C’est une expérience poétique très forte, à chaque fois que je lis un roman de Kev Lambert. (1) Cette parole qui échappe au réel. Tout tourne autour du jeune Zoey. Ses parents viennent de se séparer, le mal-être devient un personnage. C’est radical. Zoey vit avec une mystérieuse créature. Les descriptions, le combat du jeune Zoey, huit ans, révèlent l’invisible opacité du monde. Heureusement Zoey a une alliée Ernie-Anne pour comprendre son monde (trauma). On glisse dans un monde féérique constamment en effervescence.
L’amitié et le surréalisme
L’amitié entre Zoey et Ernie-Anne, sa cousine, a quelque chose de beau, de surréel. On est confronté à un monde de créatures sorties tout droit des aventures d’Harry Potter, du Seigneur des anneaux ou du monde de Zelda. Au chapitre 13, on découvre tout l’univers des jeux vidéos. Ernie hésite sur la perception de Zoey. « Les démons maléfiques, Ernie connaît, elle est spécialiste de la chasse aux monstres et aux vampires, Zoey frappe à la porte de sa cave pour l’inviter dans une grande aventure » (p. 93 ).
Il est question aussi pour Zoey de trouver sa véritable identité. Masculin ou féminin? Les deux ont leur propre combat. Ernie-Anne se sent rejetée parce qu’elle a été adoptée. Tous les deux ont choisi le monde imaginaire. Le travail d’écriture de Kev Lambert est fabuleux. Comment, dans la forme narrative des enfants donner des explications sur les traumas. Comment construire sa personnalité, comment porter le masque quand au fond, on veut à tout prix être soi-même.
L’école est le lieu où les agressions et la méchanceté s’incarnent dans la vie des jeunes enfants. On a tous connu une expérience traumatisante quelque part dans l’enfance. Le roman est grandiose. J’embrasse ce livre du premier au dernier mot. Il y a entre les deux enfants un lien ininterrompu entre l’origine et la fin. J’aime aussi le langage québécois (ici la langue du Saguenay-Lac-Saint-Jean).
La magie règne
« Elle ouvre le roman et un vortex l’emporte, elle s’imagine enfin rejoindre un royaume où on l’attendait depuis toujours. Il n’en faut pas beaucoup pour mettre le pied dans l’autre réalité : une lettre d’invitation, une trappe dans le sous-sol, un lapin blanc, un garçon perdu qui entre dans ta chambre en pleine nuit et te saupoudre de poussière de fée. » (p.143 ).
Ernie-Anne est convaincu qu’il y a un destin extraordinaire qui l’attend quelque part. On apprend aussi que Zoey et Ernie détestent leur famille respective. Le monde de l’enfance contre le monde des adultes. C’est souvent comme ça pour les enfants qui sont différents. Ils doivent consulter des psychologues. Zoey se fait traiter de tapette.
« Le petit garçon me fait penser à une grande île et la petite fille à un grand ciel. » (2 ) Qui ne le sait pas ? J’emprunte les mots de Philippe Haeck parce qu’ils sont beaux. Rebelles comme les adolescents. Ils ont un appétit pour un monde meilleur. J’aimerais tant les rencontrer. J’aimerais aussi serrer dans mes bras Kev Lambert parce que tes livres sont des fêtes. Des laboratoires de rêves. Quand je lis Lambert, j’apprends le langage du guerrier. De l’égalité entre les hommes et les femmes.
C’est un livre de 400 pages qui m’a bouleversé comme tous les autres. Le ciel est bleu, je viens de lire un grand poème sur la Vie et sur l’enfance.
Note
Kev Lambert, Les sentiers de neige, Héliotrope, 2024.
Merci à la librairie indépendante À lire