La méthode expérimentale consiste à vérifier des hypothèses en reproduisant des phénomènes dont on fait varier les paramètres ; or, Dieu n’est pas un phénomène.
Newton (1642-1727) rejette les tourbillons d’éther de Descartes et, contrairement à More, élabore dans un premier temps une théorie où la gravitation universelle se transmet instantanément d’un corps à l’autre. Mais il finit par trouver illogique « qu’un corps puisse agir sur un autre à distance au travers du vide, sans médiation d’autre chose par quoi et à travers quoi leur action et leur force puissent être communiquées de l’un à l’autre ». Il en vient donc à concevoir une sorte d’éther emplissant l’espace et pénétrant les corps solides, un esprit subtil par l’action duquel les particules des corps s’attirent mutuellement. Cet éther répond aux fortes contraintes du transport de la gravitation universelle sans être toutefois soumis aux mêmes principes que la matière ordinaire, doté qu’il était d’un rôle actif assimilé à l’intervention divine (comme si l’espace était une sorte d’organe sensoriel de Dieu). Cet éther avait évidemment le statut d’hypothèse et n’intervenait pas dans les calculs. Il était le même que celui qui transmet la lumière et dont les oscillations étaient à l’origine des couleurs. Depuis Descartes, on supposait que, comme les sons dans l’air ou les ondes à la surface d’un milieu liquide, la lumière se propageait dans un éther indétectable (puisqu’il ne freine aucun corps) et qui remplit l’Univers (puisque la lumière des étoiles nous parvient).
Jusqu’à la fin du 19e siècle, des physiciens élaborent des théories à propos d’un éther envisagé comme un fluide, ou un « milieu physique », pouvant diffuser la lumière (considérée comme une onde), mais sans arriver à rendre compte de tous les phénomènes observés ni à mettre en évidence les propriétés d’un tel éther. En plus de la transmission de la force gravitationnelle et du transport de la lumière, on attribuera à celui-ci la fonction de transporter le courant électromagnétique et de créer des charges électriques dans certains corps ainsi que la force répulsive autour de ceux-ci expliquant les phénomènes gazeux. Ampère (1775-1836) parle d’un éther universel impondérable composé de deux électricités de signes opposés (+ & –). Pour rendre compte de la polarisation, cette propriété qu’ont les vibrations des ondes d’avoir une orientation particulière, Fresnel (1788-1827) parle d’un éther solide et d’un éther élastique dont les vibrations formeraient la lumière. Au début du 20e siècle, l’expérience de Michelson-Morley sur l’optique des corps en mouvement (consistant à mesurer la vitesse de la Terre par rapport à l’éther) n’arrive pas à soutenir les théories alors envisagées. En effet, contrairement à ce qu’on pensait, elle a conduit à la conclusion que l’éther n’entraîne aucune variation de la vitesse de la lumière. Henri Poincaré (1854-1912) écrit alors : « Peu nous importe que l’éther existe réellement, c’est l’affaire des métaphysiciens ; l’essentiel pour nous c’est que tout se passe comme s’il existait et que cette hypothèse est commode pour l’explication des phénomènes. (…) Un jour viendra sans doute où l’éther sera rejeté comme inutile. »
En 1905, la théorie de la relativité restreinte d’Einstein (1879-1955) va entraîner une modification du concept d’éther, mais sans le faire disparaître. Ne s’appliquant d’abord qu’aux objets en mouvement uniforme, sans accélération, elle établit que la vitesse de la lumière est constante, soit à 299, 792, 458 mètres par seconde. Étrangement, la mesure de la vitesse de la lumière donne en effet toujours le même résultat, que l’observateur soit en mouvement ou non, qu’il se dirige à toute vitesse vers le Soleil ou qu’il s’en éloigne. De plus, une équivalence est constatée entre la matière et l’énergie selon la célèbre formule « E=MC2 » (l’énergie (E) est égale à la masse (M) multipliée par la vitesse de la lumière au carré (C2)). Dans certaines circonstances, comme dans une réaction nucléaire, une masse peut se transformer en énergie. En plus de la longueur, de la largeur et de la profondeur, la relativité restreinte considère le temps comme une quatrième dimension. Comme la vitesse de la lumière est constante, c’est étonnamment le temps qui varie : il peut se « contracter » ou se « dilater », il peut être mesuré comme étant plus rapide ou plus lent à un endroit ou à un autre. Incidemment, il ne faut pas confondre le « temps relatif » einsteinien (qui est objectivement mesurable) et le « temps subjectif » (qui est une affaire de perception : les expériences pénibles pouvant donner l’impression que « le temps est long » et, à l’inverse, que « le temps passe vite » lors d’expériences agréables).
En 1915, Einstein présente sa théorie de la relativité générale qui inclut cette fois les objets en accélération ainsi que la gravitation. Elle montre que toute masse vient courber l’espace autour d’elle en formant des « géodésiques de l’espace-temps » qui impliquent des champs de force (dans le présent contexte, une géodésique est le chemin le plus court entre deux points dans un espace). Plus une masse est grande, plus elle déforme l’espace. À titre d’analogie, un matelas sur lequel est assis un petit enfant peut être suffisamment déformé pour qu’une bille qu’on y dépose roule vers lui. Si un adulte de bonne taille s’assoit près de l’enfant, le matelas sera encore plus déformé et l’enfant pourrait « chuter » vers le nouveau venu ainsi que la bille. C’est de cette manière que les étoiles attirent les planètes et que les planètes, à leurs tours, attirent des lunes et d’autres corps célestes. Par une sorte d’équilibre des champs de force, ils peuvent orbiter, comme c’est le cas de notre Lune et, de nos jours, de nombreux satellites artificiels. Les objets qui se déplacent dans l’espace gravitent donc conformément aux « géodésiques de l’espace-temps » formées par les masses en présence. Chaque corps modifie l’espace en créant sa propre géométrie et la somme de ces géométries compose l’ensemble de l’espace.
Après une période de polémiques, Einstein a finalement reconnu que la théorie de la relativité générale implique d’accorder des propriétés physiques à l’espace (l’énergie du vide et des champs de force). Dans un célèbre discours prononcé en 1920, il déclare en substance que l’espace, même dépourvu de matière, ne peut être considéré comme totalement vide et que le principe de la relativité restreinte n’implique pas de rejeter toute existence à l’éther.
Robert Clavet, PhD LaMetropole.Com
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