Mon cher enfant,
Je suis à court de moyens pour traiter avec toi et tes manières obstinées, mais j’ai encore du cœur et je vais continuer à essayer.
Il est étonnant de constater à quel point tu continues de résister à tous les efforts, même à l’âge de 17 ans, pour travailler avec toi afin d’atteindre tes buts. Et il est encore plus déconcertant que tu ne veuilles même pas essayer d’agir de manière à démontrer ton sérieux face à tes objectifs, et à me donner la satisfaction de te voir réussir.
Je dois avouer un niveau élevé d’anxiété qui me pousse à réagir de certaines façons. Une anxiété face à toi et à la vie que tu es en train de te construire. Une vie qui, je le sais, ne te donnera pas ce que tu dis rechercher : confort, statut et épanouissement personnel. Une vie où tu te retrouveras à trimer pour de maigres résultats, faute de qualifications et de préparation.
J’essaie constamment d’imaginer ce que sera ton avenir dans un monde très compétitif, et je te vois travaillant en marge, dans des emplois non qualifiés, dépourvus de créativité et de responsabilités, et qui ne te procureront pas la satisfaction que tu dis rechercher. Non pas parce que tu n’es pas intelligent ou capable, mais parce que tu n’as pas acquis les qualifications nécessaires.
Je me pose donc, et je te pose maintenant, les questions suivantes, en espérant que cela te pousse à réfléchir sur la manière dont tu vis ta vie et pourquoi tu agis ainsi :
- Es-tu toujours déterminé à atteindre tes objectifs académiques ?
- Qu’est-ce qui te pousse à négliger ta vie scolaire au profit des jeux vidéo, des réseaux sociaux et des sorties avec des amis ?
- Pourquoi passes-tu autant de temps dehors, souvent pendant de longues périodes ?
- Pourquoi n’aimes-tu pas lire, étudier ou faire des activités intellectuelles ?
- Pourquoi es-tu si attaché à te droguer et à fuir la réalité ?
- Pourquoi n’as-tu développé aucun intérêt, passe-temps ou amour pour le sport, qui pourraient occuper ton temps et t’aider à grandir ?
- Pourquoi n’es-tu passionné par rien d’autre que ton apparence et les sorties avec des amis ?
- Pourquoi ne prends-tu pas en compte les sentiments et les préoccupations de ton père pour tenter de l’apaiser?
Je souhaite que tu fasses un effort honnête et réfléchi pour répondre à ces questions, de préférence par écrit. Ne rejette pas cet exercice comme inutile. Je crois fermement que réfléchir à ces questions nous aidera tous les deux à clarifier les causes de la négligence académique, du manque d’intérêt pour ta trajectoire de vie et des obstacles à tes objectifs.
Une fois que tu auras répondu, nous devrons discuter de tes réponses et envisager ensemble les activités à entreprendre pour évaluer leurs impacts. Ensuite, nous devrons examiner si les résultats escomptés te conviendront. Après tout, c’est toi qui vivras principalement avec les conséquences de tes décisions. Si les résultats mènent à ta réussite, nous serons tous deux satisfaits, et je ferai tout pour t’aider. Sinon, je devrai continuer à porter la douleur et la déception des occasions manquées et des rêves brisés – mes rêves et mes aspirations pour toi.
Tu sais que les dernières années ont été douloureuses pour tout le monde, avec la séparation et la rupture. Malgré cela, depuis que toi et ta sœur avez choisi de rester avec moi, j’ai renforcé ma croyance en l’avenir et travaillé courageusement pour nous reconstruire. Ta sœur, malgré ses douleurs intérieures, persévère dans ses objectifs et trace sa voie. C’est admirable. Toi, cependant, tu restes coincé dans des comportements qui te détournent de la réussite : sorties excessives, négligence scolaire, abus de ton corps et de ta santé, manque de participation à la vie familiale. Ce comportement t’éloigne des opportunités et de l’épanouissement que tu mérites.
D’un autre côté, tu continues le même schéma de comportement qui t’a éloigné du chemin vers le succès. Tu sors de manière excessive ; tu te prives de l’éducation que tu mérites tellement ; tu te prives de la croissance intellectuelle (obtenue par la lecture et l’analyse) qui te permettrait de savourer tellement plus dans la vie (culture, traditions, histoire, actualité, etc.) ; tu abuses de ta santé avec une consommation excessive de tabac et de cannabis, un manque d’exercice, de sommeil, de soins personnels et une implication limitée dans la vie de famille. Ce qui est encore plus dangereux, c’est que tu ne réalises pas (ou si tu le fais, tu t’en fiches) les dommages immenses que tu te causes et la vie difficile que tu te prépares pour l’avenir.
Aujourd’hui, tu es un jeune homme, tu vis encore sous le toit de ton père, avec sa protection et son soutien, et tu n’es pas encore affecté par des maladies comme le cancer des poumons ou autres, liées à une consommation excessive. Mais que feras-tu lorsque tu seras seul, avec un faible revenu, peut-être malade à cause de tes abus ? Tu dois réfléchir en ces termes. Tu dois commencer à planifier comment assurer ton avenir et une véritable indépendance, et comment garantir ton bien-être. Tu dis que tu es maintenant un adulte. Voilà ce que font les adultes : ils ne décident pas seulement de l’heure à laquelle ils rentrent à la maison.
Tu dois comprendre que je ne suis pas l’obstacle à ton indépendance, puisque tu prends et exécutes tes propres décisions. J’interviens uniquement lorsque je vois qu’il n’y a pas de sens dans ce que tu décides, ou lorsque je vis avec toi les conséquences destructrices de tes choix, en essayant de t’aider à réparer les dégâts (comme lorsque tu as été expulsé de l’école). Mais jusqu’à présent, mes accomplissements avec toi sont maigres. Je n’ai pas réussi à t’aider à terminer ton lycée malgré les cours particuliers constants et les autres efforts. Je n’ai pas réussi à t’aider à arrêter de fumer des cigarettes et du cannabis, même si les dégâts pour ta santé sont évidents : toux, mucosités, essoufflement et sifflements.
Je n’ai pas réussi à t’aider à développer un amour pour le sport, même si je t’ai inscrit dans de nombreuses disciplines (gymnastique, natation, football, basketball, taekwondo) et que j’ai entraîné certaines de tes équipes. Je n’ai pas réussi à t’aider à cultiver des hobbies ou d’autres centres d’intérêt, même si je t’ai inscrit dans des clubs de lecture, des cours de musique, acheté un piano et rempli des bibliothèques d’œuvres classiques et contemporaines. Je n’ai pas réussi à t’inculquer beaucoup de discipline et d’autocontrôle, même si j’ai toujours donné l’exemple, sans faillir. Je n’ai pas non plus semblé réussir à éveiller chez toi un sentiment de loyauté et d’amour pour ton père, qui devrait t’encourager à modérer certains de tes désirs et à ajuster ton comportement.
J’aimerais que tu me dises ce que, selon toi, j’ai réussi à t’apporter jusqu’à présent, à part te fournir nourriture, logement et répondre à tes autres besoins. Prends le temps de formuler une réponse, de préférence par écrit. J’ai besoin de ton avis à ce sujet pour que nous puissions explorer les prochaines étapes de notre relation avant qu’elle ne se brise à nouveau. C’est crucial pour notre coexistence.
Je souhaite maintenant revenir sur le dernier épisode que nous avons vécu ce week-end. Tu as mentionné que tu « ne peux pas vivre comme ça », en faisant référence à mes éclats, et tu pensais partir. Eh bien, je peux te dire que moi aussi, je ne peux plus continuer ainsi, c’est-à-dire vivre sans condition avec tes choix. Je crois avoir été excessivement patient et accommodant, presque à l’excès, en espérant toujours qu’à tout moment tu commencerais à mener une vie équilibrée entre études, développement personnel (physique et intellectuel) et jouissance de ce que la vie a à offrir (croissance personnelle par la lecture, les voyages, les découvertes sensorielles et culturelles).
Au lieu de cela, l’abus de ma dévotion et de ma patience est devenu une pratique normale, épuisant ma persévérance et sapant mon énergie et mon enthousiasme. Comme tu le sais, j’ai mis ma propre vie personnelle en suspens pour assurer les meilleurs résultats possibles pour nous tous. Je constate que je suis le seul à faire un effort sérieux, mais sans résultat, dans le sens où je n’ai pas pu changer ou influencer substantiellement le statu quo. Au mieux, j’ai réussi à retarder l’inévitable : ton désir de partir. Je propose donc que nous tentions les étapes suivantes pour faire un dernier effort afin de renforcer notre relation et progresser dans la réalisation de tes objectifs.
Je te propose une dernière tentative :
Ensemble
- Nous explorerons tes réponses pour mieux comprendre nos comportements respectifs.
- Nous travaillerons à appliquer cette proposition.
Toi
- Tu répondras honnêtement et réfléchiras aux questions dans un délai d’une semaine.
- Tu t’impliqueras davantage dans tes études pour obtenir ton diplôme.
- Tu passeras au moins trois nuits par semaine à la maison.
- Tu réduiras ta consommation de drogue.
- Tu seras honnête et ouvert avec moi.
Moi
- Je diminuerai la pression exercée sur toi.
- J’emploierai des rappels plus doux.
- Je resterai disponible pour t’aider dans des choix raisonnables.
Si nous échouons faute d’efforts ou d’intérêt, tu pourras partir à ta majorité.
Avec amour et sincérité,
Ton père
NDLR : Lettre d’un lecteur à son fils. LaMetropole.com publie cette lettre qui pourrait être utile à d’autres pères qui cherchent un dialogue constructif avec leurs fils.
Version originale anglaise
Letter to my Errant Child
My dear child,
I have run out of approaches to deal with you and your unwavering ways, but I still have heart and will keep trying.
It is astonishing how you continue to resist all efforts, even at your young age of 17, to work with you on achieving some basic goals and it is more bewildering that you do not want to even try to act in a way that would demonstrate your seriousness about your goals and to give me some satisfaction to watch you achieve.
I must confess to a high level of anxiety that makes me react in certain ways. An anxiety over you and the kind of life you are building for yourself. A life that I am certain will not give you what you say you seek in life: comfort, status and self-fulfilment. A life that will see you toil for small returns because of lack of qualifications and personal preparation.
I try constantly to project on what it would be like for you in the future, in a very competitive world, and I see you working in the margins, in unskilled jobs that do not require much creativity and responsibility and that will not give you a sense of gratification that you say you seek. Not because you are not intelligent or incapable, but because you have not acquired the needed qualifications. So, I keep asking myself, and now I am asking you to consider the same questions that have confounded me for so long, to get you to think about what how you are living your life and why you are doing the things that you are:
- Are you still set on your goals of academic achievement?
- What causes you to neglect your academic life in favour of gaming, social media and out with friends?
- What causes you to be out so often and for long periods of time?
- Why don’t you like to read, study or do anything intellectual?
- Why are you so attached to getting high and escaping your reality?
- Why haven’t you developed any interests or hobbies or a love for sports that could consume some of your time, helping you grow in the process?
- Why aren’t you passionate about anything other than self-grooming and hanging around with friends?
- Why aren’t you taking your father’s feelings and concerns into consideration and trying harder to appease him?
I would like you to make an honest and thoughtful attempt at answering these questions, preferably in writing. Please do not dismiss this exercise as not leading anywhere. I strongly believe that considering these questions will assist us both in clarifying the causes for academic neglect, the lack of care about your trajectory in life and the hinderances to achieving your goals.
After answering these questions, we need to discuss the answers and project on the activities that we both need to conduct to gage where they will lead. We, then, need to consider whether the projected end results would be acceptable to you, after all, you will mostly have to live with the consequences of any actions you might take. If the projected end results will lead to your success, then we are both happy and I will do my best to help you as you require. If they will not lead to positive outcomes, then I will have to continue to shoulder the pain and disappointment of missed opportunities and broken dreams and aspirations, albeit my dreams and aspirations for you.
You know that the last few years have been painful for everyone with the marriage breakup and separation. You also know that we all endured a lot of agony, disappointment and broken hearts. Since you and your sister chose to stay with me, I have strengthened my belief in the promise of the future and have been working courageously and hard to keep us as a tight-knit family, not to give up on us, to work at healing and reconstruction from what has befallen us, and to continue on our way to earn a good place in society, participating and contributing.
Irrespective of the emotional and other difficulties I am personally facing, I continue to work hard in support of my family in the only way I know how: blindly, stubbornly and with my whole being to rebuild our shattered lives and dreams.
Your sister, irrespective of her inner pain and many disappointments, persists in her focus on her goals and is on a path to secure her future and achieve her independence. She is driven by her inner strength and self-confidence. That is admirable and comforting. All she requires is my support to achieve her goals.
On the other hand, you continue the same pattern of behaviour that has gotten you off the path to success. You go out excessively; you deny yourself the education that you so richly deserve; you rob yourself of intellectual growth (obtained through reading and analysis) that will allow you to savour so much more of life (culture, tradition, history, current events, etc.); you abuse your health with excessive smoking (tobacco and weed), with lack of exercise, sleep, personal care and involvement in family life. What is even more dangerous is that you do not realise (or if you do, you do not care) the immeasurable damage you are causing yourself and the difficult life you are setting up for yourself in the future.
Now, you are a young man, still have your father’s home, his protection and support, and are not yet afflicted with lung or other diseases (from excessive smoking). But what will you do when you are on your own, with low income, possibly sick from self-abuse? You must think in these terms. You must begin to plan how to secure your future and eventual true independence and how to ensure your welfare. You say you are now an adult. That is what adults do. They do not only decide the hour they come home.
You must understand that I am not the obstacle to your independence since you make and execute your decisions. I only intervene when I see that there is no purpose in what you are deciding, or when I live with you the destructive consequences of your decisions, trying to help you repair the damage (for instance when you were kicked out of school). But so far, my accomplishments with you have been scant. I have not succeeded in helping you complete your high school despite the consistent tutoring and other efforts. I have not succeeded in helping you quit smoking cigarettes and pot, even though the damage to your health is evident from your coughing and phlegm to shortness of breath and wheezing.
I have not succeeded in helping you develop a love for sports even though I enrolled you in many sports (gymnastics, swimming, soccer, basketball, Taekwon-do) and coached some of your teams. I have not succeeded in helping you develop any hobbies or other areas of interest even though I enrolled you in reading clubs, music lessons, purchased a piano and filled bookcases with classical and contemporary works. I have not succeeded in helping you instill in yourself much discipline and self-control even though I have lead by example, without fail. I also do not seem to have succeeded in evoking in you a sense of loyalty and love for your father that should encourage you to curb some of your desires and moderate your behaviour.
I would like you to tell me what you think I have been able to help you with so far in your life other than provide you with food and shelter and fulfill your other needs. Please take some time to formulate a response, preferably in writing. I need your thinking on this so we can explore next steps in our relationship before it breaks, again. This is crucial to our co-existence.
I would like to turn now to the last episode we lived through over the weekend. You mentioned that you “cannot live like this”, meaning with my outbursts, and were thinking of moving out. Well, I can tell you that, I, also, can no longer continue like this, meaning living unconditionally with your choices. I believe I have been overly patient and accommodating, almost to a fault, always hoping that at any moment you would begin a balanced life between academic study, self-development (both physically and intellectually) and enjoyment of what life has to offer (self-growth through reading and travel, experiencing sights, tastes, and sounds).
Instead, abuse of my dedication and patience became normal practice, dilapidating my perseverance and sapping my energy and enthusiasm. As you know, I have put my own personal life on hold to ensure the best possible outcome for all of us. I am finding that I am the only one who is making a serious effort, but to no avail, in the sense that I have been unable to change or substantially influence the status quo. At best, I have succeeded in delaying the inevitable: you wanting to move out. So, I would like to propose that we attempt the following steps as a final effort to work together at strengthening our relationship and making progress in achieving your objectives:
Together
- We will explore your responses to the set of questions above in an effort to better understand our respective behaviours and future trajectory; and
- We will truly attempt to make this proposal work by applying ourselves.
You
- You will respond to the questions above honestly and thoughtfully, in writing and within a reasonable time frame, say a week;
- You will put in more effort and commit to your academics so you can complete your high school diploma;
- You will spend three nights a week at home, minimum;
- You will decrease your drug consumption to a negligible amount with a view to eventually stop altogether; and
- You will be honest and open with me, and request my assistance or other input on any matter.
Me
- I will decrease the pressure I put on you;
- I will employ more gentle reminders for you to continue your good efforts; and
- I will be available to assist you or support you in all reasonable choices;
I hope that with determination and honest effort we can make this proposal work. If we cannot for lack of trying, or care, or interest, then please execute your plan to leave home and try to make it on your own any time after you reach your eighteenth birthday.
With love and sincerity,
Your father
Editor’s Note: A letter from a reader to his son. LaMetropole.com is publishing this letter, which may be helpful to other fathers seeking a constructive dialogue with their sons.
LaMetropole.com couvre l’ensemble des activités culturelles du Quartier des Spectacles à Montréal et d’événements culturels et sociaux au Québec et dans le monde.
