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Introduction à la philosophie spirituelle. (Texte no. 13)

La formule de la philosophie du spirituel. La formule de la philosophie du spirituel.

Pendant près de deux siècles, deux conceptions sur la nature de la lumière avaient été confrontées : la théorie ondulatoire de Huygens et la théorie corpusculaire de Newton. Étant donné que la lumière peut créer des interférences (comme des vagues sur l’eau), les physiciens du 19e siècle avaient privilégié la théorie ondulatoire. Mais Einstein montra que l’effet photoélectrique (par exemple celui des panneaux solaires) ne peut s’expliquer que si la lumière est aussi formée de corpuscules minuscules et sans masse appelés « photons ». Nous savons maintenant que toutes les sources de lumière proviennent de photons émis par les électrons des atomes. Lorsqu’un atome est excité (par exemple par l’effet d’une grande chaleur), ses électrons deviennent instables et peuvent revenir spontanément à un état stable en émettant un photon. Dans le cas d’un panneau solaire, des photons provenant du Soleil frappent des atomes de silicium, les bousculent et leur arrachent leurs électrons, qui sont aussitôt récupérés par des fils sous forme de courant électrique. En plus d’être un phénomène ondulatoire, la lumière est donc aussi une réalité corpusculaire. Des physiciens se sont alors demandé si les électrons (considérés jusqu’alors comme des particules) n’étaient pas aussi des ondes. « L’expérience des fentes » de Young allait en donner la preuve, avant que de Broglie (1892-1987) n’étende cette conclusion à toutes les particules. Cette expérience consiste, à l’aide d’un canon à électrons (faisant penser au tube cathodique des anciennes télévisions), à faire bondir des électrons de manière que certains de ceux-ci passent à travers une plaque métallique pourvue de deux petites fentes très rapprochées, et se rendent jusqu’à un écran où ils frappent des atomes. Ces derniers émettent en retour une lumière apparaissant à l’écran sous forme de lignes vertes parallèles dont le caractère défini trahit une interférence, donc un effet ondulatoire. Toutefois, si l’une des deux fentes est obstruée, il n’apparaît plus alors qu’une grosse tache uniforme de lumière verte sans figure définie. Il faut en effet que les deux fentes soient ouvertes pour produire une figure d’interférence.

Comme les premiers tubes utilisés dans l’expérience de Young produisaient des milliards d’électrons par seconde, c’était suffisant en énergie pour produire une interférence. Lorsque, plus tard, on utilisa des canons spécialisés pouvant envoyer des électrons un par un, plus rien n’apparut, du moins à première vue. On plaça alors une plaque photographique (comme celle des anciens appareils photo) en face de l’écran et, au fur et à mesure, une forme finit par apparaître. Étonnamment, même si les électrons ne passent qu’un par un, seule une grosse tache blanche floue sur fond noir apparaît lorsque l’une des deux fentes est fermée, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’interférence. Mais lorsque les deux fentes sont ouvertes, on voit apparaître une figure d’interférence provoquée pourtant par un seul électron ! La seule explication possible, aussi incroyable soit-elle, c’est que chacun des électrons passe par les deux fentes à la fois, dans un mélange ou une superposition de deux états ondulatoires, et interfère avec lui-même. C’est la naissance de la théorie quantique. Celle-ci apportera une explication nouvelle à tous les phénomènes ayant lieu à l’échelle microscopique. Sans elle, nous n’aurions pas de circuits intégrés, d’ordinateurs, de panneaux solaires, de centrales nucléaires, de lasers, etc. La théorie quantique a aussi permis de réaliser que, étant de nature ondulatoire, les particules et les ensembles de particules de tout ce qui est matériel peuvent se trouver dans plusieurs états ondulatoires superposés, et sont ainsi susceptibles d’interférer avec eux-mêmes. On l’a prouvé aujourd’hui avec des électrons, des atomes et même de petites molécules. Contrairement à ce qu’on enseignait encore au Secondaire dans les cours scientifiques des années 60, les électrons autour d’un atome n’ont pas de position définie et forment plutôt une sorte de nuage autour du noyau, sans qu’il soit possible de déterminer leurs positions spécifiques à un moment donné. Ceux-ci sont en effet à tous les endroits à la fois, mais avec des probabilités de présence définies. On ne parle donc plus de « position » ou de « mesure de mouvement » à propos d’une particule, mais de « probabilité de présence », et de densité pour les ensembles. Grâce à de savantes équations, ces probabilités sont calculables. C’est ce caractère mesurable ou quantifiable qui est à l’origine du mot « quantique ».

En faisant se heurter des particules, certains physiciens peuvent aujourd’hui provoquer à volonté des superpositions d’états et calculer les amplitudes de probabilité de présence au voisinage des nouveaux ensembles; c’est la « fonction d‘onde » (psi : Ψ). On parle alors de l’état quantique d’une ou de plusieurs particules. Étant donné que, dans l’expérience des fentes, un seul électron peut passer par deux ouvertures à la fois, le photon ainsi émis en frappant l’écran devrait théoriquement imprégner la plaque photographique en deux points, mais on n’en observe qu’un seul. Étonnamment, tout acte d’observation provoque la réduction de la « fonction d’onde » en un seul point. De plus, dès qu’on cherche à observer la trajectoire de l’électron, l’interférence n’apparaît pas. Force est d’admettre que le fait d’observer modifie ce qui est perçu. Jung, incidemment, va bientôt proposer une vision révolutionnaire des fondements de la conscience et du psychisme humain. Mais, pour l’instant, notons que cet étrange phénomène se produit aussi lorsqu’on fait une mesure de la position : on trouve une valeur bien définie, mais l’interférence disparaît. Par l’action de mesurer, on perturbe toutes les probabilités instantanément et on les réduit à zéro sauf en un seul point. L’observateur ne voit donc qu’un aspect de la réalité, même s’il est indissociable d’un autre. En essayant de connaître la position d’un électron (en lui envoyant un photon à un endroit précis par exemple), l’onde s’étale, si bien qu’on ne peut mesurer ni sa position ni sa direction. Si on essaie de mesurer sa vitesse, il faut enregistrer son temps de passage entre deux points, mais cela est impossible puisqu’on ignore sa direction. De plus, avec des lasers, il est possible de placer le nuage électronique qui entoure un atome dans un état doublement excité. Cet atome émet alors deux photons d’un seul coup, dans deux directions opposées. Ces photons sont alors corrélés. En fait, il s’agit de deux « images » d’un même photon qui partagent la même fonction d’onde. On parle alors de photons intriqués. Étrangement, les mesures que l’on fait sur un photon intriqué conditionnent instantanément l’état de l’autre, comme s’il n’y en avait qu’un seul. Nous avons déjà noté qu’en cherchant à connaître la vitesse d’un photon, nous ne connaissons alors qu’imparfaitement sa position. En fait, les seules choses qu’il soit possible de mesurer sont sa fréquence (qui est proportionnelle à son énergie) et sa polarisation (son orientation). Un filtre polarisant est formé d’une myriade de petites rainures parallèles qui ne laissent passer que les photons qui vibrent dans le même sens. À supposé que celui-ci soit vertical, un second filtre orienté horizontalement pourrait être positionné derrière et bloquer presque tous les photons (c’est le principe des lunettes de soleil polarisantes). Juste avant la mesure, le photon est dans un état superposé « horizontal et vertical » avec des facteurs qui donnent la probabilité de le trouver dans l’un ou l’autre état. Dans le cas de photons corrélés, ou intriqués, les polarisations des deux photons sont toujours identiques : si l’un est vertical ou horizontal, l’autre l’est aussi. À des moments différents, on peut par exemple d’abord mesurer l’intensité de la polarisation horizontale du premier photon puis l’intensité de polarisation verticale du second ; mais lorsque l’un des deux est polarisé verticalement ou horizontalement, l’autre l’est aussi, et la mesure de polarisation inverse donne toujours zéro. Il est impossible de mesurer les polarisations dans les deux sens en même temps. Étrangement, c’est comme si, dès que l’on trouve que l’un des deux photons est vertical ou horizontal, l’autre acquérait instantanément la même polarisation, quelle que soit la distance entre les deux appareils de mesure !

En physique, « quantum » (du latin quantus « combien grand » ; quanta, au pluriel) représente la plus petite mesure indivisible, que ce soit celle de l’énergie, de la quantité de mouvement ou de la masse. Les photons sont des quantités élémentaires d’énergie, des quantas de rayonnement électromagnétique échangés lors de l’absorption ou de l’émission de lumière par la matière, allant des ondes radio aux rayons gamma en passant par la lumière visible. En théorie quantique des champs, le photon est la particule médiatrice de l’interaction électromagnétique : lorsque deux particules chargées électriquement interagissent, cette interaction se traduit, d’un point de vue quantique, comme un échange de photons. Le mot « photon » signifie « lumière » en grec ancien. En 1865, James Clerk Maxwell avait défini la lumière comme une onde électromagnétique, et choisi la lettre « c » pour symboliser sa vitesse de déplacement. En 1900, Max Planck (1858-1947) découvre la constante « h », qui équivaut au seuil d’énergie minimum que l’on puisse mesurer sur une particule élémentaire. En 1925, en utilisant la constante (h) ainsi que la fonction d’onde (Ψ) (qui fixe la valeur de l’onde en tout point de l’espace-temps sous forme d’amplitude de probabilité de présence), Schrödinger (1887-1961) élabore une équation permettant de décrire toutes les particules atomiques, tous les atomes et toutes les molécules. Les amplitudes des molécules interfèrent en s’ajoutant et se retranchant comme des vagues sur la mer. L’équation de Schrödinger permet, dans une perspective quantique, de fixer la probabilité qu’un électron soit ici ou là, possède telle ou telle énergie, soit dans tel ou tel état. Les particules présentent encore d’autres caractéristiques surprenantes. Par exemple, étant donné que les photons ont une masse nulle, ils devraient par conséquent avoir 0 comme énergie, mais ils en ont une quand même. Celle-ci vient du « spin », causé par leur rotation sur eux-mêmes, comme des toupies. Toutes les particules ont un spin, c’est-à-dire une énergie découlant de leur rotation sur elles-mêmes. Le spin est en effet une des propriétés internes des particules, au même titre que la masse ou la charge électrique, dont la mesure est soumise au principe d’incertitude et s’exprime sous forme de probabilités. Le spin est aussi un vecteur, en ce sens qu’il pointe dans le sens de l’axe de rotation. On pourrait par exemple imaginer le spin d’un proton (particule à charge élémentaire positive) comme une flèche simple issue de son centre dont la longueur est proportionnelle à la vitesse de rotation, et la direction à celle de l’axe de cette rotation. Les valeurs représentant l’énergie du spin sont des multiples en nombre entier (nombre rond, sans décimale) de la constante (h).

Vraiment, la nature ne se réduit pas à ce qu’avait prévu la mécanique classique de Newton, qui se limitait à l’étude approfondie des corps au repos et à celle de leurs trajectoires en fonction des forces s’exerçant sur eux. Le monde quantique va encore étonner par son étrangeté, et amener plusieurs à se poser certaines grandes questions fondamentales.

Photo principale :  L’équation de Schrödinger

Robert Clavet    LaMetropole.Com

Docteur en philosophie. Il a enseigné dans plusieurs universités et cégeps du Québec. En plus d’être conférencier, il a notamment publié un ouvrage sur la pensée de Nicolas Berdiaeff, un essai intitulé « Pour une philosophie spirituelle occidentale », ainsi que deux ouvrages didactiques.