Michaël Trahan parle de disparition. Il est habité par un rêve étrange et une sensibilité à fleur de peau. Un rythme lent, précis. La poésie est un terrain vague, presque zen.
Des paraboles. Une influence à partir de petites phrases : tout homme porte en soi un crime inconnu qu’il suinte et qu’il expie (Anne Hébert) Et La Vierge Incendiéde Paul-Marie Lapointe : La vierge incendié accumule les noms et les adjectifs les plus baroques, jusqu’au vertige. Comment traverser le temps, survivre en poésie? Je fais l’amour avec mes dents (p. 121).La Raison des Fleurs, c’est le combat de l’incessante origine de la vie qui n’arrête pas de commencer, dont le poète est le messager. L’âme intranquille qui choisit d’avancer scrupuleusement. J’avance dans la joie noire, le frêle tissu, La montagne et les saints. Je traverse les arcanes limpides comme un lac. Je m’accroche aux couleurs et aux bêtes (p. 129).Ainsi le poète, malgré sa densité, laisse une place à l’ambiguité. Certaines relectures nous amènent à un monde où l’imaginaire est déréglé. Tout est dans le non-dit. J’ai vu la rigueur cardiaque de l’ombre, l’hiver dur d’une rue d’hiver, le cœur inquiet des malades, j’ai vu le calme dans l’œil des mots, j’ai vu tous les signes tendre de cet espace (p.187). La construction de ce livre est dense. Le poète connaît bien l’âge baroque de la poésie québécoise. Il ouvre une porte et une autre. La psychose du poète est anachronique face à notre société agitée et fragmentée. Dans le noir, la défaite de la pensée est tout ce qui compte. Ce n’est pas une question mais une blessure. Un exercice impur, à la limite du recueillement et de la prière. (p. 199). Il faut du silence, de la méditation, du doute. Ce livre est précieux. Parce que sa lecture cache un sens plus riche. Une libération s’installe (les démons intérieurs, les failles de l’être humain ) ou l’universalité des thèmes : la lumière au fond de soi, la solitude miraculeuse. La Raison des Fleurs est un dialogue profondément humain. Un laboratoire à ciel ouvert. Les fleurs pour la liberté. Pour éviter le Vide. Je dépose le livre. La voix de Trahan est toujours là, étrangement triste. J’ai pensé à Saint-Denys Garneau (le journal) : Vivre est une impression jusqu’à la détruire, Je suis habité de monde en décomposition, Au bout de tout, l’évanouissement.Michaël Trahan a remporté le prix Émile Nelligan pour son premier recueil, Nœud Coulant. En 2018, son deuxième livre, La Raison des Fleurs a remporté le prix du Gouverneur Général. Il enseigne à l’Université de Montréal.