Simon Roy, Ma fin du monde

Un homme avec un microphone devant un microphone pendant une présentation de littérature québécoise. Un homme avec un microphone devant un microphone pendant une présentation de littérature québécoise.
Le 22 février 2021, l’univers de Simon Roy bascule. On lui apprend qu’il est atteint d’un cancer incurable au cerveau. Un an plus tard, jour pour jour, l’auteur amorce la rédaction de Ma fin du monde. Influencé par Orson Welles et Stephen King, il propose un temps inégal et baroque. 
Avoir peur 

Dans les registres de la peur, il rend hommage à Stephen King (1). La peur est multiple. À travers l’écriture soignée de Simon Roy, j’entends sourdre en moi l’humiliation de ne pouvoir y échapper. La maladie plane. Dans le bleu de la nuit, il parle de la vie qui se mêle à vous. Quelque chose de lent travaille dans le silence de l’écriture. Il fait un inventaire des degrés de la peur (p.20). Il raconte une histoire authentique qui s’est déroulée à Repentigny concernant les extra-terrestres. On en parlait souvent durant mon adolescence. Il raconte sa peur après avoir pris connaissance d’un article que son papa avait lu (p. 29).

La maladie incurable, comment l’exorciser. Il fait un lien avec Les pensées de Pascal. Il relativise. Il parle des martiens. À première vue, la nature ne peut porter le cycle de la douleur. Mais on n’y peut rien. Derrière l’Amérique et la modernité, une trame cruelle se dessine. Pourquoi la souffrance, la peur ? La vie s’emmêle. Certains disent qu’il faut se battre contre le mal. On en revient à Orson Welles et à son canular sur La guerre des mondes. Le mouvement de panique (p. 47). Les soucoupes volantes de Roswell (Ibid). Et le plus fascinant, n’est-ce pas ce fameux 11 septembre 2001 ? Toujours aussi frais dans nos mémoires. L’auteur est consterné par ceux qui continuent de croire à une imposture (p. 49). 

Où sont les anges ? 

Il parle de la Bible (p.51). Se réfugier dans des croyances aveugles comme nos grands-parents, il n’en est pas question pour Simon Roy. Nous sommes à l’époque de Netflix et d’Instagram, ces médias qui dirigent nos vies. Son oncle Serge lui fournit un début de réponse à propos de l’au-delà. L’explication me semble justifiée. Dans une société ou l’anxiété et le narcissisme sont les guides d’une vie pauvre et sans âme, l’existence saine se raréfie. Un effet de radicalité pour le lecteur-lectrice. Le surnaturel ou le don ne s’explique pas. Cette phrase n’est pas banale : 

Y a une part de croyance qui joue un rôle 

Y faut que tu y croies, sinon ça ne donne rien. (p. 91) 

On ne parle pas d’un logiciel qu’il faut mettre à jour. En cette année où nous soulignons le centenaire de Kerouac, il me vient cet extrait des Anges vagabonds : 

Avoir de la patience, croire, être méticuleux, 

Triste, s’auto protéger, être heureux des petites faveurs. (2) 

L’auteur écrit en fragments. Comment vivre de manière consciente cette vie ? Une mort douce avec sa femme dans les bras de Marianne (p. 95). Tout ce chapitre porte en lui seul l’essence de ce livre. Lisez ceci :  On ne choisit pas ses muses. Chez moi, la musique des Bad Seeds agit comme un catalyseur. Je m’imagine affairé à déterrer de vieux souvenirs qui ne sont pas les miens. Attendre, scruter, examiner. Je me tapis tel un félin dans l’herbe haute pour guetter le temps(Ibid). 

J’aimerais dire à l’auteur, même si c’est banal, que Dieu n’est pas dans la Bible, mais dans le vent : dans un effleurement ou un bruissement. L’auteur parle d’une école de bonheur (p. 124). Je vous vois sur le seuil. Marianne y est déjà.

Notes 
  1. The Shining, de Stanley Kubrick, cette histoire étrange située dans un hôtel où s’installent hors saison un écrivain, sa femme et leur garçon aux pouvoirs extrasensoriels, a impressionné une foule de spectateurs depuis sa sortie en 1980. C’est à l’âge de dix ans que Simon Roy a découvert ce film, médusé par une réplique : « Tu aimes les glaces, canard ? » Depuis, il l’a revu au moins quarante-deux fois, sans doute parce qu’il « contient les symptômes tragiques d’une fêlure » qui l’habite depuis des générations. La relation méticuleuse entretenue avec le maléfique récit lui aura permis d’intégrer les éléments troubles de sa « généalogie macabre », d’en accuser le coup. Un ouvrage singulier, stupéfiant.
  2. Jack Kerouac, Les anges vagabonds. Folio 1979.

Simon Roy, Ma fin du monde. Boréal, Collection Liberté. 2022.

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Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com