Une photo en noir et blanc d'un visage de femme capturant La spiritualité créatrice.

La spiritualité créatrice (Texte no.23)

Avec un imaginaire étonnamment consensuel, devant un univers singulièrement complexe, nous créons à tout instant la réalité ordinaire, dont nous pouvons prendre partiellement la mesure. Mais celle-ci ne répond pas à l’énigme posée par l’expérience de la Présence, de la Beauté et de l’Amour.

Dans son discours de 1920, Einstein explique que les deux raisons ayant mené les physiciens contemporains à reconnaître l’existence de l’éther sont, d’une part, le problème soulevé par la théorie de la gravitation de Newton (à savoir si les forces d’attraction se propagent instantanément et à distance ou au contraire de proche en proche au travers d’un médium) et, d’autre part, la découverte des propriétés ondulatoires de la lumière. En se référant, à titre d’exemple, au principe de Mach (1838-1916) (selon lequel les forces d’inerties des objets matériels seraient induites par l’ensemble des autres masses dans l’Univers), il énonce le besoin d’un medium pour transmettre l’interaction gravitationnelle de ces masses distantes. Non seulement l’éther einsteinien conditionne le comportement des masses inertes, mais est aussi conditionné par celles-ci. En effet, du point de vue de la relativité restreinte, l’éther est influencé en chaque point par son interaction locale avec la matière, ce qui définit la métrique des régions de l’espace. Dans un espace sans éther, non seulement il n’y aurait pas de propagation de la lumière, mais aussi aucune possibilité d’existence pour un espace et un temps standard (mesurable par des règles et des horloges) ni, par conséquent, pour les intervalles d’espace-temps au sens physique du terme. Bien qu’il soit en interrelation avec les masses, cet éther n’est toutefois pas pourvu des mêmes qualités que les médias pondérables : on ne peut pas, par exemple, le penser comme ayant une trajectoire dans le temps, puisque la notion de mouvement ne peut pas lui être appliquée.

Pendant plus de deux siècles, deux conceptions sur la nature de la lumière avaient été confrontées : la théorie ondulatoire de Christian Huygens (1629-1695) et la théorie corpusculaire de Newton. Étant donné que la lumière peut créer des interférences comme des vagues sur l’eau, les physiciens du 19e siècle avaient privilégié la théorie ondulatoire. Mais Einstein montra que l’effet photoélectrique (celui des panneaux solaires, par exemple) ne peut s’expliquer que si la lumière est aussi formée de corpuscules minuscules et sans masse appelés « photons ». Toutes les sources de lumière proviennent en effet de photons émis par les électrons des atomes. Lorsqu’un atome est excité (par l’effet d’une grande chaleur par exemple), ses électrons deviennent instables et peuvent revenir spontanément à un état stable en émettant un photon. Dans le cas d’un panneau solaire, des photons provenant du Soleil frappent des atomes de silicium, les bousculent, et leur arrachent leurs électrons, qui sont récupérés par des fils sous forme de courant électrique. En plus d’être un phénomène ondulatoire, la lumière est donc aussi une réalité corpusculaire. Des physiciens se sont alors demandé si les électrons (considérés comme des particules) n’étaient pas aussi des ondes. « L’expérience des fentes » de Young allait apporter la réponse. Celle-ci consiste, à l’aide d’un canon à électrons (faisant penser au tube cathodique des anciennes télévisions), à faire bondir des électrons de manière que certains de ceux-ci passent à travers une plaque métallique pourvue de deux petites fentes très rapprochées, et se rendent jusqu’à un écran où ils frappent des atomes. Ces derniers émettent en retour une lumière apparaissant à l’écran sous forme de lignes vertes parallèles dont la forme définie trahit une interférence, donc un effet ondulatoire. Si l’une des deux fentes est obstruée, il n’apparait plus alors qu’une grosse tache uniforme de lumière verte sans figure définie. Il faut en effet que les deux fentes soient ouvertes pour produire une figure d’interférence. De Broglie (1892-1987) montrera plus tard que toutes les particules sont aussi des ondes.

Comme les premiers tubes utilisés dans l’expérience de Young produisaient des milliards d’électrons par seconde, c’était largement suffisant en énergie pour produire une interférence. Lorsque, plus tard, on utilisa des canons spécialisés pouvant envoyer des électrons un par un, plus rien n’apparut. On plaça alors une plaque photographique (comme celle des anciens appareils photo) en face de l’écran et, au fur et à mesure, une forme finit par apparaître. Comme précédemment, lorsque l’une des deux fentes est fermée, même si les électrons passent un par un, seule une grosse tache blanche floue sur fond noir apparaît, c’est-à-dire sans interférence. Mais lorsque les deux fentes sont ouvertes, on voit apparaître une figure d’interférence provoquée pourtant par un seul électron. La seule explication possible, aussi incroyable soit-elle, c’est que chaque électron passe par les deux fentes à la fois, dans un mélange ou une superposition de deux états ondulatoires, et interfère avec lui-même. C’est la naissance de la théorie quantique. Celle-ci a permis d’apporter une explication à tous les phénomènes qui ont lieu à l’échelle microscopique. Sans celle-ci, nous n’aurions pas de circuits intégrés, d’ordinateurs, de panneaux solaires, de centrales nucléaires, de lasers, etc. La théorie quantique a aussi permis de réaliser que, étant de nature ondulatoire, les particules et les ensembles de particules de tout ce qui est matériel peuvent se trouver dans plusieurs états ondulatoires superposés, susceptibles d’interférer avec eux-mêmes. On l’a prouvé aujourd’hui avec des électrons, des atomes et même de petites molécules.

Contrairement à ce qu’on enseignait encore aux écoliers dans les années 60, les électrons autour d’un atome n’ont pas de position définie et forment une sorte de nuage autour du noyau, si bien qu’il est impossible de dire où l’un d’eux se trouve à un moment donné. Ceux-ci sont en effet à tous les endroits à la fois, mais avec des probabilités de présence définies. On ne parle donc plus de position ou de mesure de mouvement à propos d’une seule particule, mais de densité d’un ensemble et de « probabilité de présence ». Grâce à de savantes équations, ces probabilités sont calculables. C’est ce caractère mesurable ou quantifiable qui est à l’origine du mot « quantique ».

Robert Clavet, PhD    LaMetropole.Com

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Mains LibresLe Pois Penché

Docteur en philosophie. Il a enseigné dans plusieurs universités et cégeps du Québec. En plus d’être conférencier, il a notamment publié un ouvrage sur la pensée de Nicolas Berdiaeff, un essai intitulé « Pour une philosophie spirituelle occidentale », ainsi que deux ouvrages didactiques.