Le convoi de l’évidence

Une foule de personnes brandissant des pancartes prônant Libertés et Covid devant un camion. Une foule de personnes brandissant des pancartes prônant Libertés et Covid devant un camion.

Cette affaire dite Covid aura divisé la planète entière, par les plus grands soins des politiques, d’abord et avant tout. Au bout de quelque vingt-trois mois de panique, de dérive, de bons coups, de manœuvres polarisantes, de tout et son contraire, un soulèvement se produit…

L’évidence

Comment peut-on en être surpris, au bout de deux ans de ce cirque? Comprendre que la lassitude et l’indignation servent de moteur à un tel mouvement social est très simpleCar les exemples d’abus ayant généré cette indignation abondent. Ne serait-ce que celui de l’alerte Amber en début de soirée de la fin décembre pour hurler aux gens que le couvre-feu a lieu et que la surveillance policière sera accrue Initiative parfaitement méprisable, délétère et non constructive. Pourquoi s’étonner qu’à un moment la marmite explose? La démocratie a-t-elle encore un sens, alors que les populations occidentales perdent leurs droits fondamentaux, notamment celui de choisir, sinon celui de penser? Ainsi, ceux qui ne souhaitent pas se soumettre à une inoculation ont certainement le droit de le faire, tout comme l’inverse. Or une telle banalité peut à peine être formulée, car celui qui la formule sera taxé de complotisme. Il y a de quoi avoir mal au cœur.

La question est : comment se dépatouiller dans une telle division, un tel foutoir, cet infâme ragoût engendré non pas par ce virus, mais par les mesures abusives perpétrées par les instances autoritaires.

En bon citoyen modèle, après avoir reçu une belle et bonne troisième dose du vaccin antiCovid, le soi-disant dirigeant du Canada contracte l’horrible maladie… Quelle publicité extraordinaire pour ce vaccin; mais bien mieux : quelle aubaine pour, une fois de plus, se défiler, bien au chaud dans un confortable chalet. Pendant ce temps, les camions sont parqués à Ottawa, une mise en œuvre pour le moins remarquable au sens propre; l’évidence même de l’écœurement et du refus de cautionner plus longtemps l’absurdité et la dérive. Certes, ce n’est pas la solution, mais ces routiers venus de partout et massivement soutenus en dépit de ce que les médias en disent expriment quelque chose en faisant cela. Pourraient-ils être entendus, écoutés?

Non, bien évidemment. Au lieu d’établir un dialogue, le dirigeant pérore au nom de tous les Canadiens en précisant que les Canadiens sont choqués et dégoûtés par cette manifestation. Ce n’est pas mon cas, et je suis canadienne. Je ne me sens pas concernée par cette déclaration arrogante et foncièrement fausse de celui qui n’a pas eu mon vote. Cela me révolte, au contraire, que l’on m’englobe dans un discours nauséabond.

On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Ce mouvement induit par les camionneurs (ça aurait pu être par d’autres personnes, des mineurs au Chili, par exemple) n’est une réalité, pas une révolte terroriste ni une farce de quelques illuminés. Plutôt que le reconnaître, il est bien plus facile de cracher dessus.

Hélas pour ces pantins brandissant l’étendard de la santé publique ad nauseam, cela ne fait que commencer. De partout, les camions vont entrer dans la danse, au Brésil, en Belgique, aux Pays-Bas, en France et au Québec. C’est une réalité. Elle pourrait être nettement plus dure à vivre, et alors tout le monde serait concerné. Pour l’instant, les grandes surfaces et autres commerces ne manquent pas de marchandises, mais si cela arrivait parce que, pour protester, les camionneurs refusaient de bosser, on vivrait un autre genre de manifestation…

Ce convoi nommé Convoi de la liberté 2022 demeure pacifique. Il suffit de voir les milliers de commentaires sur le site officiel pour se rendre compte que les camionneurs souhaitent faire connaître leur point de vue dans le calme – point de vue du reste partagé par des millions de gens. Et en ce sens cet état de siège est admirable. Peu importe les tristes écarts qui se greffent autour dudit soulèvement. Tous les monuments jettent de l’ombre. Il y en a qui ne voient que l’ombre. C’est ainsi depuis la nuit des temps.

Le Pois PenchéPoésie Trois-Rivière

Auteur de romans, d’essais et de biographies, Marie Desjardins, née à Montréal, vient de faire paraître AMBASSADOR HOTEL, aux éditions du CRAM. Elle a enseigné la littérature à l’Université McGill et publié de nombreux portraits dans des magazines.