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Lancement de la revue EXO planète

Lancement de la revue EXO planète. Crédit photos @Rico Michel Lancement de la revue EXO planète. Crédit photos @Rico Michel
Lancement de la revue EXO planète. Crédit photos @Rico Michel

Lancement de la revue EXO planète par Ricardo Langlois

Une entrevue avec les trois fondateurs de cette revue indépendante qui met en lumière la nouvelle poésie. Avec Bertrand Laverdure, Pierre Ouellet et Christine Palmiéri.

R.L. : Salut Bertrand, tu diriges une nouvelle revue de poésie EXO planète, une revue de 200 pages avec des auteurs (autrices) qui ont beaucoup d’expériences, quel est le but de cette revue?

  1. L : Une revue littéraire est d’abord et avant tout une nouvelle communauté d’esprit. Un vaisseau abstrait pour des explorateurs de l’imaginaire. Par l’entremise de cette revue, nous souhaitons créer cette communauté, collectionner les «exoplanètes » littéraires qui nous intriguent et nous fascinent. Nous voulons réunir des astronautes de l’inconscient, des afficionados de la parole singulière. (BL)
  2. P. : Une revue dont les textes sortent des sentiers convenus pour explorer la langue dans la force de l’expression singulière des auteurs et des autrices en quête d’une libération imaginative.
  3. O. : Le projet est né de la proposition formulée par Bertrand de créer une nouvelle revue littéraire — totalement indépendante sur le plan éditorial et financier des instances gouvernementales qui soutiennent en général les périodiques culturels — et d’un groupe informel d’auteur.e.s de différentes générations qui se réunissent régulièrement, la plupart du temps à la maison, pour lire leurs textes inédits à haute voix et échanger sur les enjeux de la parole littéraire à une époque où elle semble gravement menacée… groupe qui forme le Comité de rédaction de la revue, auquel Bertrand s’est joint, avec d’autres personnes qui éventuellement s’y ajouteront.

Après avoir dirigé plusieurs revues et collections dans le passé — dont Spirale, Les écrits et la collection « Le soi et l’autre » chez VLB éditeur —, j’ai senti le besoin de donner une voix ou un portevoix à des écrivains et à des penseurs qu’on n’entend plus ou qu’on ne voit plus beaucoup dans les médias officiels d’aujourd’hui. Ils se situent sur une « ligne d’effraction » par l’originalité, la puissance, la pertinence et la profondeur de leur style, de leur univers ou de leur réflexion qui les placent à part ou en retrait, pour ne pas dire en marge, du monde médiatique actuel où la « singularité » passe trop souvent inaperçue au sein du consensus plus ou moins normatif qui règne sur la place publique depuis plus d’une décennie.

En ce sens-là, nous sommes en effet des exoplanétariens de l’intérieur, qui semblent venir de loin ou de nulle part, d’une région de l’imaginaire à peu près inexplorée, pour répandre cette « peste blanche » ou cette pensée virale, cette parole épidémique dont on aimerait tant que la société toute entière soit irriguée de fond en comble pour se prémunir contre les maux de l’esprit qui nous menacent de tout côté… depuis que la langue est rabaissée au rang d’organe de la bêtise, du faux-semblant et du mensonge.

R.L. : Une revue indépendante, je dirais un livre qui mélange la poésie et la philosophie, une posture avant-gardiste?

  1. L : Je ne sais plus ce que c’est que l’avant-garde. Je sais reconnaître par ailleurs ce qui grince, ce qui malaxe, ce qui sort du confort constant de la prose apeurée. Nous cherchons des solitaires empêtrés dans leur propre forêt, des inventeurs d’eux-mêmes, des voyageurs sans passeport. (BL)
  2. P. : Une posture qui relève d’un désir de mettre par écrit les profondeurs de la pensée dans ses parcours rhizomatiques à la rencontre de la poésie et de la philosophie.
  3. O. : Le lien organique entre la parole et la pensée existe depuis l’origine de la littérature (qu’on pense à Montaigne, à Pascal et à Rousseau, pour la seule tradition de langue française) et la quête d’une langue inédite couplée à une pensée inouïe telle que la littérature la mène avec un instinct et un flair renouvelés à chaque époque de son histoire, si elle paraît « avant-gardiste », c’est qu’elle l’a été de tous les temps, depuis les prophètes de la Bible et les philosophes présocratiques, des penseurs taoïstes jusqu’aux poètes de la Pléiade… puis à Refus global, à l’Hexagone, à la Barre du jour, aux Herbes rouges, dans la « tradition » desquels EXOPLANÈTE se situe ou se positionne… en démontrant que c’est « hors temps » et « hors lieu » qu’on découvre les territoires encore inexplorés où la mémoire et l’imagination les plus aigües se déploient avec le plus de liberté…

R.L. : J’ai adoré Judith Lefevre qui rend hommage à Claude Gauvreau, qui est-elle? Guillaume Asselin, une découverte qui a publié aux Mains Libres.

  1. O. : J’ai déjà publié des poèmes de Judith Lefebvre dans la revue Les écrits il y a quelques années : une voix forte, unique, d’une indéniable originalité, qu’on entend parfois chez Solovox et qu’on peut lire chez des éditeurs dit « marginaux ». En poésie, la marge, c’est toute la page, qui est « à part », « à l’écart », comme Judith et d’autres : Vincent Filteau, François Gagnon, Antoinette de Robien, dont on trouve des textes dans la revue, ne sont pas non plus des « figures littéraires » reconnues, mais c’est à ces voix « de côté » qu’EXOPLANÈTE souhaite aussi donner la parole, comme aux écrivains internationalement renommés, bien que provenant aussi des « bas côtés » de la scène littéraire, comme Serge Pey, Antoine Volodine, Alain Fleischer, sans parler de Michel van Schendel et d’Émile Martel, aujourd’hui disparus, qui sont des figures exemplaires de la littérature d’ici, ou de Jean-Marc Desgent, l’un des poètes les plus singuliers du monde littéraire contemporain…

R.L  : Pierre Ouellet est un grand écrivain, il a publié trois livres en peu de temps aux éditions Mains Libres, c’est lui le fondateur, l’idéateur du projet?

B. L. :  Pierre est un des membres fondateurs d’EXOPLANÈTE avec la poète et artiste Christine Palmiéri. Je suis l’idéateur du projet initial. J’ai tout de suite pensé à Pierre pour donner à ce projet une crédibilité louable et un allant fantastique, sachant que Pierre a dirigé plusieurs revues littéraires de renom et des revues critiques. Lorsque je lui ai présenté mon idée ambitieuse de fonder une nouvelle revue littéraire, j’ai vite compris que nous avions des goûts similaires en littérature et que son amarrage à ce projet s’effectuerait sans peine. Nous avons travaillé rapidement et en toute collégialité pour finir par produire le premier numéro de la revue. Pierre avait plusieurs textes en banque qu’il était prêt à publier également. Bref, tout s’est déroulé dans une vague d’enthousiasme communicatif. (BL)

  1. P. : En effet Bertrand est l’idéateur de ce projet qui nous a conquis et enthousiasmé dès le début. Pierre a mis en œuvre ses nombreuses connaissances et moi aussi en tant qu’ex-directrice de revue d’art. Et en tant qu’artiste j’ai travaillé à l’aspect visuel de la maquette en accord avec les aspirations de chacun.
  2. O. : Il y a trois fondateurs et codirecteurs à parts égales d’EXOPLANÈTE : Bertrand Laverdure, Pierre Ouellet et Christine Palmiéri… comme il est écrit sur la page des crédits de la revue.

R.L. : En lisant votre revue, j’ai pensé au début des Herbes Rouges, une poésie qui transgresse les règles, qui réinvente l’espace-temps, qu’en penses-tu?

  1. L : Je suis plus que flatté de cette comparaison. Puisque j’aime plus que tout le travail des Herbes rouges, d’abord en revue et ensuite dans la maison d’édition du même nom qui a pris le relais des premières publications à Longueuil. Je ne sais pas trop comment la revue va grandir. Nous ne sommes qu’au numéro zéro. Nous n’envisageons qu’un numéro à la fois. Nous fonctionnons par autofinancement et comptons sur les abonnements et les achats pour publier le deuxième numéro et ainsi de suite. Qui sait ce que l’avenir nous réserve et ce que nous réservons à l’avenir ! Ce qui nous importe pour le moment, c’est de créer un lieu dynamique dans lequel la littérature reste vivante, sans concession, troublante et miroitante. (BL)
  2. P. : En effet les règles sont changeantes et ne pas adhérer aux règles du moment constitue une forme de résistance, c’est ouvrir un espace sur d’autres avenues qui permet à l’imaginaire et à la parole de s’exprimer selon les visées de chacun qui valorisent l’imbrication de la langue et de la pensée dans un temps réparti à la création d’univers poétique. On peut ainsi parler d’un espace-temps poétique qui tournerait en circonvolution autour de la planète littéraire de l’époque actuelle.
  3. O. : Les Herbes rouges furent exemplaires, oui, comme Le Nigog, La Relève, Les écrits, Liberté, La Barre du jour, chacune à son époque…. Une même exigence les motivait, qu’on a fait nôtre sur un mode qui nous est propre : œuvrer sans cesse à l’« effraction symbolique » qui empêche l’imaginaire et la mémoire littéraires de se figer, de se coaguler, de se fossiliser… La littérature a besoin d’une nouvelle secousse sismique à chaque étape de son histoire : il lui faut casser la glace partout où elle passe… même dans les marges, les interstices, les soubassements, à partir desquels tout se met à trembler, non pas de peur mais d’une fébrilité de tous les sens et de l’esprit, d’une joie secrète, intime, que les Anciens appellent la liesse ou la ferveur, l’exultation, l’euphorie… l’emportement jusque dans les espaces inconcevables où les exoplanètes révolutionnent dans tous les sens, non-sens compris.

R.L. Félicitations à toute l’équipe, merci à toi et Jean-Marc Desgent qui est devenu un ami, bonne chance à EXO planète.

La revue est disponible à :

– L’Atelier-Librairie le voyageur, 2319, rue Bélanger E.

-La librairie Gallimard, 3700, boulevard Saint-Laurent

-Librairie Zone Libre, 262, rue Ste-Catherine Est

-Librairie du Square, 3453, rue St-Denis

-La librairie Le port de tète, 222, rue Mont-Royal Est

Pour abonnement ou envoi d’un numéro veuillez contacter : [email protected]

Lancement de la revue EXO planète. Crédit photos @Rico Michel

Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com