{"id":22527,"date":"2020-09-23T05:06:42","date_gmt":"2020-09-23T10:06:42","guid":{"rendered":"https:\/\/lametropole.com\/?p=22527"},"modified":"2023-10-15T07:57:48","modified_gmt":"2023-10-15T12:57:48","slug":"jean-carignan-violoneux","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/lametropole.com\/2020\/09\/23\/jean-carignan-violoneux\/","title":{"rendered":"Jean Carignan, violoneux"},"content":{"rendered":"
Jean Carignan, violoneux.\u00a0 \u00a0Par Louis Bonneville<\/h5>\n
Jean Carignan, violoneux\u00a0: un film capital sur la vie de ce musicien d\u2019exception<\/h5>\n
L\u2019ONF a r\u00e9cemment donn\u00e9 acc\u00e8s (dans sa grande collection en ligne) \u00e0 un remarquable long-m\u00e9trage (quasiment oubli\u00e9) portant sur le ph\u00e9nom\u00e9nal Jean Carignan\u2026 Il va sans dire que peu de documents audiovisuels t\u00e9moignent du talent singulier de ce violoneux. Heureusement, ce moment de cin\u00e9ma direct r\u00e9v\u00e8le l\u2019esprit de l\u2019homme, et ce, avec une grande pr\u00e9cision et un v\u00e9ritable souci ethnomusicologique.<\/h5>\n

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Ce film de 1975 \u2014 d\u2019une haute importance historique \u2014 fut r\u00e9alis\u00e9 par Bernard Gosselin, sur pellicule\u00a016\u00a0mm. Ce cin\u00e9aste est un \u00e9l\u00e9ment majeur dans l\u2019\u00e9closion du renouveau du cin\u00e9ma qu\u00e9b\u00e9cois des ann\u00e9es soixante et soixante-dix. Du reste, sa carri\u00e8re fut plut\u00f4t marqu\u00e9e par son travail colossal de directeur photo, notamment avec le r\u00e9alisateur Pierre Perreault. On pense \u00e0 certains films phares du cin\u00e9ma direct\u00a0: Le R\u00e8gne du jour<\/em>, Les Voitures d\u2019eau<\/em> et Un pays sans bon sens\u2009<\/em>! Pour ce portrait de Carignan, Gosselin reprend en quelque sorte la m\u00e9thode de Perreault. Il traite son protagoniste en plein c\u0153ur de sa r\u00e9alit\u00e9 populaire \u2014 avec les siens. Une sorte de\u00a0laboratoire d\u2019observation pour tenter de d\u00e9chiffrer l\u2019essence du caract\u00e8re de son sujet, de mieux saisir l\u2019artiste\u2009! Gosselin a r\u00e9ussi en filmant une soir\u00e9e familiale dans la r\u00e9sidence d\u2019un cultivateur de Sainte-Agathe-de-Lotbini\u00e8re, au moment de la c\u00e9l\u00e9bration du soixante-dixi\u00e8me anniversaire du patriarche.<\/h6>\n
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Ti-Jean Carignan est invit\u00e9. Depuis un moment, il est le mentor musical de Paul Gosselin (le fils du f\u00eat\u00e9, alors \u00e2g\u00e9 de trente-deux ans). Dans ce fascinant huis clos festif, o\u00f9 coulent \u00e0 flots les spiritueux, on interpr\u00e8te \u2014 jusqu\u2019au lever du jour \u2014 des reels<\/em>, des gigues et des chansons \u00e0 r\u00e9pondre dans une spontan\u00e9it\u00e9 sans r\u00e9serve\u00a0: une manifestation vivante du folklore qu\u00e9b\u00e9cois expos\u00e9 sous tous ses angles\u2026 Cette soir\u00e9e traditionnelle se d\u00e9roule parall\u00e8lement \u00e0 une autre trame plus classique. Cette volont\u00e9 structurelle engendre une double s\u00e9rie d\u2019images exposant deux aspects \u2014 en interaction symbiotique \u2014 de la r\u00e9alit\u00e9 de l\u2019artiste\u00a0: le quotidien et la dimension acad\u00e9mique. Cette derni\u00e8re est pr\u00e9sent\u00e9e dans un contexte d\u2019entrevues avec l\u2019historien Benoit Bernier et le cin\u00e9aste ethnographique L\u00e9o Plamondon.<\/h6>\n
Tous deux analysent le musicien dans un studio de l\u2019Universit\u00e9 du Qu\u00e9bec \u00e0 Trois-Rivi\u00e8res. D\u2019ailleurs, le film d\u00e9bute justement sur ce plateau avec un plan serr\u00e9 sur Carignan. Le violoneux ex\u00e9cute un morceau \u00e9cossais en simulant avec pr\u00e9cision le son et le jeu d\u2019une cornemuse. Au fil des pi\u00e8ces, Carignan s\u2019ouvre verbalement sur son \u00e9tonnant bagage musical. Bien que l\u2019artiste avoue avoir un niveau d\u2019instruction \u00ab\u2009tr\u00e8s mince\u2009\u00bb et avoir de la peine \u00e0 signer son propre nom, cela ne l\u2019emp\u00eache en rien de poss\u00e9der un savoir dense \u2014 une science \u2014 sur l\u2019art du violoneux. Il s\u2019explique d\u2019ailleurs \u00e0 cet \u00e9gard avec un souci du d\u00e9tail aigu, tout en demeurant tr\u00e8s humble en ce qui a trait \u00e0 son propre talent. Il pr\u00e9f\u00e8re rendre hommage \u00e0 son mentor, Joseph Allard, qu\u2019il compte parmi les quatre plus grands violoneux de l\u2019histoire du folklore mondial. En effet, Allard a eu une influence capitale sur Carignan\u2026<\/h6>\n
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\nSigne du destin\u2009? Au moment o\u00f9 la famille Carignan s\u2019installe \u00e0 Montr\u00e9al, elle atterrit \u00e0 \u00ab\u2009un quart de mille\u2009\u00bb de distance de chez Allard. C\u2019est \u00e0 l\u2019\u00e2ge de dix ans que Ti-Jean Carignan fait la rencontre de ce violoneux qui devient rapidement son ma\u00eetre. Tous les jours, il se rend chez lui pour percer le myst\u00e8re des subtilit\u00e9s de son jeu et surtout de celles de son coup d\u2019archet\u00a0: la cl\u00e9 de la qualit\u00e9 de son ex\u00e9cution. Par ailleurs, Allard est une encyclop\u00e9die vivante de la musique traditionnelle celte, ce qui permet \u00e0 Carignan d\u2019assimiler un r\u00e9pertoire imposant, dont ceux des Irlandais Michael Coleman et James Morrison, ainsi que celui de l\u2019\u00e9cossais James Scott Skinner. Au cours de ces quatre ann\u00e9es d\u2019\u00e9tudes approfondies avec Allard, le jeune prodige \u00e9tablit et parfait ses habilet\u00e9s pour la suite de son parcours. En effet, il maintiendra intacte cette technique apprise en observant Allard durant toute sa carri\u00e8re, convaincu \u2014 avec raison \u2014 qu\u2019elle est parfaite et intouchable\u2026<\/h6>\n
Ce film documentaire est essentiel pour la compr\u00e9hension de cette page de la musique, car il donne la possibilit\u00e9 \u00e0 Carignan de relater \u2014 enfin \u2014 son parcours en d\u00e9tail. Quant \u00e0 la qualit\u00e9 de la trame narrative, elle revient \u00e0 son r\u00e9alisateur qui est parvenu \u00e0 pr\u00e9senter Carignan dans sa quasi-enti\u00e8ret\u00e9\u00a0: un humble violoneux ancr\u00e9 dans le peuple, tout comme un des plus grands virtuoses de son temps. Certes, les enregistrements sur disque de Carignan t\u00e9moignent de son apport fondamental au patrimoine de la musique celtique occidentale, mais ce film demeure le portrait de cet artiste et de cet homme. Il ne serait pas surprenant que ce m\u00e9trage aiguille la conception d\u2019un possible biopic saisissant sur le parcours de cette vie \u00e9pique \u2014 malheureusement remplie d\u2019emb\u00fbches\u2026 Car il n\u2019est pas exag\u00e9r\u00e9 d\u2019affirmer que Carignan est toujours en attente d\u2019\u00eatre reconnu \u00e0 sa juste valeur\u00a0: une des incontournables figures de l\u2019Histoire d\u2019un peuple \u2014 un h\u00e9ros national.<\/h6>\n