermentino es présent sur une grande partie de la bande côtière nord, à partir des Colli di Luni. Le Bianco di Pitigliano est le protagoniste du Grosseto Maremme.
ROGER HUET. La deuxième région viticole la plus connue de Québécois c’est le Piémont.
ENRICO PAVONE. –
Le Piémont est en effet réputé pour ses vins rouges harmonieux, notamment ceux des Langhe. Cette région offre une grande diversité de cépages, avec le nebbiolo en tête, reconnu pour sa complexité et son potentiel de vieillissement. Le cépage barbera, quant à lui, apporte une touche de fruit et de fraîcheur aux vins. D’autres cépages comme le dolcetto, le grignolino et la freisa contribuent également à l’élaboration de vins rouges distincts. En ce qui concerne les blancs, le cortese di Gavi et le favorita sont les cépages principaux, ajoutant encore à la richesse viticole du Piémont.
Le Piémont joue un rôle central dans la production viticole italienne avec ses 48 000 hectares dédiés à la viticulture, avec une prédominance de raisins noirs qui représentent 60 % du total, tandis que les raisins blancs constituent les 40 % restants. Le cépage le plus répandu est le Barbera, qui occupe près de 30 % de la superficie totale du vignoble de la région.
Le Dolcetto suit le Barbera en termes d’extension, tandis que le Nebbiolo, bien qu’il couvre moins de 10 % de la surface, est à l’origine de certains des vins les plus prestigieux du Piémont, parmi lesquels le Barolo et le Barbaresco. Ces vins sont de renommée internationale et représentent l’excellence de la production viticole italienne. En plus de ces vignes, le Piémont possède une remarquable variété de raisins indigènes, tels que le Grignolino et le Brachetto. Le Moscato blanc mérite une mention particulière pour ses formes pétillantes, comme l’Asti DOCG.
ROGER HUET. La troisième région la plus connue des Québécois est la Région viticole de Vénétie.
ENRICO PAVONE. –
Cette région s’étend des rives du lac de Garde jusqu’aux environs de la lagune de Venise, et on y cultive également la vigne au pied des Dolomites. La Vénétie se distingue par une variété de cépages uniques, avec des blancs autochtones comme le glera et le garganega, ainsi que des cépages internationaux tels que le chardonnay et le pinot grigio. Du côté des vins rouges, la corvina et le raboso sont des cépages typiques, tandis que le cabernet sauvignon et le merlot y sont également cultivés avec succès. Cette richesse en cépages et en styles de vins fait de la Vénétie une destination stimulante pour les amateurs de vin.
En Vénétie, de nombreuses vignes caractérisent le territoire. En se déplaçant d’est en ouest, la zone des collines de la Garda Veronese et du Valpolicella, caractérisée par la culture de cépages noirs tels que Corvina, Rondinella et Molinara, qui donnent naissance aux vins Bardolino et Valpolicella. Entre les provinces de Vérone et de Mantoue, nous trouvons la région de Lugana, un vin blanc créé à partir du cépage Trebbiano di Soave.
Entre les monts Lessini et les collines de Berici, se trouve la région de Soave et Gambellara, connue pour ses vins blancs à base de raisins Garganega. Les collines de Berici sont avant tout connues pour leurs rouges, avec le Cabernet Sauvignon, le Merlot et le Tocai Rosso. Dans la région de Padoue, sur les collines Euganéennes, on cultive principalement des vignes rouges internationales et le Moscato jaune d’où est originaire le Moscato Fiori d’Arancio DOCG, tandis que dans les plaines situées plus au sud de la capitale, on cultive la vigne Friularo, un nom local attribué au Raboso Piave, caractéristique de la région de Trévise. Dans la région de Trévise se trouve également la région viticole d’origine du Prosecco (le vignoble aujourd’hui appelé Glera) avec la plus importante région de vins mousseux italiens, qui englobe désormais presque tout le Triveneto.
ROGER HUET. – Comment se classent les vins en Italie?
ENRICO PAVONE. –
En Italie, les vins sont classés en trois catégories principales. La première, le Vino da Tavola (VDT), désigne des vins qui ne sont pas soumis à une délimitation géographique précise. Ces vins peuvent être produits en grandes quantités et l’étiquette doit indiquer le cépage ainsi que le millésime, conformément à la réglementation européenne.
La deuxième catégorie, l’Indicazione Geografica Tipica (IGT) ou Indicazione Geografica Protetta (IGP), englobe une vaste région viticole. Bien que les directives de production ne soient pas détaillées, certains vignerons utilisent cette dénomination pour élaborer des assemblages à partir de cépages non autorisés par les règlements DOP. Certains de ces vins peuvent aussi se distinguer par leur qualité exceptionnelle.
Enfin, la Denominazione di Origine Controllata (DOC) représente une appellation d’origine contrôlée, garantissant une qualité élevée. Elle est soumise à des contrôles rigoureux et concerne des vins issus de régions viticoles spécifiques. La Denominazione di Origine Controllata e Garantita (DOCG) est le niveau le plus élevé de cette classification, et les vins qui en bénéficient peuvent afficher une banderole distinctive sur la bouteille. Historiquement, les vins DOCG devaient respecter des normes strictes en matière de production et de cépages, et depuis 2009, ils ont été alignés sur la DOC dans le cadre de la réforme du secteur vitivinicole de l’Union européenne. La dénomination DOP, introduite également en 2009, englobe les DOCG et les DOC, tout en permettant aux vignerons de continuer à utiliser les appellations traditionnelles pour protéger leur héritage.
ROGER HUET. – Un repas italien se termine souvent par un bon café.
ENRICO PAVONE. –
Bien que l’Italie ne soit pas un pays producteur de café, elle a su perfectionner la sélection et la torréfaction, élevant ainsi la préparation du café à un véritable art. Les Italiens ont également inventé des cafetières de qualité et des machines à expresso qui sont devenues des références dans le monde entier. Ainsi, déguster un café à la fin d’un repas est non seulement un plaisir gustatif, mais aussi un moment de convivialité et de tradition.
ROGER HUET. – Quelles sont les spécialités de café les plus populaires d’Italie?
ENRICO PAVONE. –
En Italie, le café est un rituel. C’est le plaisir de le déguster en compagnie ou seul lors d’une pause rapide, debout au bar ou assis avec des amis dans des cafés élégants. Il y a toujours une bonne occasion de déguster un café. En effet, il existe d’innombrables types de café qui satisfont tous les goûts difficiles et capricieux des Italiens : long, court, double, macchiato avec mousse, sans mousse, moccaccino, cappuccino, caffè latte, decaffeinato, café à l’orge, au gingembre caffè corretto con sambuca, con grappa et bien d’autres encore.
L’expresso, ou caffè, est le café par défaut, et pour un expresso simple, il suffit de commander « un caffè ». Le caffè ristretto, ou caffè corto, est un café plus concentré, tandis que le caffè lungo est plus grand que l’espresso. Pour ceux qui préfèrent une boisson lactée, on a le caffè latte qui ne doit pas être confondu avec le latte macchiato. Le dernier est du café avec un peu du lait, le premier est une grande boisson composée d’un expresso court et d’une grande quantité de lait, et si est accompagné par une mousse de lait; on peut parler de cappuccino, qui est souvent servi avec un effet de latte art, ajoutant une touche esthétique. Mais surtout il faut savoir que les italiens ne commandent jamais un cappuccino après 11 heures du matin ou après un repas.
D’autres spécialités incluent le caffè decaffeinato, le caffè marocchino, qui est un expresso avec de la mousse de lait et une pincée de cacao, et le caffè corretto, qui est un café avec un ajout de grappa ou d’un autre alcool. Le caffè macchiato, le plus apprécié après l’expresso, est un expresso surmonté d’un nuage de lait ou de mousse de lait, pouvant être demandé en version chaude ou froide.
ROGER HUET. – Que nous réserve cette année la célébration de la Semaine de la cuisine italienne dans le monde ?
ENRICO PAVONE. –
Cette année, la célébration de la Semaine de la cuisine italienne dans le monde met à l’honneur le thème du régime méditerranéen et de la cuisine des racines, en mettant l’accent sur la santé et la tradition. Au Québec, une série d’événements passionnants ont été prévus, combinant gastronomie et musique italienne.
Par exemple, le 26 octobre, la Casa d’Italia accueillera un buffet de produits typiques des Marches et de Toscane, agrémenté de concerts de musiciens tels que Borrkia Matti et Finaz. Le 27 octobre, un apéritif italien sera proposé au Bar Bello, et les 28 et 30 octobre, l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, qui collabore depuis des décennies avec la prestigieuse école de cuisine italienne ALMA, accueillera une classe de maitre et un dîner de gala du chef étoilé Stefano Ciotti.
Ce programme vise à célébrer les racines italiennes à travers la nourriture et la musique, en offrant aux participants une expérience riche en saveurs où les produits traditionnels de qualité sont les protagonistes, promettant une véritable rencontre entre la culture italienne et québécoise.
ROGER HUET. – Merci de m’avoir accordé cette entrevue, Monsieur le Consul Général d’Italie.
ENRICO PAVONE. –
C’est moi qui vous remercie, Monsieur Huet, pour cette agréable conversation. C’est toujours un plaisir de partager un aperçu de la richesse de la culture culinaire italienne.
Roger Huet
Chroniqueur et gastronome