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Annie Landreville, Les couteaux dans ma gorge ne sont pas des fruits de mer

Annie Landreville Annie Landreville
Annie Landreville
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Un cinquième livre pour cette poète très douée. Cette écriture d’initiation nous révèle une nouvelle manière de voir Rimouski. Le fleuve. La vie du littoral. Ce recueil est une mise en scène d’exploration. Comment interroger le parc national du Bic ? Ce paysage qui est une source d’interrogation pour l’autrice.

Un livre d’exploration

Au-delà des changements climatiques, un travail de moine, de spécialiste, une écriture en mode critique. Une exploration comme une histoire littéraire. Tout est là : une esthétique de la réception, sociocritique, déconstruction, génétique littéraire.

« On me croit immobile
Mais je déplace mes horizons
Lave leurs couleurs
Dans l’anarchie des radeaux de
Glace
Les bourrasques imprévues
Le gonflement des vagues
Ça gruge les fondations
De chaque côté
Mes enrochements tiennent le coup
Je veux être la plus forte
J’observe les choses
Je ne plierai pas
La mer aussi a des conflits de loyauté
Avec le vent et les marées. »
(p. 14)

Je lis des textes dans la lumière d’un matin d’hiver. Il y a une certaine obscurité, mais j’insiste sur un effort constant d’élucidation. Comprendre ? Les allusions, les paradoxes, les renversements. Elle a développé un lexique particulier. Une vision presque sémantique avec des accords musicaux pour certains extraits.

« La lumière décomposée
Se sauve dans toutes les directions
À l’approche de ma peau

Chaque nouvelle lune
J’espère une éclipse totale du corps
Je n’ose ouvrir mes paupières sous
Le soleil
J’attends que mes yeux disparaissent
Dans la ligne du couchant. »
(p. 44)

L’esprit de l’œuvre

Pour moi, poète et lecteur assidu, il est impossible de ne pas penser à Bachelard¹ dans l’esprit de l’œuvre. L’imagination matérielle de l’eau. Une psychanalyse des images de l’eau, du fleuve. La consistance d’une intimité qui n’appartient qu’à l’autrice. Comment symboliser le fleuve, la poétique des eaux ? Comment ne pas évoquer la psychologie du miroir ?

« Nos lignes d’horizon ne sont pas d’équerre
Ce n’est pas une raison pour tirer les rideaux
Couper ce qui reste de soleil

Je brosse mes dents
Je me lave
Je n’ai plus de miroir
Je ne sais pas encore ce que je serai
Aujourd’hui
Je n’ai pas choisi : la beauté des ordres. »
(p. 93)

Une lecture exigeante. Un livre d’intensité. Félicitations à l’autrice, dont le livre a été en nomination pour le Prix du Gouverneur général en 2024.

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Note

¹ Gaston Bachelard, L’eau et les rêves, Le Livre de Poche, 2018.

Annie Landreville vit à Rimouski. Poète, formatrice et travailleuse culturelle, elle a publié quatre livres de poésie sur lesquels elle arpente les territoires qui l’habitent et tente de saisir les échos, entre les thèmes du corps, du désir et de la filiation.

Merci à Kim Doré et Poètes de Brousse.

Annie Landreville, Les couteaux dans ma gorge ne sont pas des fruits de mer, Poètes de Brousse, 2024.

Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com