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Lucky Luke. Un cow-boy sous pression.

Lucky Luke et Achdé. Lucky Luke et Achdé.
Lucky Luke et Achdé.

Et une bière garçon ! Un cow-boy sous pression. De Jul (scénario), Achdé (dessins), Lucky Comics, 48 p.

Nous l’attendions avec impatience ! Une fois de plus, le tandem Jul/Achdé réalise des merveilles avec notre cow-boy solitaire qui doit gérer « une grève de la bière ». Après Un cow-boy dans le coton (sublime) et L’arche de Rantanplan, Milwaukee s’invite dans la danse avec une foule de personnages, dont le grand-père de l’agité du bocal orange, l’apport des immigrants allemands, Aigle à deux-têtes, bâtisseur/artisan, ou encore un beau clin d’œil à Louis de Funès.

On y retrouve aussi l’opéra et La grande vadrouille. Les jeux de mots abondent dans cette nouveauté, qui nous rappelle l’esprit d’Uderzo et de Goscinny. Une Amérique assoiffée, des saloons qui tournent au ralenti et le grand capitaine d’industrie Frrderick Matz (Pasbt pour l’histoire classique), qui va embaucher Lucke Lucke pour veiller au grain, sans jeux de mots. C’est jubilatoire !

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Pour en savoir un peu plus, nous avons joint Achdé, le sympathique dessinateur, qui nous explique la genèse et le pourquoi de ces histoires de brasseurs.

Mon cher Achdé, en attendant de vous revoir à Montréal, qui sait ? Ce dernier Lucky Lucke est une véritable merveille, presque aussi étonnante qu’Un Cow-Boy dans le coton. Le sujet était difficile, mais vous l’avez bien traité.

Merci, merci , vous me touchez en plein coeur, Argh ! ou plutôt devrais-je dire « Hic ! » Qui a eu l’idée de ces brasseries et brasseurs ainsi que de transposer Luke dans une grande ville. (Naissance de l’Amérique industrielle)

Cette histoire de Lucky Lucke et les Allemands est un « serpent de mer » que nous traînons depuis 2008. Au départ, nous pensions d’abord avec les éditeurs aux péripéties d’une caravane de migrants juifs allemands. Compliqué de trouver le bon scénario et le bon équilibre et, surtout, une aventure abordable pour petits et grands. N’oublions pas que LL, est une série grand public. Finalement des années plus tard, Jul nous a proposé «La terre promise» sur la première émigration juive aux É.-U., entre 1850 et 1870.

Ne restait plus qu’un nouveau scénario sur les Allemands tout court, et leur apport aux pays de l’Oncle Sam où Milwaukee et ses brasseries semblaient une évidence. Malheureusement, avec la loi sur les alcools et les cigarettes en France, impossible d’aborder le sujet tel quel. C’est Jul qui a trouvé la solution : La grève ! « Un cowboy sous pression » n’est pas un album sur les brasseries ou la bière, c’est un album sur deux mondes qui s’affrontent ; ouvriers et patrons dans une Amérique industrielle et un cowboy qui découvre le syndicalisme. Lucky Luke va en baver ».

C’est aussi un beau pied de nez à l’agité du bocal orange. Tous ces brasseurs sont allemands, ils ont importé le hot-dog, le hamburger, le ketchup, les bretzels, la bière. Il fallait avoir du génie pour retrouver l’arrière-grand-père de Trump, propriétaire de saloon ? Les chiens ne font pas les chats ! Et surtout, je tiens bien à préciser : ce n’est pas l’arrière-grand-père de Trump, mais son grand-père. Trois générations et ça ne s’arrangent pas. La preuve récemment contre votre nation. Les Canadiens m’ont impressionné dans leur réaction. Vous êtes de vrais patriotes.

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Bref, en regardant votre énumération des apports à la culture américaine par les émigrants allemands, on ne peut pas dire que c’est du grand art : alcool, malbouffe et Trump. Heureusement qu’Eisenhower est là pour remonter le niveau. Sinon, tout ce que nous mettons dans l’album est surtout pour en rire. On caricature inévitablement, mais, on l’assume. J’avoue, en revanche, que je ne suis pas sûr que les deux vieux du Muppet Show que j’ai rajoutés dans le théâtre soient allemands ; trop râleurs, de vrais Français.

Quelle fut votre somme de travail ? Seulement la scène de l’opéra avec Louis de Funès dans le rôle du chef d’orchestre, un clin d’oeil à La grande vadrouille. Sans compter les gigantesques bâtiments de l’époque, la reconstitution de Milwaukee. Et tout cela à la main.

En 23 ans de Lucky Luke, c’est l’album le plus complexe que j’ai réalisé. Je reconnais que je n’aime pas dessiner les villes de l’Est. Aussi, Jul m’a apporté de la documentation et, de mon côté, je me suis plongé dans mes archives photographiques. Il a fallu que je blouse un peu sur certaines scènes. Par exemple, Jul voulait une allusion à un tableau allemand, lorsque Lucky Luke découvre Milwaukee. Rien ne surplombe réellement cette ville et j’ai dû tricher. J’ai retrouvé un plan de cette ville à l’époque et je me suis coltiné la reconstitution de tout ça en y ajoutant de la vie : bateaux, fumées, etc.

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Pour le building historique de Martz (Pabst dans la réalité), j’ai fini par retrouver les plans d’origine. Du bâtiment et j’ai reconstitué une perspective en contre-plongée. Pour le théâtre idem. En revanche, les scènes décrites par Jul étaient difficiles à illustrer. Il adore « La grande vadrouille », mais reconstituer exactement la scène du film était impossible. Puisqu’elle-même est composée de trois plans (même chose dans Inglorious Bastards). J’ai dû rechercher les meilleures incidences pour inclure tous les éléments, redécouper les plans de scène, inclure l’ombre chinoise du colt pour le côté dramatique, puis l’annihiler par la dernière case au dialogue amusant. Question dessin, je promets que je ne dessine pas sur ordinateur ni sur iPad. Tout est fait au pinceau et à l’encre de Chine roulée sous les aisselles. Bref, du boulot, des prises de tête, des défis graphiques, des essais, des repentirs et voilà. »

Lucky Luke sauve une fois de plus la mise. Il est aussi confronté aux revendications syndicales. Sans oublier la participation de ses amis indiens pour la construction de futurs gratte-ciel. Le dénouement de la négociation est un clin d’oeil à la nomination du pape, qui est annoncée par une fumée blanche.

Vous avez bien tout résumé. C’est une plongée dans un autre monde pour Lucky Luke. Il ne connaît rien au monde industriel, au syndicalisme, aux grands patrons de l’Est. Finalement « Aigle à deux têtes », que LL retrouve par hasard à son arrivée en ville, va être le lien et son guide guide entre le Far West et le Far East. Un gouffre entre deux mondes, et, c’est un membre des Premières Nations qui va l’aider.  Belle revanche, n’est-ce pas ? Et puis, c’est aussi un clin d’oeil à ces hommes considérés comme des sauvages pour la plupart. Ce sont eux qui ont construit les gratte-ciel du Nouveau Monde grâce à leur absence de vertige. Pour la fumée, c’est plus une réminiscence des fameux signaux de fumée des Lucky Luke classique. J’avoue que le pape, je n’y avais pas pensé.

En définitive, notre cowboy solitaire sortira vainqueur de cette mission incongrue et sa connaissance des Allemands en sortira grandie. Ajoutez à cela que les Dalton mettront une fois de plus le bazar dans cette histoire, épisode véridique, car on utilisa souvent des prisonniers pour combler la pénurie de main-d’œuvre aux USA.

Pour résumer : Les Dalton, un syndicaliste radical, un patron intransigeant, un apache marié à une Bavaroise, une grève qui impacte les saloons de l’Ouest et un cowboy qui règle tout ça.

Luke le chanceux n’aura jamais si bien porté son nom dans cette aventure.

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Journaliste depuis 1990, formation en sciences politiques à l’UQAM( relations internationales). Recherchiste, réalisateur et chroniqueur pendant 20 ans à Radio-Canada, au Journal de Montréal pendant 17 ans( jazz, classique et autres). Couverture du Festival de jazz depuis 1990. Collaborateur à Sortiesjazznights depuis 20ans. Auteur des grands noms du jazz en 2000 ( Éditions de l’Homme) et aussi chroniqueur de livres pour le blogue : C’est livre et du bon