Il voulait juste enseigner. Le cours de Mr Paty, par Mikaëlle Patty, avec Émilie Frèche, Albin Michel , 208 p.
Le 16 octobre 2020, Samuel Paty, un professeur de métier apprécié de ses élèves, a été décapité à la sortie de son collège par un djihadiste qui avait juré de tuer ce mécréant.
Soulignons au passage que ce dernier avait été radicalisé et fiché par la police, et qu’il ne connaissait pas cet enseignant. Il s’était fié à la vulgate des réseaux sociaux, ains qu’à l’appel du parent Brahim Chnina, le militant islamiste Abdelhakim Sefrioui, plus quatre personnes reliées à cette cause, dont Priscilla Mangel, Française radicalisée qui relayait la haine. Le meurtrier a été abattu par la police peu après ce crime odieux.
Des années avant la disparition du professeur, les locaux du journal satirique Charlie Hebdo ont été la cible d’extrémistes. Nous avons perdu des dessinateurs talentueux, tels Cabu et Wolinski, l’économiste Bernard Maris, le rédacteur en chef Charb et d’autres. Ces événements tragiques ont été suivis d’autres attaques, comme celles perpétrées contre l’hyper casher, le camion fou sur la promenade de Nice et la salle du Bataclan, ainsi que divers bars à Paris, qui ont fait 120 victimes. Nous ne parlons pas ici de guérilla urbaine, mais bien de meurtres commis au nom d’une idéologie contre la liberté d’expression, que ne partagent pas tous les musulmans, une chance.
Les jours, les heures et l’abandon
Avec ce récit émouvant et minutieusement documenté, la sœur de Samuel Paty, Mikaëlle, partage les moments d’angoisse vécus par son frère. Elle éclaircit la tromperie d’une élève qui a nié avoir assisté au « cours fatal » où des caricatures de Charlie Hebdo ont été présentées dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression, inscrit au programme. Pour traquer la vérité tel le petit poucet, sa sœur se sentait obligée de continuer le combat.
Samuel Paty ne fut pas un contestataire. Au contraire, il était convaincu que la libre expression pouvait servir de remède aux tensions. Face à un islamisme qui continue de menacer les fondements de notre société, nous commençons à voir des lueurs dangereuses poindre. Sa sœur va conduire une enquête pour mettre en évidence les erreurs administratives, la lâcheté de ses collègues et le manque de protection avec des preuves objectives.
L’obscurantisme est bel et bien présent, véhiculé par des vidéos et des raccourcis qui servent une cause médiévale, jamais la justice ou la liberté d’expression. Samuel Paty savait que le terrain était miné. Il a donc prévenu que les personnes susceptibles d’être choquées pouvaient s’absenter. Pis encore, c’est le mensonge qui a mené Anzarov à commettre l’assassinat de jeunes étudiants en payant des jeunes pour qu’ils désignent le mécréant en question. L’hypocrisie de la jeune fille, suspendue pour des raisons de comportement, aura conduit les parents à commettre l’irréparable.
Les minutes du procès sont révélatrices. Les principaux instigateurs de cette cabale, condamnés à des peines sévères, tentent de se disculper en niant être des terroristes. Ils mentent et racontent des demi-vérités. L’administration scolaire a failli, tout comme la justice. Samuel Paty en a payé le prix. C’est une tragédie immense.
Me Louis Cailliez l’a dit de manière éloquente lors du procès des mineurs au Tribunal des enfants le 6 décembre 2023 : « La mort de Samuel Paty est évidemment irréparable. Rien ne le fera revenir. En revanche, exaucer ses vœux est possible. Et Samuel PATY avait un vœu : une vocation ; faire de ses collégiens des adultes éclairés qui œuvrent pour le bien commun ». Souhaitons-le dans un monde où les repères s’effacent au prix de dangereuses illusions messianiques.