Demander aux médecins spécialistes de travailler pour une période continue de deux semaines minimum dans les CHSLD est une décision coûteuse et risquée pour la santé publique. Le roi est nu, qui osera lui dire ?*
La situation dramatique dans les CHSLC constitue une urgence nationale. La question est de savoir comment faire face à cette très sérieuse situation, sans créer des problèmes graves dans le complexe système de santé du Québec. Les citoyens attendent pour être soignés et pour être opérés, alors que de nombreux médecins spécialistes ne travaillent pas et que 6,000 lits sont inoccupés dans les hôpitaux. Demander aux médecins spécialistes de se présenter dans les CHSLC est une décision très coûteuse qui déstabilise les services hospitaliers. De plus, les médecins spécialistes seront exposés aux milieux les plus à risque d’être infectés au COVID-19. Malgré les mesures sanitaires, qu’arrivera-t-il si certains sont déclarés positifs au COVID-19 ?
Un grand nombre de personnes qualifiées attendent pour prêter main-forte aux résidents des CHSLC. Le rôle d’un premier ministre est de prendre des décisions en tenant compte des conséquences de celles-ci pour la santé, bien sûr, mais aussi pour l’économie et le vivre-ensemble. Le chômage, l’insécurité économique, l’angoisse et les tensions familiales causées par le confinement susciteront de nombreux problèmes de santé. La vision manichéenne de François Legault, qui déclare ne s’occuper que de la santé et pas de l’économie, ne répond pas adéquatement à la complexité de notre société. La COVID-19 risque de continuer, de revenir et de muter, il faudra apprendre à vivre avec ce fléau. La décision de fermer complètement tous les chantiers de construction et celle de paralyser les employés municipaux, par exemple, ont provoqué des décisions aux conséquences désastreuses.* Pendant quelques jours une voie plus sage semblait pourtant tracée : permettre aux restaurants, aux commerçants, aux écoles, etc, de continuer en mettant en œuvre des mesures de distance sanitaire, d’hygiène ainsi que le port d’un masque.
François Legault a décrété d’autorité et brutalement que tout le Québec s’arrête, est en pause, et les citoyens, en confinement; en ostracisant*, au passage, les personnes de plus de 70 ans. Cette décision provoque des bouleversements sociaux, économiques et culturels, aux conséquences incalculables. Le «graduellement » qu’adopte le premier ministre au déconfinement aurait pu aussi être adopté pour le confinement. Parfois, le remède est pire que le mal que l’on souhaite circonscrire. Quand les petits commerces et les restaurants pourront-ils « graduellement » ouvrir leurs portes en respectant les deux mètres sanitaire et les mesures d’hygiène ? Montréal, « la ville aux 5000 restaurants » suffoque. Les petits commerces sont fermés pendant que les Wall Mart et CostCo augmentent leurs ventes. Où est la logique, où est la justice ? Sur la rue Sainte-Catherine, les magasins placardent leurs vitrines. Cela annonce de très nombreuses faillites. Au passage, François Legault affirme de plus en plus son pouvoir et déstabilise les pouvoirs qui l’entourent, dont l’opposition, les médecins spécialistes, les syndicats et les médias qui n’osent pas contredire le Grand Timonier. Les risques de dérives autoritaires augmentent par manque de contrepoids.
Un programme universel de dépistage, par un test obligatoire avec un suivi rigoureux, un confinement des personnes infectées, le port d’un masque et une distanciation sanitaire auraient permis d’éviter de détruire l’économie du Québec (en particulier, la vie culturelle et l’exceptionnelle « vivre ensemble » de Montréal. Il est inconcevable, par ailleurs, que des milliers de Québécois soient de retour de l’étranger sans être obligés de subir un test au COVID-19 dès l’aéroport ou la frontière. Des Québécois reçoivent des amendes, jusqu’à 6000 $, parce qu’ils sont accusés d’être ensemble. Des personnes dénoncent leurs voisins. L’encouragement à la délation risque de provoquer des dérives autoritaires.
« La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat. » – Hannah Arendt
Tout cela fondé sur des statistiques contestables. Comment expliquer que le Québec déplore un nombre plus grand de morts que l’Ontario, comportant pourtant une population beaucoup plus nombreuse? L’institutionnalisation des aînés est plus forte au Québec, la période de relâche et les retours de la France et de l’Italie ont contribué, mais ces faits n’expliquent pas complètement cet écart. Une explication donnée par François Legault et le docteur Horacio Arruda est que le Québec teste post-mortem. Si deux personnes âgées décèdent, l’une du cancer testée post-mortem et identifiée porteuse du virus, même s’il est difficile de prouver que la mort a été causée par la COVID-19 est automatiquement dans les statistiques de mortalité du COVID-19. Son conjoint mort d’une crise cardiaque est aussi classé, sans test, mort du COVID-19. Les nombreux décès dans les CHSLD sont aussi tous identifiés comme étant causés par la COVID-19, alors que 1,000 résidents des CHSLD décédaient chaque mois avant la COVID-19. Les statistiques gouvernementales propagent une vision déformée et exagérée du taux de mortalité.
Montréal était l’une des seules villes de plus d’un million d’habitants au monde où de grands rassemblements joyeux et pacifiques avaient lieu sans incident et dans la paix sociale. La méfiance d’ordre sanitaire et la peur de l’autre contaminent maintenant notre tissu social et notre capacité de vivre ensemble. Que sera le Québec suite au COVID-19 ?
- Les Habits neufs de l’empereur. Conte d’Andersen.
- Être frappé d’ostracisme : Action de tenir quelqu’un qui ne plaît pas à l’écart d’un groupe, d’une société, d’une manière discriminatoire et injuste.
- Les pertes liées à la fermeture des chantiers de construction dans la province sont estimées à un milliard de dollars par semaine. ( Association de la construction du Québec. ).