Entrevue avec Serge Sasseville

Entrevue avec Serge Sasseville, conseiller de ville, indépendant, district Peter-McGill de l’arrondissement Ville-Marie à Montréal

Entrevue avec Serge Sasseville, conseiller de la ville indépendant, district Peter-McGill, arrondissement Ville-Marie à Montréal

Q : Bonjour monsieur Sasseville, heureux de vous rencontrer dans le magnifique café Amea, dans l’édifice de Guy Laliberté et au cœur du district Peter-McGill. En préparation à cette entrevue j’ai bien sûr regardé attentivement votre CV. Je constate avec plaisir votre engagement indéfectible pour les arts, la musique, la culture et la langue française. Pendant et après vos 33 années chez Québecor vous avez siégé sur de nombreux conseils d’administration notamment la Fondation du Centre national des arts, la Fondation de la Place des Arts, le Festival international de la chanson de Granby, Angèle Dubeau & La Pietà, la Fondation de Bibliothèque et Archives Canada, la Fondation Lafontaine-Cormier, en plus d’avoir fondé, lancé et dirigé Archambault.ca. D’où vient votre engouement pour la promotion de la culture québécoise de langue française?

R : Serge Sasseville : Comme Obelix avec la potion magique, je suis tombé dedans quand j’étais enfant. Mon père, Roland Sasseville, était éditeur de livres. Il était ami avec Hubert Aquin et Gaston Miron. Il a édité les livres de Janette Bertrand dans les années 50. J’étais entouré d’editeurs et d’auteurs. J’ai eu la chance de vivre dans un milieu qui valorisait les arts, la culture et la langue française. Je suis convaincu depuis l’adolescence que l’identité québécoise doit se fonder non seulement sur la vitalité de la langue française, mais aussi sur le dynamisme et la créativité de nos artistes, peintres, chanteurs, musiciens, ainsi que sur la connaissance de notre histoire et la valorisation de notre patrimoine culturel.

Q : La vie politique est de plus en plus exigeante. Le cynisme de la population, la complexité grandissante des enjeux, la difficulté de préserver une vie privée, les horaires prolongés et la grande disponibilité exigée par les fonctions font que de nombreuses personnes de qualité refusent l’engagement politique. Quel parcours ou quelles circonstances vous ont convaincu de vous présenter aux élections municipales à titre de conseiller de la ville ?

R : Serge Sasseville : La vérité c’est que je ne voulais pas me présenter en politique. Je ne suis pas un politicien. Je dis tout ce que je pense. Je n’ai pas de filtre. Après lui avoir d’abord dit non, Denis Coderre, que je connais depuis des décennies et qui, comme moi, a habité Montréal Nord, a fini par me convaincre de me présenter. Après 33 ans de services chez Québecor, j’ai pris ma retraite le 31 décembre 2019 et je pensais poursuivre mon engagement dans les arts et la culture, ce que j’ai fait toute l’année 2020 que j’ai passée à gérer des crises en raison de la pandémie, mais je n’avais jamais envisagé de faire de la politique active.

Denis Coderre m’a convaincu de me lancer en me promettant que si on était élus je siégerais au Comité exécutif de la Ville à titre de responsable de la Culture et du Patrimoine. Je faisais partie d’une équipe de ce qu’il appelait ses “candidats vedettes” mais malheureusement je suis le seul qui a été élu. D’ailleurs, quelques semaines après mon élection, j’ai déjà annoncé publiquement que je ne me représenterais pas en 2025. J’aurai alors 67 ans, et je suis d’avis qu’il faut laisser la place aux jeunes. J’ai aussi quitté Ensemble Montréal car je n’acceptais pas qu’on me dise quoi faire, quoi penser, quoi dire. À partir de 2026, j’ai l’intention de concrétiser des projets personnels et de me permettre de longs voyages. Je vais continuer à m’investir dans les arts et soutenir nos musées comme par exemple le Musée des beaux-arts de Montréal dont je suis un Grand Mécène.

Q : Pourriez-vous décrire les grands enjeux de Montréal aujourd’hui et quel rôle jouez-vous, à titre de conseiller de la,Ville, pour améliorer la vie quotidienne des Montréalais ? Quotidiennement, vous êtes confronté à la misère des sans-abris, aux manifestations pour l’Ukraine, notamment devant le Consulat général de la Russie, et aux problèmes urbains : la ville est sale, les rues parsemées de nids-de-poule.

R : Serge Sasseville : Comme vous le savez, un conseiller de la ville doit représenter les citoyens, participer aux réunions du conseil municipal et du conseil d’arrondissement, siéger sur des comités (je siège sur le Comité sur la Culture, le Patrimoine et les Sports), jouer un rôle de médiateur entre diverses parties qui ont des positions opposées sur un sujet, résoudre les problèmes de tous les jours des Montréalais(e)s et promouvoir le développement économique, culturel et social. Tout cela constitue un éventail de responsabilités qui permet de comprendre la complexité et les défis d’une grande ville cosmopolite comme Montréal.

Vos constats sont justes. Beaucoup doit être fait pour améliorer la vie quotidienne des Montréalais. Le vivre-ensemble demande des ajustements constants et une insatisfaction croissante se fait sentir au sein de la population. Mon statut d’indépendant facilite ma liberté d’expression. Je n’ai pas de ligne de parti à suivre. Je prends mes décisions uniquement en fonction de mes convictions et des intérêts des Montréalais(e)s. J’ai une excellente relation avec Valérie Plante et son équipe avec qui,je travaille de façon quotidienne. Mais il m’arrive d’être parfois en désaccord avec elle.

Par exemple, je suis un adversaire féroce de la fermeture à la circulation automobile de la Voie Camillien Houde sur le Mont Royal qui se trouve dans mon district. Cela me semble irréaliste et une mauvaise décision. Le concepteur du Parc du Mont-Royal, Frederick Law Olmsted, celui-la même qui a aussi conçu Central Park à New York, ne voulait pas que les chemins pour piétons aient une pente de plus de 5%, ce qui n’est pas le cas de la Voie Camillien-Houde. La pente est trop raide, l’accès en vélo et à pied sera laborieux et réduira de façon excessive l’accès à cette oasis de verdure de Montréal, en plus de créer des problèmes de congestion routière, ce qui va accroître la pollution.

La question des itinérants et des sans-abris est complexe. Il faut adapter les solutions à leur réalité et même à leur culture dans le cas des autochtones. Certaines personnes ont des problèmes de santé mentale et sont durement affectées en raison de la décision politique de procéder a la desinstitutionnalisation prise il y a plusieurs décennies, laissant ainsi des personnes malades livrées à elles-mêmes. D’autres sans-abris ont des problèmes de dépendance aux drogues et à l’alcool, pour lesquels des centres de réhabilitation sont nécessaires. Une autre catégorie de sans-abris ce sont les personnes qui se sont retrouvées à la rue en raison de graves difficultés personnelles et économiques dans le contexte de la pandémie, de l’inflation galopante et de la crise du logement. Elles nécessitent un soutien approprié pour trouver un logement et réintégrer le marché du travail.

Je soutiens activement l’Ukraine dans la guerre génocidaire qu’y mène la Russie. Je réside devant le Consulat général de Russie à Montréal et arbore fièrement 8 grands drapeaux ukrainiens au fenêtres de ma maison qui font face au consulat. Depuis le 15 mars 2022, chaque jour à midi, 7 jours sur 7, devant le 3655 avenue du Musée, je préside une courte manifestation au cours de laquelle je fais jouer trois fois un enregistrement comportant des bruits de sirènes et de mitraillettes suivis de l’hymne national ukrainien pour dénoncer l’occupation brutale et illégale de la Russie en Ukraine. À l’instar des sénateurs du Parlement canadien, j’ai également été banni de la Russie par Poutine en même temps que la gouverneure générale du Canada Mary Simon !

Les nids-de-poule, les cônes oranges et la saleté dans les rues sont des irritants importants. Nous avons besoin de meilleurs contrôles de la qualité et d’une meilleure coordination pour les travaux de l’arrondissement, de la ville centre, du ministère des Transports du Québec et des divers entrepreneurs privés qui multiplient les constructions d’immeubles au centre-ville, créant ainsi de trop nombreuses entraves à la circulation qui incitent plusieurs citoyens à fuir le centre-ville et nuisent aux commerces. Ces défis, je les vis personnellement également au quotidien puisque j’habite à la même adresse dans mon district depuis près de 20 ans. D’ailleurs, je suis le seul conseiller de l’arrondissement de Ville-Marie qui réside dans le district qu’il représente.

Il est également essentiel de simplifier la réglementation et de réduire la bureaucratie. Le règlement d’urbanisme, par exemple, est incompréhensible ! Bien que je sois avocat depuis 43 ans, je dois souvent consulter les services de l’arrondissement pour comprendre ce qui est réalisable dans une zone donnée.

Il faut réduire les dépenses, alléger le fardeau fiscal des contribuables qui ont subi en 2024 une augmentation trop élevée du taux de taxation municipale (contre laquelle j’ai d’ailleurs voté) et le gouvernement du Québec doit augmenter ses transferts aux municipalités afin de leur permettre de faire face aux changements climatiques et à des enjeux dont il ne s’occupe pas et dont il est par ailleurs responsable en premier lieu (itinérance, logements sociaux, etc.)

Q : Valérie Plante a été élue sur une promesse de mobilité urbaine. Pourtant, depuis plusieurs années, des entraves de plus en plus grandes surgissent partout à Montréal, notamment dans votre district. Des rues bloquées par des travaux, des chantiers de construction à tous les coins de rue, une véritable course à obstacles, de la poussière et beaucoup de bruit. Au point où il devient même difficile et compliqué de se déplacer à pied au centre-ville, imaginez en voiture !

R : Serge Sasseville : Je suis parfaitement conscient des inconvénients causés par les travaux dans l’arrondissement de Ville-Marie. D’ailleurs, un demi-million de dollars ont récemment été octroyés à l’Association des commerçants du centre-ville pour trouver divers moyens d’améliorer la situation. On agit aussi au niveau des services de l’arrondissement: un blitz effectué au cours de la semaine précédant le Grand Prix a permis de retirer 577 cônes, panneaux et barrières ! Au centre-ville, seulement 25 % des travaux relèvent de la ville ou de l’arrondissement ; le reste ce sont des travaux provinciaux ou des projets de construction de compagnies privées. Il y a manifestement une lacune dans la coordination des divers travaux, d’où le mandat confié à Mobilité Montréal pour coordonner les entraves.

Mobilité Montréal regroupe une vingtaine de partenaires qui travaillent ensemble pour atténuer les effets des chantiers routiers et des travaux de transport collectif sur la circulation. La gouvernance de Mobilité Montréal est sous l’autorité du ministère des Transports et de la Mobilité durable, et ses 21 organisations membres siègent à six comités principaux aux mandats complémentaires : comités directeur, aviseur, technique, de coordination des entraves majeures de fin de semaine, des mesures d’atténuation en transport collectif et de communication. C’est très complexe et très bureaucratique, je l’avoue. Et les résultats laissent à désirer. Il y a nettement place à l’amélioration et un grand besoin de plus de simplification et d’efficacité.

Q : La TerrasseGate sur Peel pendant la F1 a nui de façon importante à la réputation de Montréal. Les arrêts de travail avec salaire de deux personnes du SIM (Service de sécurité incendie de Montréal) semblent une réponse insuffisante au problème. Quelles sont les vraies solutions à long terme pour mettre fin à l’intimidation du SIM et des brigades de la moralité et Éclipse du SPVM?

R : Serge Sasseville : J’ai exprimé publiquement ma colère à la suite de ces événements inacceptables. Un « Power Trip » de quelques individus au Service de sécurité incendie de Montréal, le SIM, a provoqué la fermeture des terrasses de quatre restaurants sur Peel, le vendredi soir de la F1, la plus importante soirée de cet événement pour les restaurateurs. Certains réalisent 40 % de leur chiffre d’affaires annuel pendant la semaine de la F1. Le problème des marquises sur la rue Peel est réglé mais le problème de fond ne l’est pas. Il subsiste une poignée d’agents du SIM et des brigades de la Moralité et Éclipse du SPVM qui abusent de leur pouvoir, pensent qu’ils peuvent faire la loi comme bon leur semble, font des descentes injustifiées dans les restos du centre-ville et y créent un climat de terreur non seulement chez les restaurateurs mais également chez leurs clients.

Et cela a engendré une omertà, les restaurateurs n’osant pas aller sur la place publique pour dénoncer la situation par peur de représailles. Des agents en uniforme armés, même avec des mitraillettes, fouillent et interpellent des clients pendant leurs repas et leur tiennent des propos impolis et grossiers du genre « Ça a l’air bon ce que tu manges ! » Des touristes terrorisés, victimes de ces agissements ont déclaré qu’ils ne reviendraient jamais à Montréal. C’est inacceptable. Une culture de l’intimidation n’a pas sa place à Montréal. J’ai eu l’occasion de rencontrer les hautes autorités à ce sujet récemment et je vais continuer à dénoncer les abus du SIM et de ces brigades spécialisées du SPVM.

Q : Vous terminez votre mandat dans 18 mois. Quelles sont les réalisations dont vous êtes le plus fier ?

R : Serge Sasseville : Il y a d’abord l’annulation du projet de mini casino de Loto-Québec au Centre Bell. Ce quartier, une zone rouge selon la Direction régionale de la Santé publique de Montréal, où existent de nombreux problèmes liés à l’itinérance, à la santé mentale, et à la dépendance à l’alcool et aux drogues, ne convenait pas à un casino.

Il y a également la vente de la Résidence Fulford, une résidence patrimoniale sur la rue Peel, au refuge Chez Doris, ce qui permettra de restaurer cet immeuble important et de maintenir sa vocation sociale.

Je suis aussi très fier de mon engagement pour l’Ukraine qui se poursuivra chaque jour à midi devant le consulat russe et par ma participation à divers événements jusqu’a ce que la paix revienne dans ce pays qui doit conserver son intégrité territoriale. Finalement, je continuerai à me battre pour la construction de deux écoles publiques dans le district Peter McGill, car il n’y en a aucune. Le ministre Bernard Drainville se défile (il m’a même bloqué sur « X » l’ancien Twitter) mais je vais persister. Comment voulez-vous ramener des familles au centre-ville pour y vivre s’il n’y a pas d’école publique?

J.Serge Sasseville (🇺🇦Серж Сассевіль)

(il/lui/he/him)
Avocat/Lawyer
Conseiller de la Ville/City Councillor
District Peter-McGill/Peter-McGill District
Arrondissement Ville-Marie/Borough of Ville-Marie

Ville de Montréal/City of Montreal

800 de Maisonneuve Est
19e étage 
Montréal, Québec 
H2L 4L8

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Carrière à Patrimoine canadien, au Commissariat aux langues officielles et aux Archives et Bibliothèque Canada. Conférencier à l'UNESCO-Paris, à l'Internet Society à Washington, à l'Université de la Sorbonne à Paris et à l'Internet Society au Japon. Maîtrise de l'École nationale d'administration publique et M.A en histoire canadienne de l'Université de Sherbrooke.

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