Anne Dorval, entrevue

Anne Dorval, vêtue d'une chemise à carreaux, lisant un journal. Anne Dorval, vêtue d'une chemise à carreaux, lisant un journal.
Entrevue avec Anne Dorval. Agence Goodwin,  Montréal, le 17 mai 2023. Par Laurent Beurdeley
Je tiens à remercier Anne Dorval et son agente artistique, Virginie Bazin, pour leur disponibilité et leur accueil si chaleureux.
Anne Dorval est une artiste bien connue au Québec; c’est tout d’abord sur le petit écran qu’elle accéda à la notoriété avec des téléfilms ou encore des séries populaires qui  jalonnèrent toute sa carrière dont « Chambres en ville[1] », « Le cœur a ses raisons[2] », « Les Parent[3] », « Les Bobos[4] » …)  Dans un tout autre registre, elle évolue sur les planches où elle n’est pas en reste avec une trentaine de pièces à son actif tant dans le répertoire classique avec Sophocle, Molière, ou encore Racine qu’elle vénère (elle fut Hermione dévorée par un amour inébranlable dans Andromaque), Beaumarchais…. que plus contemporain (à l’instar de « La Ménagerie de verre » de Tennessee Williams ; « Juste la fin du Monde » de Jean-Luc Lagarce[5] …)
Avec une palette de jeu singulièrement étendue, elle excelle tant dans les drames que le burlesque et l’autodérision (dans « Bye bye », un passage collectif obligé au Nouvel An, diffusé les 31 décembre par Radio Canada, et qui bénéficie d’une forte audience d’écoute[6], aux côtés de son ami et complice l’humoriste Marc Labrèche, Anne Dorval est hilarante lorsqu’elle parodie Melania Trump ou encore Hubert Lenoir[7]).
En 2005, elle fit la rencontre d’une jeune pousse d’artiste qui rêve de cinéma (et qui lui remet un premier scénario encore inachevé) qu’elle n’aura de cesse d’appuyer et d’encourager. Il s’appelle Xavier Dolan,  il a 17 ans lorsqu’il lui propose de camper l’un des deux personnages principaux de son premier long métrage, soit celui d’une mère « quétaine[8] » et lunatique ; une œuvre  qui sera présentée à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes en 2009 (et qui a reçu plusieurs distinctions).
Particulièrement attaché aux figures maternelles, sensible aux sacrifices qu’elles ont dû consentir pour leurs enfants (aux  projets qu’elles furent contraintes de remiser) et source cardinale de son inspiration  (« un puits sans fond de cinéma[9] » ) Xavier Dolan, qui  pourrait faire des films sur les mères jusqu’à la fin de sa vie sans s’épuiser ni épuiser le sujet[10],  confia à Anne des rôles de femmes au caractère bien trempé qui vont bien au-delà des stéréotypes féminins.
Dans « j’ai tué ma mère » (2009), l’actrice incarne Chantal Lemming, une mère monoparentale honnie et rejetée par son fils Hubert ; dans une scène mémorable, elle s’enflamme et invective avec véhémence le directeur du pensionnat qui lui reproche l’éducation donnée à son fils. Elle fit une courte apparition dans « Les Amours imaginaires » (2010) sous les traits de Désirée, la mère excentrique de Nicolas[11]. Elle est également dans la distribution de « Laurence Anyways » (où elle fait la promotion d’une pâtisserie dans un clip publicitaire de quelques secondes) en 2012.
Mais c’est incontestablement sa prestation dans « Mommy » (2014) où elle est Diane Després, dite « Die » (une veuve héroïque dévorante d’amour, qui déploie toute son énergie et ses ressources afin d’éviter le placement de son rejeton très agité dans une institution spécialisée)  qui  propulsa sa carrière sur le plan international. Lors de la remise du Prix du jury au réalisateur pour ce quatrième long métrage, Jane Campion, qui présidait la cérémonie, adressa ces mots encourageants à la comédienne : « See you at the Oscars ! ».
Une assertion qui ne paraissait aucunement exagérée ; la presse américaine avait d’ailleurs souligné sa remarquable performance. Quelques années plus tard, dans « Matthias et Maxime » (2019), aux antipodes de son personnage dans « Mommy », elle incarne Manon, une ex-toxicomane aux traits tirés, pas totalement sortie de la dépendance, teigneuse, irascible et colérique.
Anne Dorval est reconnaissante au cinéaste de lui avoir offert des rôles de cette puissance-là, de « l’avoir amenée vers les étoiles petit à petit[12] »  et entretient avec ce dernier une  amitié profonde et indéfectible ; il est devenu son confident. L’actrice tourna également pour la première fois en France sous la direction de Katell Quillévéré en 2016, dans « Réparer  les vivants » (où elle démontra à nouveau sa grande capacité de métamorphose dans le personnage de Claire en attente d’une greffe du cœur avec une voix qui est à peine audible)  puis avec les cinéastes David et Stéphane Foenkinos en 2017 (où elle joue une parisienne aux côtés de Karin Viard).  En 2019, dans le film du québécois Jean-Philippe Duval, « 14 jours, 12 nuits » qui fut tourné au Vietnam, elle tient le rôle principal, celui d’une océanographe, mère d’une fille adoptive, frappée par une tragédie.
A travers un jeu de questions diverses, Anne Dorval, actrice virtuose, se confie sans ambages avec simplicité et générosité sur ses passions, les multiples facettes de son métier et son rôle de matriarche dans la mini-série télévisée, « La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé ». Un thriller  palpitant (à savourer) réalisé par Xavier Dolan, qui est en ligne au Québec sur la plateforme Club Illico (depuis novembre 2022) et en France sur Canal⁺ et  fait l’objet d’une critique dithyrambique (l’œuvre est également disponible en support DVD).
Bonjour Anne  Dorval,
Quel livre lisez-vous actuellement ?
 « Je lis beaucoup de choses à la fois, parfois j’en abandonne. J’en ai trois en ce moment deux recueils de poésie et un ouvrage que j’ai reçu dernièrement,  « Éloge de l’hypersensible » d’Evelyne Grossman[13].
Avez-vous un livre de chevet ?
« La dernière année, ce fut beaucoup la correspondance entre l’écrivain Albert Camus et la tragédienne Maria Casarès  (que j’ai incarné sur les planches en 2023), c’est devenu en quelque sorte un livre de chevet[14]. Il y a des passages que je relis et parfois je prends une page au hasard et je lis une lettre. Là, je le délaisse un peu pour lire autre chose parce que cela a fait partie de ma vie pendant les deux dernières années ».
Quel est votre écrivain ou poète de portée mondiale préféré ?
« C’est difficile …. ; cela demande réflexion. Il y en plein que j’admire … Mais  mon préféré… Non c’est trop difficile de répondre à cette question ».
Un acteur et une actrice que vous affectionnez particulièrement ?
C’est encore une question difficile. Isabelle Huppert, Cate Blanchett sont des actrices que j’admire profondément ; chez les acteurs, j’aime beaucoup Daniel Day Lewis, Joaquin Phoenix, Javier Bardem  mais je pourrais encore en nommer des dizaines.
Si vous n’aviez pas été comédienne, quel métier auriez-vous voulu exercer ?
J’aurais été une artiste, c’est certain, je m’intéresse beaucoup aux arts visuels, j’aurais bien aimé être artiste peintre ; je pensais  être graphiste, à un moment donné. Mais l’art dramatique l’a toujours emporté. Si je n’avais pas été actrice j’aurais peut-être été une musicienne mais ce qui est sûr c’est que j’aurais fait quelque chose dans le domaine des arts.
Quel métier n’auriez-vous jamais voulu exercer ?
« Mathématicienne. Mon père qui était passionné de mathématiques rêvait de me voir mathématicienne ; mon dieu, cela n’a jamais été possible ».
Votre saison préférée ? :
« L’automne[15] ».
En dehors de Montréal dans quelle ville aimeriez-vous vivre ?
« Je crois que c’est Londres ou Paris. Mais Paris est peuplé, Londres également, mais on a un peu plus d’espace. A Londres, mes quartiers préférés sont Kensington, Myfair,  Notting Hill.  Mais si je devais habiter à Londres, je voudrais vivre à  Primerose Hill (le quartier des très riches  et des stars où je ne suis d’ailleurs jamais allée) loin de la cohue et des touristes, sur cette petite colline qui est tellement jolie et à l’abri de tout ».
Votre plat culinaire préféré ?
« Les poissons grillés, les poissons à la grecque ».
Et lorsque vous invitez des amis à la maison, qu’aimez-vous leur concocter ?
« Souvent ce sont des pâtes parce que c’est difficile à rater et ça va vite, il n’y pas besoin de se creuser la tête et parce que tout le monde aime ça en même temps ; cela convient aux végétariens comme aux carnivores ».
Vous avez souvent indiqué aimer les fleurs mais quelles sont celles qui ont votre préférence ?
«  Ah non, quelle question !  J’aime tellement les fleurs.  J’adore les fleurs de printemps, les fleurs à bulbe, les tulipes, les narcisses de toutes les couleurs, j’aime aussi les pivoines, les jacinthes ; après ça dans l’été, j’aime les delphiniums, le lilas, le muguet. Je ne peux pas m’arrêter à cette liste-là,  j’aime les roses aussi ».
Vous avez une chanson préférée ? 
« J’écoute beaucoup un groupe qui s’appelle « The Blue Nile[16] » qui n’existe plus maintenant, ils ont fait  trois ou quatre albums. C’est une musique un peu déprimante et mélancolique mais je reviens souvent à ce groupe. J’aime également Barbara, Charles Aznavour … ».
Quelles activités sportives pratiquez-vous ?
« J’aime bien le vélo car cela me permet de voyager en même temps, j’aurais adoré être une championne de tennis, j’en ai  toujours rêvé durant l’enfance mais je n’avais pas ce talent … ».
Vous aimez aller marcher ?
« Oui, j’aime bien les cimetières du Mont Royal, quand je vais me balader c’est là que je me rends, il y a moins de monde. J’adore les cimetières ».
Quelles impressions vous inspirent les mots ou expressions suivantes ? :
 – Un prix d’interprétation[17] :  
 «  La fête avec des amis, le champagne, voilà ce que ça évoque »
 – La critique cinématographique :
 « Un mal nécessaire, je dirais. Il n’y a pas tant de vrais critiques de cinéma, ce sont plutôt des chroniqueurs mais quand on en trouve des bons, ils peuvent nous éclairer sur certaines choses. Lorsque l’on reçoit une mauvaise critique, ça peut être bien aussi.  Mais je trouve que parfois ils ne savent pas ce qu’ils écrivent ; il y a des bonnes critiques qui n’ont pas lieu d’être et de mauvaises critiques qui n’ont pas lieu d’être non plus, il y a les deux. Quelquefois les critiques sont très justes, je pense que l’on a beaucoup à apprendre de ce regard extérieur sur le travail que l’on fait ».
– L’amitié : 
 « La vie,  la bienveillance, de la profondeur aussi ».
– L’enfance : 
« Joie profonde et douleurs profondes ».
– Les hommes et  les femmes politiques :
« C’est drôle, mais je pense à conflit d’intérêts ; on l’apprend des années plus tard et on s’aperçoit qu’ils sont là pour quatre ans, ils veulent être élus et c’est tout  ……
Avez-vous déjà songé enfant ou encore adolescente comme le fait régulièrement la jeune Mireille Larouche (dans la série télévisée, « La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé) à vous introduire par effraction dans la demeure de vos voisins afin d’épier leur intimité ?
« Ah non jamais de la vie, j’ai peur de tout. Je suis beaucoup trop timide pour ça. Je n’arrivais pas à faire des coups au téléphone quand j’étais petite. Avec des bandes de copains on passait des soirées  à appeler des numéros au hasard ; on disait que l’on prenait des commandes de pizzas, c’était ridicule. J’en tremblais tellement, j’étais très mal à l’aise. Je n’aimais pas ça, alors je laissais les autres le faire, j’étais témoin de tout ça. Non entrer par effraction, jamais ça ne pourrait m’arriver ».
Avez-vous assisté à l’une des représentations de la pièce de Michel Marc Bouchard en 2019 (reprise à l’automne 2020) -dans une mise en scène de Serge Denoncourt- dont s’est inspiré Xavier Dolan pour sa série télévisée éponyme?
« Non, je n’ai pas vu la pièce mais on en a beaucoup entendu parler ; je connais aussi Bouchard, je savais de quoi il s’agissait ».
Avez-vous lu l’œuvre[18] ?
« Je n’ai pas lu ce texte mais le scénario de la série est basé sur l’histoire et il n’y a pas grand-chose du texte d’origine qui ait été retenu (aucun des dialogues) ».
Le dramaturge a écrit cette pièce en ayant présent à l’esprit l’actrice Julie Lebreton pour incarner le personnage central, c’est-à-dire, celui de Mireille Larouche (une célèbre thanatologue qui revient après des années d’absence dans sa ville natale pour y embaumer le corps de sa défunte mère).Et pour l’adaptation télévisée, Xavier Dolan, a pensé naturellement à vous lorsqu’il crée le personnage de Mado  (la mère de Mireille) qui n’a aucune existence physique dans la pièce puisqu’elle est réduite à l’état d’un cadavre. Au moment de l’écriture avez-vous évoqué ensemble, les traits de caractère de cette mère de famille ?
« Je ne me suis pas mêlée de l’écriture du tout, je voyais Xavier quand il l’écrivait et il m’en parlait un peu. Ça me mettait dans une position délicate, je ne voulais pas qu’il se sente obligé de m’écrire une partition comme ça. Je voulais que ça vienne de lui et puis je me disais si il est inspiré, il est inspiré … Et je savais bien que Mado ne pouvait pas être un personnage central de la série mais il a néanmoins son importance dans la narration ».
Votre personnage s’appelle « Madeleine Larouche » ; Xavier Dolan a ainsi délibérément repris le prénom et le nom de naissance de votre propre mère.  C’est en quelque sorte un hommage à cette dernière?
« Il ne le savait pas.  C’est moi qui lui ai dit. Ma  mère est d’ailleurs décédée quelques mois avant le début de  la pandémie en novembre 2019. Le patronyme, Larouche, est déjà mentionné dans la pièce et Xavier a décidé de la prénommer Madeleine avec pour diminutif, Mado. Ma mère tout le monde l’appelait Mado aussi. C’est moi qui lui ai dit, tu fais ça en hommage à ma propre mère. Il a été très étonné quand je lui ai  dit ;  mais c’est complètement le fruit du hasard ».
Le tournage s’est déroulé sur 82 jours (soit une moyenne de 16 jours par épisode). Ce n’est pas commun au Québec pour une série télévisée.
« Ce n’est commun nulle part… peut être plus aux USA quoique eux aussi  ils ont des contraintes budgétaires…»
Dans une entrevue, Patrick Hivon (qui campe Julien Larouche, frère de Mireille avec qui il entretient des rapports singulièrement tendus) mettait en évidence son état d’épuisement pour l’interprétation de son personnage qui est très tourmenté et hanté par son passé (il dissimule un pesant secret qu’il refoule). Comment avez-vous vécu ce tournage ? :
« Evidemment pas comme Patrick car je n’avais pas le même type de rôle. Mais j’ai commencé par les scènes de vieillissement, c’était très long, très chargé émotionnellement, ma propre mère venait de mourir (dans la série Mado meurt également dans le premier épisode). Pour me vieillir, cela prenait trois heures de maquillage. Je me voyais et je voyais ma mère mourante et c’était très troublant et je trouvais que je lui ressemblais d’une certaine façon. Je voulais être crédible en mourant, il y avait tout ça.
Ces journées-là étaient chargées au niveau de l’atmosphère. La seule référence, la seule fois où j’ai vu quelqu’un mourir, c’était ma mère. J’essayais de reproduire un peu ce qu’elle faisait pour y ajouter de la vérité. C’était un peu troublant. Mais sinon le reste du temps, c’était un vrai bonheur. Et j’avais la chance de jouer avec Xavier aussi. Cela fait des années que l’on se connaît.
C’était un cadeau que l’on se faisait de parcourir plusieurs époques avec ce personnage-là.  On  découvre Mado à la fois mourante puis on revient dans le passé lorsqu’elle a 40 ans, puis à 60 ans ; on la voit évoluer. C’est quelqu’un qui rêve d’une carrière, qui est présente pour sa famille, mais qui en même temps a des aspirations. Elle veut être mairesse, elle veut diriger, elle veut prendre la parole ; c’est un être de conviction aussi. Puis après ça on la voit également, non pas abdiquer mais abandonner certains rêves suite au drame qui survient. C’est un personnage en constante mutation qui a des deuils à faire. Tout cela était très agréable; la palette à jouer était large. Cela ne m’est pas arrivé si souvent de jouer un même personnage sur plusieurs décennies. Ce fut un tournage très heureux et très stimulant pour moi ».
Le processus de vieillissement de votre visage que vous venez d’évoquer nécessitait plusieurs heures de maquillage mais qu’en était-il concernant le rajeunissement ?
« Pour le rajeunissement, il est possible de mettre un éclairage particulier, cela joue ainsi pour beaucoup. En postproduction, ils sont également parvenus à atténuer et à gommer certains traits ; ils ont fait la même chose avec Julie Le Breton et Patrick Hivon puisqu’on les découvre aussi beaucoup plus jeunes tout au long des cinq épisodes de la série et il fallait que cela soit crédible. C’est d’ailleurs très bien fait. Et puis à l’éclairage, il y a André Turpin, le directeur de la photographie, qui est un maître, on a travaillé souvent ensemble sur les projets de Xavier[19]. Il connaît mon visage et il sait comment l’éclairer aussi ».
Il est notoire que le réalisateur choisit toujours avec méticulosité la garde-robe des interprètes parce que c’est la première chose que le spectateur va découvrir à l’écran. « Xavier a le sens du vêtement et sait quoi faire avec, ce qui est très rare chez un cinéaste[20] » soulignait le regretté François Barbeau, une sommité dans le milieu du costume au Québec[21]. Vous portez tout au long des différents épisodes des tenues très élégantes ainsi que différents styles de coiffure et de boucles d’oreilles. Dans une scène du second épisode, lors de la soirée tragique du réveillon de Noël, vous arborez une ravissante robe rouge écarlate. Avez-vous fait beaucoup d’essayage ? Avez-vous émis des suggestions sur vos parures ?
« Xavier est très ouvert et en même temps, il sait ce qu’il veut. Avec mon personnage c’est presque uniquement des confections sur mesure. Xavier avait déjà des idées en tête pour Mado et quand il commence un projet il a toujours un cahier qui est un assemblage de photos et d’annotations pour l’éclairage, le style de cadre et aussi pour les costumes, le maquillage… Il a dessiné des choses et il travaillait également conjointement avec un couturier formidable. Il sait que le rouge me va bien aussi, ça me donne du teint, j’ai un visage très pâle. J’ai beaucoup de choses avec du rouge et c’est justement François Barbeau -il m’a habillé quelque fois pour le théâtre- qui  me disait tout le temps, toi, c’est le rouge.
Il y a une scène dans le troisième épisode de la série où vous êtes dans la voiture avec Mimi (diminutif de Mireille) alors âgée de 14 ans. Vous ramenez à la maison votre fille qui a été exclue de son pensionnat, tenu par des religieuses, pour avoir « fait des choses pas très catholiques[22] ». Vous apparaissez, entre autres, avec un foulard sur la tête, et de longs gants jaunes ; pourquoi un tel style ?
« Mais elle a un style, c’est une femme qui aime s’habiller, qui a du goût ; elle est sûrement plus audacieuse que les femmes de sa génération, elle ose faire des choses. C’est aussi pour montrer sa personnalité, je crois. C’est Xavier qui est arrivé avec ces gants jaunes qui étaient magnifiques, il voulait de la couleur. On adorait tous les deux ces gants. Elle porte aussi un manteau très large qui vole au vent, un foulard et des lunettes fumées ; une apparence qui montrait le raffinement d’une certaine manière de cette femme-là qui vit dans une petite ville (on sait d’ailleurs pas trop où, peut- être en banlieue d’une grande ville) et qui est révélatrice de son caractère. Elle est différente des autres femmes de sa génération. Je trouvais ça juste et bien que l’on parle d’une femme comme ça. Incontestablement, elle est en avance sur son époque ».
Dans le premier épisode, il y a cette  scène magnifique, celle de la fin de vie de Mado (qui fait penser à la célèbre citation de Bossuet : « O Nuit désastreuse ! O nuit effroyable ou retentit tout à coup comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt !  Madame est morte ! [23]»). Plusieurs membres de la famille, dans une atmosphère très silencieuse, sont autour de la mourante mais chacun est un peu dans son coin. Puis il y a  un plan large,  et soudainement le soleil inonde la pièce -c’est presque surnaturel- puis il se retire ; l’orage gronde ensuite accompagné d’éclairs.
Or, et c’est plutôt inattendu, Mado est toujours de ce monde et cela déclenche, à ce moment-là chez elle, un souvenir heureux, une remontée dans le temps (vingt-huit ans plus tôt) où elle surgit à l’écran, jeune et rayonnante de vitalité. On remarque que  pour sa fin de vie Mado n’est accompagnée par aucun appareil médical pour administrer un traitement ; c’est une mort qui apparaît ainsi plus douce.
« C’est souvent ça, on ne veut pas prolonger la vie de quelqu’un qui va mourir  quelque temps plus tard. Il s’agit d’éviter l’agonie. Je ne crois pas que Xavier ait voulu ici envoyer un message particulier, on suppose que Mado a un cancer du poumon. On le découvre à l’écran, elle fume abondement dans les différents périodes de sa vie et on la voit tousser vers la fin. Et on se dit, ah mon dieu, c’était donc ça ! On voit à un moment donné la présence d’une infirmière qui lui donne un calmant, de la morphine sûrement.
Mado est très moralisatrice, elle n’a de cesse de montrer le droit chemin à ses  quatre enfants.
« Elle a certains principes, elle  veut qu’ils parlent bien qu’ils s’expriment bien ;  ils ne l’écoutent pas toujours, parfois c’est un peu raté. Elle est éduquée. J’ai tellement joué de femmes très fortes dans les films de Xavier, des femmes qui n’ont pas eu la chance ou l’opportunité d’étudier très longtemps et de parfaire leur éducation à l’université ; elles avaient du caractère, elles étaient intelligentes mais elles n’avaient pas cette culture, cette langue-là. Avec Xavier on s’est dit que ce serait bien d’aller explorer autre chose et d’en faire quelqu’un de  beaucoup plus raffiné, d’ instruit, quelqu’un qui a lu, qui a une culture et qui fait la promotion de cette culture-là. Si elle a des principes avec ses enfants  elle n’est pas non plus à cheval sur les règles, c’est une mère aimante aussi qui accorde une liberté à ses enfants ».
Quelle était votre relation pendant l’adolescence avec votre propre mère ?
« Ca été houleux et compliqué à certains moments, c’est un passage trouble et douloureux, l’adolescence.  On est entre la petite enfance et l’âge adulte, on veut forcement se libérer de l’autorité parentale, on veut rêver de s’en aller, d’être indépendant.  Mais on s’est bien rattrapé après à l’âge adulte ; ma mère était quelqu’un d’essentiel à ma vie, j’ai beaucoup parlé de mon enfance  et de mon adolescence avec elle par la suite ».
Vous jouez avec Jasmine Lemee (qui incarne Mireille, adolescente). Elle a 15 ans, n’a-t-elle pas été intimidée de donner la réplique à une comédienne aussi expérimentée que vous ?
« Je ne sais pas, il faudrait lui demander à elle. Mais honnêtement nous nous sommes bien entendues toutes les deux et j’étais là lorsqu’elle a passé l’audition avec Xavier, je lui donnais la réplique et le courant passait bien.  Je ne sais pas ce qu’elle a pensé, elle était nerveuse. Mais on est tous nerveux quand on commence un tournage et l’expérience n’a pas grand-chose à voir là-dedans. Il y a une nervosité inhérente au projet, c’est un métier où l’on n’est jamais arrivé nulle part. Le flop n’est jamais loin,  on ne sait pas ».
Dolan a la réputation d’instaurer une ambiance très décontractée et conviviale sur ses plateaux et cherche à mettre à l’aise toute l’équipe. Or dans la série, l’atmosphère portée à l’écran est très anxiogène, très sombre (ce qui n’est d’ailleurs pas commun dans son cinéma).
« Xavier diffuse souvent de la musique et ça c’est fantastique et les blagues fusent également. Mais il sait se contenir aussi lorsqu’il y a de scènes trop lourdes. Il est capable d’alléger le tout mais parfois le plateau devient une espèce de sanctuaire très silencieux. Mais cela peut aussi être très festif aussi.  Xavier est quelqu’un qui est très exigeant, de très rigoureux dans le travail, qui est toujours bien préparé. Même lorsque c’est plus sérieux car les scènes sont plus délicates, on sent toujours que la fête n’est pas loin. Quand il va avoir la bonne prise, il explose de joie  et il est très heureux ; il aime diriger, il aime les acteurs, il aime son équipe, il aime André Turpin, son chef op. Il y a toujours beaucoup  d’amour sur ses plateaux ».
Quelle fut séquence la plus difficile ou la plus délicate  à tourner ? 
C’est peut-être le début, oui la scène de la mort mais je commençais le tournage avec ça. C’était difficile cette mort-là. Et il y a aussi le moment où Xavier qui joue Eliot Larouche, le plus jeune de mes fils, arrive à mon chevet. Je me mets alors à divaguer, je caresse ses cheveux ; c’était étrange de faire ça avec Xavier qui est un ami de presque vingt ans. C’était vraiment bizarre de jouer ça car on sait très bien que cela va arriver, cette scène va arriver un jour, je vais mourir avant lui ».
Dans la série, on distingue trois temporalités (les années 90 et la fameuse nuit d’octobre 91 qui est celle du drame, source d’un traumatisme familial dont les faits précis sont longtemps dissimulés dans un suspense haletant et ainsi sujets à de multiples interprétations ; 2019, la période du décès de Mado et également une dizaine d’années auparavant, une époque où Eliot reçoit son diplôme universitaire. A cette occasion, Mado a organisé une petite fête en son honneur avec ses autres fils et Chantal[24] qui est enceinte de Marie-Soleil (seule Mireille n’est pas présente) et vous entonnez « La Montagne » de Jean Ferrat. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que vous chantez. Ainsi lors des Nuits blanches à Montréal en 2006, vous avez interprété « You Are the Sunshine of My Live » (un titre écrit et composé par Stevie Wonder et qui est sorti en 1972).
« J’ai aussi enregistré un album avec un artiste d’ici, André Gagnon, qui est décédé il y a quelque années (en 2019)   ; c’est  un pianiste qui a fait le tour du monde et qui allait beaucoup au théâtre. Il avait rassemblé plusieurs actrices qu’il aimait et il nous avait demandé de choisir une chanson au hasard et j’avais  retenu et chanté « Mommy, Dady[25] », un titre écrit par Gilles Richer et interprété par Pauline Julien à l’époque. Et cette chanson-là,  on m’a demandé de la  rechanter à quelques reprises ; je l’ai ainsi interprétée aux prix Jutra (récompenses cinématographiques québécoises remplacées en 2017 par les prix Iris). Et puis, André Gagnon avait fait un spectacle à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts à Montréal pour les Francofolies[26], il m’avait alors sollicitée pour la chanter à nouveau et il m’avait m’accompagné au piano. En 2016, un chanteur, Stefie Shock, faisait un album autour de Serge Gainsbourg  et il avait demandé à des actrices et à des chanteuses de sortir un peu de leur zone de confort et de choisir une chanson de Gainsbourg pour la faire en duo avec lui. J’avais opté pour « Je suis venu te dire que je m’en vais » mais au féminin ».
D’aucuns ont parfois reproché à Xavier Dolan l’absence de dimension politique dans certains de ses films (en l’occurrence, « Les Amours Imaginaires »). Dans sa nouvelle production, il glisse plusieurs messages très significatifs dont, entre autres, l’intolérance ainsi que les violences dont fait l’objet la communauté LGBTQ (dès les premières minutes, un jeune gay est abandonné presque nu au pied d’un drapeau arc-en-ciel[27]qui s’enflamme[28]) ; il y a aussi le féminisme affiché et revendiqué de Mado lequel est d’ailleurs raillé par sa fille…  Dans son couple avec Pierre, elle paraît plutôt dominante.
« Les deux sont des adultes, lui (Pierre Larouche incarné par Jacques Lavallée) est capable de s’exprimer aussi. Il y a une scène (dans le quatrième épisode) où Madeleine est assise dans un fauteuil et lit le Devoir (qui est un journal de gauche, très intellectuel) pendant qu’il fait la vaisselle avec son tablier. Ce qui prouve que c’est un homme solide aussi qui n’a pas peur d’être ridicule. Pourquoi une femme se sentirait-elle ridicule de jouer du marteau ou de faire de l’ébénisterie.  Est-ce qu’un homme doit être considéré comme moins viril parce qu’il fait la vaisselle et qu’il met un tablier avec des fleurs, on s’en fout. Non je ne trouve pas qu’elle est dominante, ils sont à égalité, il est fier de sa femme quand elle a des aspirations politiques et qu’elle se lance dans une campagne électorale pour devenir mairesse et il l’encourage. C’est bien la preuve que c’est un couple solide, que c’est un homme fort qui ne veut pas que les femmes demeurent au foyer ».
Au niveau de l’éducation des enfants c’est souvent Mado qui intervient pour les  remontrances ;  Pierre semble plus en retrait.
« Oui, mais il meurt lors du réveillon de Noël, les enfants sont encore jeunes ».
Mado est une femme féministe très engagée, l’une des époques de la série se déroule durant la décennie 90, soit au moment du second référendum sur l’indépendance du Québec (1995) ; Elle tient ouvertement des propos non souverainistes, elle le revendique haut et fort et apporte son soutien à Jean Chrétien (il était Premier ministre du Canada en 1993 et fervent fédéraliste). Et vous Anne Dorval, quelles étaient vos convictions politiques à l’époque sur cette question ?
« J’étais indépendantiste c’est sûr, et je n’étais ainsi pas d’accord sur ce point avec mon personnage. C’est ce qui d’ailleurs me faisait rire, moi, Trudeau père, je ne l’ai pas beaucoup aimé même s’il était d’une grande intelligence[29] … »
Pour vous la notion de « pays[30] » a-t-elle un sens » ?
« Bien sûr car nous avons une culture qui ne ressemble pas au  « rest of the canada ». Quand on parle de deux solitudes c’est vraiment ça et c’est encore ça. Mais je pense que cela ne se fera jamais. Il aurait fallu que ça se fasse à ce moment-là (c’est-à-dire à l’époque des deux référendums de 1980 et de 1995) ;  c’est trop tard j’ai l’impression ».
On relève différents registres de langage dans la série télévisée, votre personnage s’exprime dans une langue très soignée. Mais vous-même au quotidien, vous avez un amour de la langue, vous veillez scrupuleusement à l’emploi du mot juste, une exigence que vous partagez d’ailleurs avec Xavier Dolan.
« Je ne suis pas aussi habile que lui, c’est un bien meilleur communicateur que moi. La langue française est tellement riche, on fait souvent des erreurs et on ne s’en rend même plus compte.  Xavier me reprend parfois et moi également il m’arrive de le reprendre sur des petits détails.  Je reprenais également mes enfants aussi. Je fais encore des erreurs de français et j’aime bien quand on me le fait remarquer ».
La mini-série a fait l’objet d’un doublage en français pour le marché hexagonal. Magalie Lépine-Blondeau (qui incarne le personnage de Chantal) déclara dernièrement à ce propos son malaise dans une interview où elle regrettait vivement l’abandon du vocabulaire québécois : « ça fait partie de la  poésie, du souffle et de la signature de Dolan[31] » ; le journaliste Marc Cassivi dans un article dans le quotidien, La presse, ajouta : « c’est comme si on remplaçait la musique de John Williams dans les films de Lucas ou de Spielberg par du Satie ou du Ravel ou qu’on diffusait les films d’Almodovar en noir et blanc[32] ». Quant au réalisateur, il avait en 2020 estimé que cela le dérangeait « parce que la beauté de la francophonie, c’est sa pluralité et sa diversité » mais qu’il s’agissait « d’un mal nécessaire » et qu’il comprenait, parce que « ça parle très vite et très joual », que pour un public français on puisse offrir une version doublée plutôt que sous-titrée[33]. Quel est votre avis sur cette question ?
« Idéalement à part certaines expressions, je pense qu’il est possible pour les Français de comprendre cette langue-là. Maintenant il faut prendre en compte ceux qui vendent la série en Europe et qui craignent de perdre beaucoup de téléspectateurs. La série a coûté très cher et doit être rentable le plus possible et si le doublage est nécessaire pour la rentabilité alors il faut le faire. Mais dans l’absolu oui je trouve ça dommage parce que plus les Français vont entendre la langue québécoise moins ils auront besoin d’avoir des sous-titres ou un doublage français par-dessus. On reçoit les films français, ici, et c’est souvent en verlan et puis on comprend.  Par exemple : « t’as gerbé sur mon costar », j’ai entendu ça quand j’étais jeune et puis on finit par comprendre. Alors je ne vois pas pourquoi ce serait plus difficile pour les Français de comprendre que pour nous de les comprendre ; ce n’est pas une autre langue, on parle français, ce n’est pas du serbo-croate ou de l’espagnol ….. ».
Vous avez toujours fait part, au cours de multiples entretiens, ces dernières années, de votre terreur de la finitude (vos funérailles sont déjà planifiées et c’est Xavier qui aura la charge de la mise en scène[34]). Vous avez d’ailleurs rédigé un très beau texte sur l’origine et la teneur précise de vos inquiétudes et de vos  angoisses sur la mort qui est inséré dans un ouvrage collectif « A propos de la vie : le sens de la vie selon vingt personnalités » d’André Ducharme, Jean-Yves Girard et Michèle Labrèche-Larouche[35]. La spiritualité ou encore la méditation pourraient-elles vous procurer un apaisement ?
« Peut-être, je ne sais pas, je dois déjà faire de la méditation pour combattre mon insomnie  grandissante. J’ai un tempérament inquiet qui me vient probablement de ma mère aussi qui était une personne anxieuse. Je déteste toutes les morts en fait, je n’aime pas quand les fêtes se finissent ; lorsque j’organise des dîners à la maison avec des amis, je ne veux  pas qu’ils s’en aillent ; je veux arrêter le temps. C’est toujours une douleur pour moi la séparation, se dire au revoir à l’aéroport ; je déteste les départs ».
La mort, selon vous, c’est un passage ou une fin ?
 « C’est une fin, c’est ce que je crois ».
N’avez-vous jamais songé à scénariser, réaliser ou encore faire de la mise en scène ?
« Non, on m’a proposé à un moment donné de faire de la mise en scène au théâtre mais c’est trop de responsabilité pour moi.  Ce que j’apprécie tout particulièrement c’est de creuser profondément mes personnages, observer l’infiniment petit ; donc je ne peux pas être chef d’orchestre et m’occuper de la technique, de la post production, des ventes. Je ne peux pas faire ça, je me sentirai vraiment imposteur et je ne pense pas d’ailleurs que je serai très bonne. J’aime mieux me concentrer sur mon métier, je suis plus à l’aise de cette façon ».
Vous continuez de prêter votre voix pour les doublages de films ?
« Oui  je fais régulièrement du doublage, et l’implication n’est pas la même, j’adore ça[36] ». 
Vous avez incarné (du 17 janvier au 11 février 2023) la célèbre comédienne[37]  d’origine espagnole, Maria Casarès[38] (dans la pièce de Dany Boudreault, « Je t’écris au milieu d’un bel orage » avec une mise en scène de Maxime Carbonneau) ; c’est un retour sur les planches, après une interruption de 12 ans. Vous avez dans différentes entrevues indiqué avoir beaucoup hésité à retourner au théâtre.
« Oui  le personnage est en or, le texte est magnifique mais j’avais peur de mourir de tract. Je pensais au soir de la première et j’avais peur de mourir. J’avais joué la dernière fois sur les planches, Andromaque de Racine, au théâtre L’Espace Go à Montréal en 2011,  une œuvre en alexandrins, c’était un bon stress ; cela avait d’ailleurs été terrorisant sur les premières générant une anxiété qui ne m’avait plus quittée au fil des représentations. Je m’étais dit si je reviens en plus au Théâtre du Nouveau Monde (TNM)  la plus grosse institution théâtrale de Montréal, ce sera encore plus ardu. Ce sont des grosses premières au TNM.
C’est une grande salle[39] et puis on était seulement deux acteurs, Steve Gagnon qui incarnait l’écrivain Albert Camus  et moi-même ; à deux, faire le TNM, douze ans après ma dernière prestation sur les planches, je me disais, je risque de mourir. J’ai refusé dans un premier temps mais ils insistèrent beaucoup. Et puis nous nous sommes tous rencontrés, l’auteur, l’acteur et le metteur en scène, on a vu qu’il y avait une fusion possible entre nous, un bonheur d’être ensemble. Et c’est à ce moment-là que j’ai dit oui parce que ces gens-là me stimulaient et j’avais tout simplement envie de travailler avec eux ».
Etes-vous une actrice accomplie qui n’a plus rien à prouver ?
« Ah non !  Jamais de la vie. C’est vrai, c’est plus facile parce que  les gens  me connaissent et on va m’offrir des rôles. Mais j’attends toujours des bons rôles et ça ne se présente pas tout le temps. Mais j’aurais toujours quelque chose à prouver sinon à moi-même, chercher à  pas refaire la même chose deux fois de suite, de pas tomber dans des tics. Quoiqu’on fasse comme métier dans la vie, on n’est jamais arrivé nulle part. On passe une vie à apprendre, il faut s’améliorer et s’élever le plus possible. Ce n’est pas juste chez les artistes, c’est chez tout le monde. Le plombier doit vouloir devenir le meilleur plombier …. ».

 

Notes

[1]  Sept saisons entre  1989 et 1996.

[2] Trois saisons entre 2005 et 2007.

[3] Huit saisons entre 2008 et 2016.

[4] Deux saisons entre 2012 et 2013.

[5] Une œuvre que l’actrice fit découvrir à Xavier Dolan et que ce dernier adapta ensuite sur le grand écran en 2016.

[6] Il réunit habituellement autour de  quatre millions de téléspectateurs.

[7]  Anne Dorval participa au « Bye bye » 2016, 2017 et  2018.

[8]  C’est-à-dire qui manque de goût et de raffinement.

[9] Master class avec Xavier Dolan (animé par Pascal Mérigeau), Paris, 5 octobre 2014.

[10] www.lebleudumiroir.fr/entrwww.lebleudumiroir.fr/entretien-avec-xavier-dolanetien-avec-xavier-dolan -1ere-partie, 2 octobre 2014.

[11]  Objet de fantasme de ses deux amis, Marie (Monia Chokri) et Francis (Xavier Dolan).

[12] Anne Laguë, « Xavier Dolan s’illustre avec Mommy », www.lapresse.ca, 12 mars 2015.

[13] Éditions Minuit, 2017.

[14] Soit un ensemble de 865 lettres échangées entre les deux amants entre 1944 et 1959. Editions Gallimard, novembre 2017, 1312 p.

[15] Dans une interview en 2014, Anne Dorval disait aimer de l’automne, la pluie, les odeurs et les couleurs. C’est le printemps qui la déprime, Josée Larivée, « Rencontre avec Anne Dorval », www.coupdepouce.com, 14 août 2014.

[16] Ce groupe de musique pop écossaise a été créé dans les années 80 et était composé de trois membres (Paul Buchanan, Robert Bell et Paul Joseph Moore).

[17] Anne Dorval a reçu de nombreuses distinctions tout au long de sa riche carrière. Parmi celles-ci : le prix Jutra de la meilleure actrice dans «J’ai tué ma mère » et dans « Mommy » ; le Bayard d’or de la meilleure comédienne du Festival international du film francophone de Namur dans « j’ai tué ma mère » et  dans « Mommy ».

[18] Editions Théâtrales, octobre 2021.

[19] André Turpin était directeur de la photographie sur les films de Dolan où jouait Anne Dorval (« Mommy » ; « Matthias et Maxime »).

[20] Audrey Bourgey, « François Barbeau, passionné de costumes », ici.radio-canada.ca, 22 octobre 2012.

[21] Il est décédé en 2016.

[22] En fait, elle a eu une relation sexuelle dans une cabane au fond des bois, la nuit, avec un  adolescent.

[23] Bossuet, Oraison funèbre d’Henriette d’Angleterre, 21 août 1670.

[24] Chantal est l’épouse de Julien, le fils aîné de la famille Larouche.

[25]  Cette mélodie qui ressemble à une berceuse est bien connue de la francophonie canadienne ; elle évoque  l’identité culturelle et la langue au Québec à travers un dialogue entre un enfant et ses parents.

[26] 25 juillet 2002, spectacle d’ouverture, Une histoire de famille, André Gagnon sur scène avec 26 musiciens, www.francosmontréal.com, Archives des spectacles.

[27] Symbole de la diversité des orientations sexuelles.

[28] Plus tard dans les épisodes suivants est évoquée l’agression homophobe d’un adolescent.

[29] Pierre Trudeau, Premier ministre canadien (de 1968 à 1979 et de 1980 à 1984) était un farouche défenseur d’un gouvernement fédéral fort devant les revendications nationalistes et le séparatisme québécois ; son intervention personnelle a eu un impact non négligeable sur le référendum de 1980 au Québec.

[30] La notion de « pays » renvoie à l’idée de nation qui se gouverne elle-même, pour elle-même, selon ses propres valeurs, sa propre culture, ses propres lois tant à l’interne qu’à l’externe…

[31] Entrevue avec la comédienne, Magalie Lépine Blondeau, Tout peut arriver, ici-radio-canada.ca, 29  janvier 2023.

[32] Marc Cassivi, « Que les Français se déniaisent », www.lapresse.ca, 14 février 2023.

[33] Richard  Therrien, « La série de Xavier Dolan prend forme »,  www.lequotidien.com,24 novembre 2020.

[34]  Entretien avec J-Yves Girard, www.chatelaine.com, 14 avril 2015.

[35] Les Éditions la Presse, 21 avril 2015, 252 p.

[36] Elle a été la voix, dans de multiples productions, de Sharon Stone, Robin Wright, Lucy Liu, Kristin Scott Thomas…

[37] Dans « Les Enfants du Paradis » de Marcel Carné (1945), elle était Nathalie amoureuse de Baptiste  (Jean-Louis Barrault) lui-même épris de Garance (Arletty).

[38] 1922-1996.

[39] Elle peut accueillir jusqu’à 832 spectateurs.

Poésie Trois-RivièreLe Pois Penché

Laurent Beurdeley est Maitre de conférences à l’Université de Reims, ses travaux de recherches portent sur le Maghreb, les sexualités et les questions de genre (il a notamment publié, « Le Maroc, un royaume en ébullition, éditions Non Lieu). Passionné de cinéma, il a esquissé un portrait de Xavier Dolan (« L’indomptable », éditions du Cram, 2019) et rédige des chroniques de films.