L’hypothèque, un Cheval de Troie

Une maison flottante dans l'eau avec une bouée de sauvetage. Une maison flottante dans l'eau avec une bouée de sauvetage.

L’hypothèque : un Cheval de Troie.   Par Alain Clavet

Depuis toujours, le désir d’avoir un toit sur la tête a animé l’humanité.  Dans le contexte de l’explosion des coûts du logement, dû notamment à la hausse rapide des taux d’intérêts hypothécaires, force est de constater l’insécurité financière croissante des Québécois.

Histoire de l’hypothèque

Le mot « hypothèque » trouve ses racines dans le droit romain. Il vient des mots grecs « hypo » (sous) et « thèke » (place), littéralement traduits par « ce qui est placé dessous », faisant référence à la garantie sous-jacente qu’un prêteur possède sur une propriété. Si l’emprunteur ne rembourse pas l’hypothèque, le prêteur peut saisir la propriété. Au fil des siècles, ce mécanisme de financement s’est complexifié, mais repose toujours sur le concept des intérêts composés.

La spirale des intérêts composés

Il importe de rappeler que la majorité des paiements effectués durant les premières années d’une hypothèque vont principalement aux intérêts. Cela s’explique par le concept des intérêts composés. Au début, l’emprunteur rembourse une petite partie du capital emprunté, mais les intérêts, calculés sur la base du capital restant dû, représentent une part importante de la dette totale.  Ainsi, 65% des paiements des cinq premières années d’une hypothèque amortie sur 25 ans sont consacrés aux paiements des intérêts!

L’hypothèque : un Cheval de Troie 

L’immobilier est cher.  L’acheteur peine à donner le 20% comptant requis afin d’éviter les surcoûts de la Société centrale de prêts et de logements (SCHL).  La très grande majorité d’entre nous avons besoin d’une hypothèque pour acheter une maison ou un condo.  L’hypothèque cependant peut devenir un Cheval de Troie, entraînant une spirale d’endettement. Les taux d’intérêt en hausse, les conditions de prêt changeantes et les imprévus de la vie peuvent transformer ce rêve de propriété en cauchemar financier. « La seule fonction de la prévision économique est de rendre l’astrologie respectable. » (John Kenneth Galbraith)


Le Cheval de Troie c’est faire entrer l’insécurité financière dans votre maison.  Aux renouvellements de votre hypothèque, aux 5 ans ou aux 3 ans, vous risquez des augmentations obligées importantes des coûts. (Ce système de renouvellement n’existe pas aux États-Unis).  Les hypothèques aux taux variables constituent une insécurité financière permanente.  Tous se souviennent de la crise des subprimes aux États-Unis :  « Les hypothèques imprudentes ne mettent pas seulement en péril l’individu emprunteur, mais, lorsqu’elles s’accumulent, elles peuvent ébranler les fondations de l’économie mondiale elle-même. »

Paiements anticipés de l’hypothèque : l’investissement ultime

Plusieurs considèrent les marchés boursiers, les REER ou les placements garantis comme des moyens privilégiés d’investir, pourtant, rembourser rapidement son hypothèque plutôt qu’investir ses épargnes dans d’autres véhicules financiers peut représenter le meilleur placement. En effet, chaque paiement anticipé représente une économie d’intérêts composée, offrant un rendement garanti, sans risque, souvent supérieur à d’autres véhicules d’investissement. De plus, le gain en capital, souvent important, à la suite de la vente de la résidence principale est libre d’impôt.  Ce n’est pas le cas pour le REER, les certificats garantis, les investissements à la bourse ou autres gains en capital.

Chaque dollar donné de façon anticipée offre un rendement d’intérêts composés immédiat et garanti et diminue de façon rapide le temps d’amortissement du prêt.  Vous paierez donc moins et plus rapidement.  « La force la plus puissante de l’univers est l’intérêt composé. »  « Ceux qui comprennent l’intérêt composé le gagnent… ceux qui ne le font pas le paient. » (Albert Einstein) Au Canada, les banques sont riches alors que leurs clients ne le sont pas.

Posséder sa maison,  libre d’hypothèque, assure un héritage solide pour la famille élargie et les générations futures. L’inflation, ce monstre silencieux, érode continuellement notre pouvoir d’achat. Dans un tel contexte, posséder une propriété, dont la valeur, depuis cent ans, augmente avec le temps, devient une manière de protéger et d’augmenter, son patrimoine.

Le logement constitue un besoin de base et un droit humain fondamental.  Se libérer rapidement de l’hypothèque, afin de réduire l’insécurité financière conséquente des coûts incontrôlables des intérêts, nous apparaît judicieux.  Un trop grand nombre de Québécois sont locataires.  Seulement 36 % des Montréalais et 58 % pour le reste du Québec sont propriétaires.  Accorder une plus grande priorité à l’épargne, puis à l’achat et à l’élimination rapide de l’hypothèque, favoriseraient la baisse de notre vulnérabilité financière et un enrichissement collectif souhaité des Québécois. Pour la classe moyenne, l’achat d’une maison est le seul ou le plus important actif, un moyen d’accumuler de la richesse.

Ne plus vivre sous l’épée de Damoclès de la saisie de sa maison par le prêteur pour cause de non-paiement de l’hypothèque. Maître chez nous !  (Jean Lesage) Ce slogan de la Révolution tranquille implique en premier lieu être véritablement propriétaire de sa maison.

P. S.  :  J’aimerais remercier Louis-Philippe Rochon, PhD, économiste, professeur, Université Laurentienne, pour la lecture de cet éditorial et ses conseils.

Le Pois PenchéMains Libres

Carrière à Patrimoine canadien, au Commissariat aux langues officielles et aux Archives et Bibliothèque Canada. Conférencier à l'UNESCO-Paris, à l'Internet Society à Washington, à l'Université de la Sorbonne à Paris et à l'Internet Society au Japon. Maîtrise de l'École nationale d'administration publique et M.A en histoire canadienne de l'Université de Sherbrooke.