À une certaine époque, être gay était une malédiction. Jean-Paul Daoust a tout démystifié. Il a été un pionnier. Déjà dans mes cours au Cégep, on savait pour lui. Les éditions de La Grenouillère nous donnent l’occasion de lire la première « œuvre Queer » de la littérature québécoise. Ce livre sorti en 1987 ne sera jamais plus à l’ombre.
Le Dandy
Considéré comme le Dandy des temps modernes, Jean-Paul Daoust traque la solitude et les amours contemporaines avec sa poésie de l’amour démesuré. Le magnifique recueil, « Les garçons magiques », est une ode aux anges. Les garçons sont des anges. Un livre de poésie qui parle du désir de l’amour fou. L’amour animal ? L’affection pour un homme. Dans son livre « Les Cendres Bleues (1) », il raconte sa première expérience. Cette réédition des « Garçons magiques » nous fait découvrir les années 80. Les nuits des amours interdits. Le temps des garçons magiques. « Je suis un sorcier. Grâce à mes pouvoirs, les garçons magiques vont arriver. Enfin. Je ne veux pas être brûlé à nouveau. C’est le temps où des gars extraordinaires discutent de leurs devenirs. Leurs caresses. Leurs doigts étoilés. Leur peau tragique. Qui ose espérer. C’est maintenant le temps des garçons magiques (p. 41). »
Bowie comme modèle
J’écoutais David Bowie. La résonance invite la dissonance. Lorsqu’un corps entre en résonance, il est capable de faire vibrer un autre corps. La vérité émotionnelle, la vérité qui s’écoute avec le corps. Bowie s’adressait aux marginaux. Au Québec, Jean-Paul Daoust a été l’un des premiers à transgresser la norme. L’écriture de Daoust est vue d’un angle autobiographique. C’est là sa force. Le Glamour a toute sa place.
« Nous sommes des anges
Des anges qui rampent. Qui volent.
Dragons aux ailes diaphanes.
Ptérodactyles triomphants.
Leurs destinées bizarres (…)
Pour toi mon garçon magique. (p. 45) »
Il se transforme. L’ange est un poète lyrique qui parle au cœur du Bien–Aimé. Il s’épuise jusqu’à la folie. Il écrit de manière charmante :
« L’âme humaine est un cliché inépuisable.
Mais moi. Château abandonné. Ville engloutie
Sous les spasmes d’un ancien volcan. (p. 62) »
La passion
Les poèmes sont des calvaires plantés droit dans le vide des ruelles désertes. Dans les déserts où Dieu n’existe pas. Où est le cœur en cavale ? Dans des cahiers de jeunes adolescents rêveurs. Je me souviens de mes amours. Ces mecs aux cheveux blonds qui jouent de la guitare. Et pour Daoust, c’est autre chose : « Que mon cœur cavale. Et. Narcisse. Plonge dans son eau trouble. Et. Je relis les poèmes oubliés. Ces autres amants. Mais oui. Ta peau est un super party (p. 69) » Des évocations. Sur Mick Jagger (il a été l’amant de Bowie parait–il) les absences. Les départs. Les Disneylands. Les éternités possibles. Il évoque la « Terre des Anges (p.71). »
Les étoiles filantes
Toute une vie à chercher l’ange. « Je m’ennuie Comme quand j’étais enfant (p. 98). » Il existe des fables, des histoires, des circonstances qui appartiennent à l’univers gay. Daoust est malheureux dans sa quête de révolte. Il ne renoncera jamais. » Les garçons magiques « existent comme les étoiles filantes… Il faut se battre contre la mort. Ce monde hétérocentrique. Une quête ontologique des plus beaux rêves et des plus grands regrets. J’ai pensé à André Roy dans “L’accélérateur d’intensité (2).” Le réel gai est évoqué comme une abstraction existentiel (un sens au monde). “Chaque fois que j’écris, quelqu’un m’aime pour mes choses intérieures (p. 51).”
Ce livre est un monument à l’amour gay. Une quête triviale. Cette œuvre, » Les garçons magiques », est une recherche spirituelle de l’amour entre hommes. Le pathos indécent. La mythologie sur le corps et le débordement (Barthes).
Notes
Jean-Paul Daoust, « Les garçons magiques. Préface de Gérald Gaudet. » Les Éditions de La Grenouillère. 2022. Première édition VLB 1986.
Ricardo Langlois tient à remercier Louis-Philippe Hébert, éditeur pour son amitié et sa contribution à la littérature québécoise.
Le poète et essayiste québécois Jean-Paul Daoust, né à Salaberry-de-Valleyfield, est un auteur prolifique. Ses poèmes mordants font appel aux références populaires où se glisse parfois de l’anglais et qui révèlent une écriture directe, vibrante et baroque. Son œuvre intime, contestataire ou engagée, explore les thèmes de la mélancolie, de la modernité et de l’homosexualité. Lauréat du prix littéraire du Gouverneur général du Canada et récipiendaire du grand prix Québecor du Festival international de la poésie de Trois-Rivières, Jean-Paul Daoust révèle une œuvre poétique aux multiples tournures. On peut entendre le poète tous les jours à l’émission Plus on est de fous plus on lit de Radio-Canada, où il est le poète invité.