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La trop triste affaire Mena’Sen

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Chronique judiciaire ***

Les lieux sont connus dans les environs sous leur dénomination  abénaquise Mena’Sen, surprenante à l’oreille des visiteurs étrangers,  

Symboliquement, et longtemps avant la construction du complexe  immobilier en cause, le nom rappelait le lieu béni d’une victoire des  Abénakis locaux contre les Iroquois, en 1692, gagnée par une curieuse  course autour d’une île (menahan) et d’un rocher (sen) dont le  vainqueur obtenait le privilège d’occire éternellement son adversaire.  

Ainsi, on limitait les pertes à l’unité. Les procédures de conciliation de  l’époque épargnaient les dommages des jugements décevants  qu’auraient rendus les sages aînés des deux clans. 

Retour à 1976. 

Pour les uns, le long et massif complexe, voisin du pont de la rue Saint François Nord à Sherbrooke, aurait toujours vocation d’habitation à  loyer dit « abordable » près de l’historique champ de bataille. Ce ne  sont pas des maisons longues mais tout comme, à la vue générale  depuis les hauteurs. Nous attendons l’autorisation des médias locaux  ou la collaboration de photographes amateurs pour nous transmettre  des plans aériens de ces constructions de style imposant. 

C’en fut et ça demeure en effet l’usage et la compréhension des  quelque 250 locataires (172 logements) à l’âge de la retraite dont les  survivants et remplaçants actuels affichent une moyenne jeunesse de  77 ans. 

Bref, nous voilà dans le scénario historique des OSBL de 1976,  l’acronyme populaire à l’origine de semi-vérités, selon les lectures des  procédures déposées aux dossiers judiciaires civils de la Cour  Supérieure du Québec, division Sherbrooke. 

Soit par aveuglement volontaire ou méconnaissance des modifications  de la loi québécoise sur les compagnies et sa nébuleuse partie III, alors  que l’interprétation générale identifie un OSBL comme une entreprise  volontairement exempte de résultats financiers profitables et non  encaissables au profit des membres individuellement, il semblerait que  le gâteau aurait affiché une date de péremption. 

De sorte qu’à lire très tard quelques exceptions supposées permettre  aux administrateurs de vider les coffres à leur avantage individuel lors d’une vente « productive » des actifs immobiliers communs en 2022, il  aurait été permis à ces dévoués d’en obtenir individuellement de gras  profits.  

Ces Iroquois accepteraient-ils une conciliation du type Menahan Sen ? On les imagine se courir la couette par des tours de l’île. 

Malheureusement, cela ne sera pas comique ni ludique. Les présents  occupants de Mena’Sen, selon les procédures déposées, seraient  désormais de simples locataires, sujets à des hausses de loyers  équivalents aux statistiques locales, sinon à l’expulsion pure et simple.  Terminée la communauté. Le complexe s’est vidé de sa conception  d’origine : les administrateurs auraient personnellement empoché près  de 20 millions $ en profits directs sur la transaction et après dissolution  de l’OSBL. Le tout ayant été conclu par l’appropriation des lieux en  profits concurrents de cette décision administrative. 

Il s’agirait là de la faute reprochée à Michel Fortin, René St-Amant,  Jocelyn Morissette, Patrick Fortin et l’avocat Serge Dubois, les  administrateurs, représentants « autorisés » de Mena’Sen. 

Au moins deux dossiers déjà volumineux sont en activité à la Cour  supérieure de Sherbrooke. L’avocat des locataires demandeurs  décaisse ou renonce personnellement aux honoraires et déboursés  que, selon notre interprétation, Le fonds d’aide aux actions collectives 

ne peut ou ne souhaite pas rembourser. Comme si le jeu n’était pas  limité au tribunal judiciaire, le Conseil de discipline du barreau du  Québec est saisi d’une plainte en déontologie embourbée dans un  dossier aux multiples aspects procéduraux.  

Sommaire 

Nous analyserons en les détaillant tous les éléments de cette  contestation sociale nécessaire. Le résultat aura une importance  jurisprudentielle évidente sur le statut des OSBL en situation  d’immobilisations sociales sur fin d’activités. 

À l’origine, les « lettres patentes » de 1976 de l’entreprise sociale  Faubourg Mena’Sen prévoyaient l’apport de fonds publics. Le terme  juridique applicable à toute vente serait alors celui d’une éventuelle  dévolution de tous ses actifs à un OSBL, personne « morale » de  mêmes objets. Autrement dit, le produit de la disposition doit transiter  d’OSBL à OSBL, d’aucune façon aux membres ou administrateurs.  Cela allait de soi. D’orientation et de vocation sociale, les profits ou  actifs d’un OSBL, subventionné ou pas, ne sont pas propriétés des  individus qui le dirigent ou l’occupent. En l’absence de repreneur, l’actif  retourne à l’État.  

Bien que le groupe des administrateurs de 2015 comprît des  professionnels aguerris à la pratique commerciale, il semblerait qu’on  s’était confié le mandat interne d’interpréter la loi en vigueur. Nous  demanderons à ces personnes visées par les procédures en cours de  nous expliquer leur raisonnement et moyens de contestation des  procédures qui leur reprochent une appropriation irrégulière, sinon  nettement illégale, des actifs de l’OSBL Mena ‘Sen. 

Par ailleurs l’étonnant enregistrement (déclaration) de 2022 sous le  nom d’entreprise « L’Orientation éphémère » (sic!) qui retirait la  dénomination « Faubourg Mena’Sen » sera évidemment sujette de  notre enquête. Des informations additionnelles sont attendues.  

En effet, ou selon le faisceau des présomptions, la transaction payante  du 21è siècle paraît avoir ignoré toutes les obligations de l’ancien  temps. Ces nouveaux maîtres des lieux semblent avoir interprété les  dispositions présumément caduques du dernier quart du 20è siècle.  Faut-il ajouter méchamment que l’on se trouvait en plein régime libéral  dont les passe-droits paveront éventuellement le chemin d’une  certaine Commission Charbonneau et seront modélisés sous  l’administration caquiste. 

Chanceux, en 2015, ces administrateurs héritiers de ceux de 1980  auront à leur crédit l’élimination de toute la dette de 15 $ millions due  à la SCHL créancière. Ils affichaient un résultat exceptionnellement  positif, preuve d’une gestion serrée de l’entreprise depuis 35 ans dont  ils n’avaient évidemment pas tous été parmi des prédécesseurs sans  doute efficaces. Bref, dès 2015, le glaçage présentait un énorme  gâteau de noces. 

La cérémonie eut lieu en janvier 2022. En deux temps trois mouvements (ça ne s’invente pas), ce fut la vente de tous les actifs  mobiliers et immobiliers de Mena’Sen au profit très apparent des  administrateurs. 

22 millions $. 

Aucun membre, aucun locataire n’eut l’honneur de l’invitation.  L’ensemble de l’actif a été repartit à ces tiers, désormais propriétaires.  En quelle qualité furent-ils investis sans gêne des profits de la  transaction ? 

Selon l’avocat des membres et locataires de Mena’Sen, les cinq  administrateurs se seraient réservé le produit de la vente des  immeubles et permis individuellement une encaisse de 1 300 000 $. 

Calculs faits, on a présumé selon toutes vraisemblances un bloc  commun de 19 550 000 $ et une prime liquide partageable de  3 910 000 $. 

La suite des procédures devra prouver ces éléments. Nous aurons la  version des défendeurs sur laquelle le tribunal devra juger. Une action  collective en dommages a été parallèlement autorisée et dûment  déposée par les résidents à l’encontre des cinq défendeurs et de leur  outil corporatif. 

Nous ferons le tour des procédures en cours, incluant l’analyse d’une  nouvelle action parallèle, dite dérivée, qui conclut à la réinstallation de  la compagnie dissoute en 2022.  

Demeurez à l’écoute. Le buffet débute mercredi prochain. ***(Article du 6 novembre 2024 révisé par l’auteur)

Linguiste, traducteur juridique (Association Canadienne des Juristes Traducteurs / ACJT), éditeur, agent littéraire, chroniqueur d'affaires publiques, présentement avocat à la retraite (Barreau du Québec), directeur de Les Éditions du Mont Royal (editionsmontroyal.com). LL.L (licence en droit, Université de Montréal). D.E.S.D. (droit international, Université d'Ottawa). D.E.S.S. (linguistique et traduction, Université Concordia). Expérience de vie en pratique du droit, militance active et journalisme indépendant. De la politique fédérale au tout-inclus de l'engagement social et des droits collectifs. Publications: Eau secours! Eau Liberté! (écologisme radical, 2008) et Voter Vrai (historique critique des régimes électoraux canadiens et québécois en contextes démocratiques, 2018). Associé du groupe Éditeurs de la Métropole et de la Capitale.