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La guerre et le droit international

Un homme portant un casque sur lequel figure un drapeau canadien, symbolisant la fierté nationale et la coopération internationale, dans un contexte de guerre et de droit international. Un homme portant un casque sur lequel figure un drapeau canadien, symbolisant la fierté nationale et la coopération internationale, dans un contexte de guerre et de droit international.

La guerre et le droit international.  Par Alain Clavet

Le conflit Israël-Hamas, une catastrophe pour l’humanité, prend de l’ampleur chaque jour.  Toutes les guerres produisent leurs lots de morts et de destructions. « La guerre… une boucherie, une plongée dans la misère, la mort. » (Erich Maria Remarque) Toutes les guerres cependant ne donnent pas lieu d’accusations de crimes de guerre.  «Nous sommes préoccupés par le fait que des crimes de guerre soient commis. Nous sommes préoccupés par la punition collective infligée aux Gazaouis en réponse aux attaques atroces du Hamas, qui constituent elles aussi des crimes de guerre. » (Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des droits de l’homme de l’ONU.)  La guerre d’Israël contre le Hamas à Gaza et la guerre de la Russie contre l’Ukraine doivent respecter le droit international.  Même la guerre, ce terrible fléau, doit respecter des principes de droits internationaux.  Ces principes manifestement ne sont pas respectés aujourd’hui.  Le Canada joue-t-il un rôle pour le respect du droit international en période de guerre ?

Nous croyons que la fin de ce drame humain et le retour à la paix à Gaza et en Ukraine seraient favorisés par le respect de cinq principes fondés sur le droit international : la violence et l’horreur ne justifient pas la violence et l’horreur; nul ne doit se faire justice soi-même; la règle de la proportionnalité; la fin ne justifie pas les moyens;  l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre.

La violence et l’horreur ne justifient pas la violence et l’horreur. La Charte des Nations Unies elle-même, dans son Préambule, énonce la résolution de « préserver les générations futures du fléau de la guerre » et de « réaffirmer la foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine ». Une règle fondamentale de droit international, sur laquelle reposent notre société et la démocratie, est que nous ne devons pas nous faire justice soi-même.  La Cour internationale de Justice (CIJ) a statué dans de nombreux cas sur l’importance de la résolution légale des conflits notamment le jugement de la CIJ dans l’affaire Nicaragua contre États-Unis (1986), où la Cour a abordé la question de l’usage illégal de la force et a affirmé la primauté du droit international sur l’autodéfense.

Un intermédiaire, le système judiciaire international, doit décider et mettre en œuvre le châtiment. « Œil pour œil, dent pour dent », la loi de la réciprocité, fondement de la loi religieuse et éthique du judaïsme, se veut une règle de limitation de la vengeance afin d’établir un principe de justice équitable où la punition doit être proportionnelle au crime.  Ainsi, au lieu de permettre une escalade de la violence, cette loi de la Torah cherche à la limiter.  La proportionnalité en légitime défense signifie que l’action de défense doit être limitée à ce qui est nécessaire pour repousser l’attaque et prévenir de futures agressions. Cela est interprété par la pratique internationale et la jurisprudence comme signifiant que la force utilisée en légitime défense doit être proportionnelle à la gravité et à la nature de l’attaque armée subie. (Article 51 de la Charte des Nations Unies)

À l’évidence, tuer 9,000 civils Gazaouis (30,000 en mai 2024) pour éliminer 50 dirigeants du Hamas et encercler la ville de Gaza de chars d’assaut, ne respectent pas ce principe.  Les membres du Hamas se fondent dans la population civile de Gaza.  Il est impossible avec des bombes et des chars d’assaut de déterminer les coupables et les innocents.  L’invasion de l’armée israélienne à Gaza engendre la mort de civils innocents, la destruction et la haine.  Force est de constater que la situation en Ukraine rivalise d’horreurs : « Nous n’avons pas oublié les charniers, les corps retrouvés portant des traces de torture, l’utilisation du viol comme arme par les Russes, ainsi que les milliers d’enfants ukrainiens emmenés de force en Russie, volés à leurs parents. C’est écœurant. »(Allocution du président Biden, 20 octobre 2023)

Les membres du Hamas se fondent dans la population civile de Gaza.  Lors de la Croisade des Albigeois contre les cathares du Languedoc, Arnaud Amaury aurait répondu, en 1209, face à la difficulté de distinguer les cathares des catholiques, lors du siège de la ville de Béziers :  « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens.»  «La lutte doit être sans merci, mais pas sans règles », a nuancé le président Macron, invitant au respect du droit de la guerre et humanitaire, et rappelant que « les démocraties ne prennent pas pour cible les civils, ni à Gaza ni nulle part ». (Emmanuel Macron) Le président de l’ONU l’a clairement exprimé, le bombardement incessant d’Israël sur Gaza semble répondre aux vœux du premier ministre Netanyahu : « Pour un Israélien tué, 2 Palestiniens meurent. » (Nétanyahou)  Les vies humaines ont pourtant une égale valeur.  « J’ai donc conseillé au gouvernement d’Israël de ne pas se laisser aveugler par la rage.  » (Allocution du président Biden, 20 octobre 2023).

La fin ne justifie pas les moyens.  Ce principe est inhérent à plusieurs règles et normes qui régissent le droit international, y compris les droits de l’homme, le droit humanitaire, et les règles relatives à l’usage de la force. En droit international humanitaire, ce concept est sous-entendu dans les principes de distinction et de proportionnalité, qui interdisent l’usage de moyens de guerre qui ne distinguent pas entre civils et combattants ou qui causent des dommages excessifs par rapport à l’avantage militaire anticipé. Cela peut être trouvé dans des traités tels que les Conventions de Genève et les protocoles additionnels.

La poursuite des membres du Hamas, comme l’affirme Emmanuel Macron, doit se faire par une coalition internationale et non par Israël seul.  (La Tribune, 24 octobre 2023). Nul ne doit se faire justice soi-même.  L’invasion terrestre à Gaza, une décision cruelle, provoque un bain de sang de civils innocents.  La diminution de la violence et de la haine exige un cessez-le-feu et la création d’un État palestinien. « Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a dénoncé les « violations claires du droit humanitaire » à Gaza au Conseil de sécurité. Il a plaidé pour l’instauration d’un cessez-le-feu humanitaire immédiat. » Justin Trudeau réclame des pauses humanitaires. (Presse canadienne, 24 octobre 2023)

Depuis 1967, 56 ans ! Israël n’a pas tenu compte de la Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies qui affirme l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre. Les fins d’occuper davantage de territoires par la Russie ou encore d’étendre les colonies en Cisjordanie par Israël ne justifient pas des moyens violents et contraires au droit international. « [Le Conseil de sécurité] affirme que la réalisation des principes de la Charte des Nations Unies exige l’établissement d’une paix juste et durable au Moyen-Orient qui devrait inclure l’application de deux principes fondamentaux : retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit ; cessation de toute revendication ou état de belligérance et respect et reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région et de leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, à l’abri d’actes de force ou d’agression. » (Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 242, adoptée le 22 novembre 1967.) Le principe est aussi implicitement reconnu dans la Charte des Nations Unies, en particulier dans l’article 2(4), qui interdit la menace ou l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État.

Le Canada joue-t-il un rôle pour le respect des droits internationaux en période de guerre ?

Le Canada était reconnu sur la scène internationale pour son engagement dans les opérations de maintien de la paix sous l’égide des Nations Unies, grâce au leadership de Lester B. Pearson, premier ministre de 1963 à 1968.  Pearson est salué pour sa contribution décisive lors de la crise du canal de Suez en 1956, qui a conduit à la création de la toute première force de maintien de la paix de l’ONU, la Force d’urgence des Nations Unies. Face au conflit qui menaçait d’entraîner les grandes puissances de l’époque dans un affrontement plus large, Pearson a proposé l’établissement d’une force internationale qui permettrait de séparer les combattants et de désamorcer la situation. Cette proposition lui a valu le prix Nobel de la paix en 1957.

À cette époque, le Canada avait une  participation active aux missions de maintien de la paix, jouait un rôle de médiateur influent dans les conflits internationaux en tant que nation favorisant la paix et le multilatéralisme et servait de modèle pour d’autres pays en montrant comment les forces militaires pouvaient être utilisées pour des objectifs pacifiques plutôt que combattants.  Le Canada exerçait un leadership pour la paix, sa force d’influence étant politique et non militaire.

Aujourd’hui, le Canada n’a plus sa voix et a affaibli son influence, sans compter les tensions avec la Chine, l’Inde et la Russie générées par une diplomatie maladroite et un leadership affaibli. « Il faut avoir une plus grande individualité dans le rôle qu’on veut jouer à l’échelle de la planète. […] Faute de prendre des initiatives nous-mêmes, de nous définir nous-mêmes, on est un peu à la remorque des autres. On n’est plus le leader qu’on a déjà été, comme quand on a reconnu la [République populaire de] Chine, avant les États-Unis, ou comme quand on avait une position face au Moyen-Orient, qui nous a amenés à refuser de suivre les Américains [en Irak]. Il faut retrouver cette position de leadership là. » (Jean-François Lépine, Le Devoir, entrevue : Face à Pékin, Ottawa ne sait pas qui il est.  8 décembre 2021.)

Le monde est fragilisé par les guerres en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. Le Canada doit consacrer ses armées exclusivement aux missions des Casques bleus pour favoriser le dialogue entre les belligérants et favoriser la paix dans les différents conflits. Ces changements à sa politique internationale permettraient au Canada d’exercer une influence importante pour la paix et pour le respect du droit international en temps de guerre.

La voix singulière du Canada aurait été essentielle pour affirmer l’importance du droit international qui doit absolument être respecté par les pays en guerre.  Sans le respect du droit international, la barbarie domine le monde.

Membre de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, Directeur des études, ÉNAP-Hull; Directeur Culture canadienne en ligne, Patrimoine canadien; Direction des politiques pour 3 Commissaires aux langues officielles; Directeur des services au public, Archives et Bibliothèque Canada. CA de Cité Libre.  Conférencier à l'UNESCO-Paris, à l'Internet Society à Washington, à la Sorbonne à Paris et à l'Internet Society au Japon. Maîtrise de l'ÉNAP; stage ENA-France, M.A en histoire canadienne de l'Université de Sherbrooke.