Soleil de nuit. Jean-Christophe Grangé. Sans Soleil. Disco Inferno, tome 1, Albin Michel, 450 p. et Sans soleil. Le roi des ombres, tome 2, Albin Michel, 450 p.
Quand nous disions que la rentrée littéraire 2025 serait marquée par l’arrivée de deux poids lourds, nous avions raison. En deux semaines, les lecteurs ont pu découvrir le retour de John Irving, un romancier célèbre, avec : Les fantômes de l’hôtel Jérome (Seuil) et ses 1000 pages, ainsi que celui de Jean-Christophe Grangé, auteur de succès de librairie policiers, avec Disco Inferno/Le roi des ombres (plus de 900 pages). Avec des hauts et des bas, nous suivons depuis longtemps et avec intérêt la carrière de ce journaliste d’investigation. C’est grâce à l’écriture d’un roman sombre intitulé « Les rivières pourpres » et à son adaptation au cinéma par Jean Reno et Vincent Cassel que son métier a véritablement décollé !
Après 17 fictions, tous n’ont pas été des succès, mais nous en avons retenu trois : Lontano, sur l’Afrique, Congo Requiem et Les promesses, qui fut un roman historique, très bien documenté.
Les nuits folles de Paris
Avec ce diptyque, Grangé retrouve la fibre du journaliste d’enquête. Et à moins de cultiver la mauvaise foi, personne ne devrait être déçu. Nous sommes en 1980. Le gouvernement Mitterand vient de faire sauter les derniers tabous sur l’homosexualité. Les boîtes de nuit sont bondées et les relations amoureuses sans protection sont monnaie courante. Pourtant, un assassin silencieux rôde : le sida. Les médecins traitants parlent d’une maladie mystérieuse pour laquelle il n’existe aucun remède.
Tant bien que mal, Ségur, jeune praticien spécialisé en affections tropicales et bien au fait de la communauté gaie, tire la sonnette d’alarme avec une petite équipe de professionnels. Ils font face à l’apathie, au dédain (les mentalités ne changent pas aussi rapidement) et à la police, qui a bien d’autres priorités. Seul Swift, un flic coriace, est aux prises avec le tueur des « pissotières », lieu de rencontre de personnes en quête de sensations fortes.
En outre, un individu armé d’une machette s’en prend à des hommes en fin de vie, les découpant et leur brûlant la bouche. Federico, un jeune Chilien soigné par le docteur Ségur, sera la première victime d’une longue enquête. Avec son amie Hiedi, ce « prositué » de luxe s’adonnait au chantage en dérobant des documents compromettants. Du célèbre Bain-douche aux personnalités publiques qui refusent de révéler leur homosexualité, puis aux endroits sordides situés près du jardin des Tuileries, le schéma est en place
Cette étude passionnante nous fait découvrir un monde jusqu’alors inconnu pour moi : celui des hommes, mais pas du sida. Grangré nous plonge à nouveau dans cette lutte constante, émaillée de décès tragiques, tels que celui de l’acteur Rock Hudson et du chanteur Klaus Naomi, entre autres. Au fil des spéculations et des indices qui s’estompent, un univers sombre prend forme. L’auteur a accompli un travail admirable en explorant ce thème complexe. Certes, il y aura arrestation puis suicide d’un des assassins. Mais le pire des deux court encore.
Pauvre enfants des ombres
Il s’est écoulé six longues années depuis (186). Les célébrations se sont dissipées, le sida décimant la communauté. Nos trois personnages principaux ont emprunté des chemins différents. Heidi se trouve actuellement à Tanger, sous la protection d’un ancien propriétaire de boîte de nuit mourant. Swift rejoint ses camarades de l’unité criminelle, tandis que Ségur continue sa quête d’un remède miraculeux. Mais le vent va tourner, puisqu’une décapitation semblable est commise.
Du Congo, où semble provenir la souche du sida, au Maroc gangréné par la corruption et les trafics d’enfants, jusqu’aux champs de canne à sucre en Haïti, sans oublier les terribles Tontons Macoutes : le suspense sera redoutable. L’auteur, a mené une enquête approfondie.Des familles désemparées en passant par le travail acharné jusqu’à l’étonnant tueur précoce, condamné dès son plus jeune âge. Il expiera ses fautes de manière violente. Ainsi, Jean-Christophe Grangé continue d’ancrer son ouvrage dans notre réalité, aussi cruelle soit-elle.
Apparition du Sida en France : entre méconnaissance et impuissance.
Journaliste depuis 1990, formation en sciences politiques à l’UQAM( relations internationales). Recherchiste, réalisateur et chroniqueur pendant 20 ans à Radio-Canada, au Journal de Montréal pendant 17 ans( jazz, classique et autres). Couverture du Festival de jazz depuis 1990. Collaborateur à Sortiesjazznights depuis 20ans. Auteur des grands noms du jazz en 2000 ( Éditions de l’Homme) et aussi chroniqueur de livres pour le blogue : C’est livre et du bon
