Michel Pleau, Le petit bestiaire

Un homme avec des lunettes et une barbe pose pour une photo à thème littéraire. Un homme avec des lunettes et une barbe pose pour une photo à thème littéraire.
Retour au pays de l’enfance. C’est là que tout commence. Pleau raconte sa jeunesse. Il a six ans. Que signifie un enfant ? Rien. Où va-t-il ? De quoi est fait son univers, son imaginaire? Il n’y a pas deux enfants identiques. J’étais un enfant qui parlait tout seul. En moi l’absurde (Camus), le tragique (Nietzsche) et tous les enchantements (Rimbaud). L’enfance est le premier terrain de jeu de notre condition humaine.
Explorer l’enfance

Michel Pleau explore la petite faune. Il parle de chats, de chauve-souris, de poissons rouges, de chevaux, de papillons, de girafes et de fourmis. Voilà tout un bestiaire ! Une note bleue dans les sous-bois. Enfant, je construisais des cabanes d’oiseaux. J’attrapais des papillons. Je parlais aux chats. Ah ! Chère enfance …

“Encore un jour de gloire Pour ceux d’ici

Qui voient ça” (1)
Au début, l’auteur fait une mise en garde :

“Ce déplacement d’atomes

Est peut-être le commencement de l’écriture

Aujourd’hui je voudrais à mon tour je voudrais

Dessiner la parole des bêtes voici le bestiaire

Tout simple d’un vieil enfant encore affamé de lumière.” (p.10)

Le poète parle de sa vocation. Il n’est pas prédestiné à devenir quelqu’un. Il est anonyme, comme le poète. Comme l’animal innocent, il s’abandonne. Il préfère la nature, la vie plutôt qu’un Égo ambitieux. Il ne cherche pas à imiter qui que ce soit. Une étincelle de divin tombe sur chaque poème. Transit vers l’émotion pure. Il parle du chat avec une tendresse qui émeut :

“Il a des oiseaux plein la tête
Qui maîtrisent le chant des petits voyages.” (p.17)

Un poème magnifique qui est aussi mon préféré. J’ai eu un chat pendant dix-huit ans. Il me connaissait mieux que moi-même.

“Le chat aime les poèmes
Surtout quand ils sont proches du silence.” (p.18)

Une avalanche de douceur

Michel Pleau est le poète de la lenteur et de la contemplation. Tout est lecture. Chaque poème est une étoile qui s’ajoute dans le cahier de l’enfant. Chaque poème flotte dans la sève des nuits d’insomnie. Peut-être y décèle-t-on une odeur Sainte, un parfum de fleur. Nous avons le plaisir d’être sous l’emprise des mots. C’est une constellation. Une lumière qui éblouit les espaces saturés d’images de notre ère moderne. Je lis ceci à propos de “la girafe” :

“Au zoo je me cassais le cou

Pour regarder dans les yeux me disant
Que de la-haut
Elle seule pouvait apercevoir ma petite solitude.” (p.34)

La transfiguration

Lire Pleau, c’est explorer l’enfance. Un peu de mélancolie. Un état second. Une exploration vertigineuse. Le mystère d’avoir été un enfant. Les désirs enfouis :

“Ô éclair de l’âme éclairant tant d’autres regards tendus vers toi” (2)

L’enfant regarde avec des yeux neufs. Il interprète tout à sa manière. Il parle du “poisson rouge” avec candeur :

“Comme moi il se frappait
“À la vitre du temps
Et tournant autour de lui-même.” (p.53)

Une expérience métaphysique dans les contours. Ressentir et expérimenter le positif pour Soi seul. Jouissance secrète qui appartient au poète. Tombé au degré zéro de l’âme. Pas de contrat social. Le triomphe de s’abîmer dans l’énergie symbolique de l’infini. J’admire le poète et son don quand il évoque son amour pour les papillons :

“Je ne sais plus d’où viennent mes ailes
Je crois bien que je les avais à la naissance Comme tout le monde”(p.47).

J’ai pensé a mon ami Jean-Marc Fréchette : “Nous sommes servants de la Toute-Lumière De l’extase juvénile” (3). Je suis un admirateur absolu de Michel Pleau. J’adore cet écrivain. Il nous ramène à ce que nous sommes initialement, à l’essence même de notre extase juvénile.

Notes

1.François Cheng, La vraie gloire est ici, p. 40. NRF Gallimard 2015.

2. Idem. p. 146

3. Jean-Marc Fréchette, Partition de l’ange, p. 135. Édition du Noroît 2019.

Michel Pleau, Le petit bestiaire .Illustrations de Lyne Richard. Les éditions David. 2022.

Il reçoit de nombreux prix pour son œuvre poétique dont le Prix Alphonse-Piché (1992), le Prix Octave-Crémazie (1992), le Prix de poésie Félix-Antoine-Savard (1998), le Prix du Gouverneur général (2008) ainsi que le Prix Jean-Noël-Pontbriand (2018). Il reçoit également le Prix de la personnalité littéraire de l’Institut Canadien de Québec pour l’ensemble de son œuvre.

Michel Pleau est aussi nommé Poète officiel du Parlement du Canada (2014) pour un mandat de deux ans en collaboration avec le Service des programmes éducatifs de la Bibliothèque du Parlement à Ottawa1,9. Dans le cadre d’une cérémonie célébrant le vingtième anniversaire de la Charte de la langue française en 1997, une île du réservoir de Caniapiscau (Nord du Québec) est baptisée par le titre de l’œuvre de Michel Pleau La traversée de la nuit par la Commission de toponymie du Québec. Michel Pleau est membre de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois. (Source, Wikipésia).

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Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com