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Quand Marie remixe Chouinard

Une femme en robe blanche danse avec grâce et fluidité sur fond noir, mettant en valeur ses prouesses en danse contemporaine. Une femme en robe blanche danse avec grâce et fluidité sur fond noir, mettant en valeur ses prouesses en danse contemporaine.

La sublime Carol Prieur dans un des 25 extraits qui composent Radicale vitalité de Marie Chouinard.

Radicale vitalité, solos et duos, la nouvelle création de Marie Chouinard (dont Danse Danse nous a offert un doublé exceptionnel) est en fait un élixir. C’est un concentré pur jus de la substantifique essence qui constitue la vision du monde et le génie créateur de Marie Chouinard depuis près de quatre décennies. En nous offrant ce qu’elle nomme joliment « un recueil chorégraphique », Marie remixe Chouinard, elle revisite son propre parcours, remet ses pas dans les siens. Elle refait le cheminement à l’envers, certes, mais en aucun cas avec nostalgie, ou regret, ni autocontemplation, mais au contraire avec le regard délibérément et assurément tourné vers l’avenir. C’est un remix update d’hier fait ici et maintenant pour demain, comme il faut ponctuellement faire un bilan pour entamer le chemin qui s’ouvre devant et qu’on ne connait pas encore.

Le spectateur ravi, joyeux et ému, assiste à l’enchaînement minutieux de 25 miniatures de 1 à 10 minutes chacune, comme à un enfilage de joyaux précieux, inattendus et singuliers. Que voit-il ? Un spectacle complet qui fait du bien, éblouit, ravit, amuse, séduit, émoustille, magnétise, transporte. Que constate-t-il ? Un long travail dont la cohérence et la fidélité sont profondément pérennes. Et dont la racine immuable, nourricière et palpitante, depuis le début et sans doute pour toujours, reste le désir.

Il ne s’agit pas d’une recomposition en l’état. Il s’agit d’un vrai nouveau spectacle, une œuvre inédite constituée de collages de matières existantes entièrement revisitées, plus deux extraits inédits. Marie d’aujourd’hui remixe Chouinard d’hier, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, mais à écriture affirmée, parmi toutes reconnaissable. Et reconnue dorénavant partout dans le monde puisque la compagnie se produit plus à l’étranger qu’à Montréal, et puisque Marie Chouinard est même directrice de la Biennale de danse de Venise depuis 4 ans et jusqu’à la fin 2020.

La question qui est posée ici est celle de la transmission du patrimoine de danse contemporaine. Comment transmettre un geste, un mouvement, par définition si éphémère et même plus qu’éphémère, volatile, périssable, non duplicable ? Comment transmettre cela d’un corps à un autre, par-delà les ans ? C’est sans doute le plus grand défi, et donc la plus manifeste réussite de ce spectacle : avoir transmis des extraits d’œuvres, complexes et sophistiquées, qui ont été créés par d’anciens danseurs de la compagnie Chouinard, et qui aujourd’hui sont interprétés par ceux de la nouvelle génération.

Et puis, l’exception : celle qui a traversé la quasi-totalité de ce long parcours avec une grâce, une puissance, une dédicace théologale, et sans prendre une ride. Je veux parler de Carol Prieur, seule à continuer à interpréter ses propres partitions d’une décennie à l’autre, en plus des partitions d’autres, dont celles de Marie Chouinard.

Ce spectacle est une belle affirmation de la vitalité de la compagnie Chouinard qui indéniablement se transmet comme les racines des arbres se parlent entre elles. Le plaisir en prime. www.dansedanse.ca

Parisienne devenue Montréalaise en 1999, Aline Apostolska est journaliste culturelle ( Radio-Canada, La Presse… ) et romancière, passionnée par la découverte des autres et de l’ailleurs (Crédit photo: Martin Moreira). http://www.alineapostolska.com

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