Jean Perron, Reprendre pied sur l’horizon

Jean Perron, Reprendre pied sur l’horizon. Par Ricardo Langlois
Jean Perron Jean Perron
Jean Perron

Jean Perron, Reprendre pied sur l’horizon. Par Ricardo Langlois

Le poète Jean Perron est sans doute un rêveur comme moi. Il voit le monde avec son cœur d’enfant. Il y a tellement de cruauté dans le monde qu’il faut s’arrêter à la poésie. Le narrateur fait ressurgir le lumineux même dans un abîme d’ombre. Le bonheur est dans la simplicité. Une manière de visualiser le monde. « Pour comprendre la rivière et l’arbre, je me transforme en guitare ». (p. 25 )

Vagabondage de l’Esprit

Je vais citer quelques poèmes. Quelques phrases qui s’approchent subtilement d’une âme mystique.

« Comme s’il avait décloués du ciel mystique où les saints les avaient enfoncés ». ( 1 )

« Pendant que les camions vont et viennent

Je vis dans l’œil des joies balayées

Des meilleurs chances semées à tous vents

Je n’entre pas dans les cases formulaires

Je suis le patient zéro de l’émerveillement ». (p. 11 )

+++

« Mais je reste là à douter et à redouter

Sans rien pouvoir retenir de ce qui s’en va

Seule la beauté insiste pour rester

Au cœur de la nuit recommence la vie

Dans l’obscurité naît une autre journée

Bien avant d’être visible à l’horizon

L’oiseau de nuit finit aussi par s’en aller

Les premiers sons du matin traversent la pluie ». (p.18 )

L’art d’être attentif

C’est la conscience du poète qui savoure l’instant présent. Cette qualité d’attention est plutôt rare puisque le cellulaire a envahi tout l’espace. Avant Facebook, il me semble (pour moi ) qu’à chaque instant on pouvait toucher à l’éternité. L’imagerie cérébrale est importante. Certaines zones du cerveau ont besoin de s’activer dans le vagabondage pur et simple. Apprendre à être contemplatif. Tout est relié dans toutes nos activités : lorsque nous mangeons, lorsque nous marchons, lorsque nous travaillons, lorsque nous écoutons de la musique, etc.

Perron semble avoir tout compris cela. Chaque poème que je lis dans « Reprendre pied sur l’horizon » est une sorte de prière, de méditation sur le quotidien. Le poème « La marche du printemps » est un bel exemple lumineux.

« Je regarde les arbres aux branches nues

Des bourgeons se montrent discrètement

Je me dis que si je n’avais jamais vu le printemps

Jamais je ne pourrais imaginer

Les feuillages les fleurs les fruits

Les pelouses et les potagers verdoyants

Jamais je n’imaginerais qu’après

Cette saison trempée de boue et de larmes

Puisse venir une vie nouvelle ».(p. 39)

Je me suis rappelé Dominique Fortier quand elle parle des fleurs qui ont été « battues de pluie comme la rose de Ronsard (…) pour une fleur, une ondée est chaque fois la fin du monde ». (2 )

Dominique Fortier. Quand viendra l’aube.

Cette réflexion m’est venue comme une référence absolue. Le poète Perron est poète et musicien. Célébrer la vie. Les promenades en forêt, en banlieue, l’observation des oiseaux. Le quotidien comme dans une chanson des Séguin dans « Récolte de rêves ». Aucune influence des médias (d’une atmosphère anxiogène). Oui, on « flotte comme une musique ». (3 ) La poésie est une fable en ce monde moderne. La fable est plus vraie que la réalité, disait Aristote.

Note

  1. Christian Bobin, « Louise Amour », Folio 2005
  2. Dominique Fortier, « Quand viendra l’aube », Alto 2022.
  3.  « Flotter comme une musique », p. 71, « Reprendre pied sur l’horizon », Écrits des Forges 2024.

Jean Perron habite l’Outaouais. En plus d’écrire de la poésie, il compose des chansons, fait des romans et des œuvres pour la jeunesse : il est l’auteur de 23 livres. Vient de paraître en édition bilingue, français et allemand, « L’extase simple de respirer ». Je remercie l’auteur de m’avoir envoyé ses deux plus récents livres autographiés. 
Jean Perron, « Reprendre pied sur l’horizon », Écrits des forges, 2024.

Poésie Trois-RivièreLe Pois Penché

Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com