Un doux voyage. Origami. Compositions d’Anthony Rozankovic. Louise Bessette, piano. Compositions d’Anthony Rozankovic. ATMA classique. Par Christophe Rodriguez
C’est le 22 février 2024 que sera officiellement lancée cette nouveauté qui réunit deux importantes «pointures » de la scène musicale montréalaise. Pour éviter tout conflit d’intérêt et annoncer mes couleurs, le pianiste/compositeur/chef d’orchestre Antony Rozankovic est un ami de longue date. Au-delà de mon admiration pour ses talents de pianiste qui vont du légendaire Erroll Garner à Jean-Sébastien Bach, l’ami Rozankovic est un composteur de séries télévisées tel Mayday, et plus encore de musiques de films ou courts-métrages : Le coeur d’Auschwitz, Avenue Zéro, Les discrètes, Comme un caillou dans ma botte, sans oublier sa participation à La symphonie portuaire.
Pianiste/compositeur/chef d’orchestre Antony Rozankovic
Est-ce la modestie, je pense, mais certainement pas le manque de moyens. Il a donc confié à la pianiste montréalaise couronnée Louise Bessette (Prix du gouverneur général en 20 19), grande interprète d’Olivier Messaien, prix Opus en 2021, sans oublier des concerts aux quatre coins de la planète.
Comme il est indiqué dans les notes du livret, nous sommes en présence de « pages choisies du journal musical (1995-2022) du compositeur. Son Origami à deux sens. Celui de petits bouts de papier que l’on plie et déplie, et Origami qui se rapporte au camp de concentration d’Auschwitz, dont le réalisateur Carl Leblanc en concevra un émouvant documentaire.
Sans l’univers du compositeur, nous sommes toujours en présence d’une double thématique. Ouvrons donc ce voyage avec Andalousie Running Shoes. Composé par Tirso de Molina pour illustrer l’histoire du Don Juan de Molière, Anthony Rozakovic y a glissé « les shoes » qui fut créée lors des funérailles de son père Josip, cordonnier de métier. Dans certains cas dansante, parfois émouvante, cette œuvre colorée nous rappelle le travail des pianistes/compositeurs : Issac Albeniz, Ernesto Lecueno , Joaquim Turina. Porté toute en finesse par la pianiste qui joue sur les couleurs et occasionnellement sur les silences d’une vie passée, notre périple s’inscrit dans le mode tendresse.
Sujet, on ne peut plus douloureux que celui des camps de concentration qui ont décimé plus de 6 millions de juifs. En filigrane, le compositeur nous raconte la vie de Fania qui a eu 20 ans à Auschwitz en 1944. Lentement, nous nous laissons pousser par la beauté sonore, le charme intimiste, et ne l’oublions pas, le talent incommensurable de la pianiste Louise Bessette.
Pendant la pandémie, le monde fut mis en pause ainsi que les composteurs. Spécialement écrite pour la pianiste, La jungle jongle fut créée en 2021 lors d’un concert à la salle Bourgie. C’est une œuvre profonde qui évoque autant le travail des hommes de jazz : Thelonious Monk, Duke Ellington, Randy Weston, que la puissance incantatoire d’un Henri Dutilleux et je songe à Shadows of Time. Pendant neuf minutes et des poussières, l’interprète jongle avec les errances de tout un chacun, pendant ces jours troublés où l’espace-temps se résumait aux pièces de notre appartement.
Maintenant, c’est à vous de jouer. Encourageons nos créateurs d’ici.
Photo principale : Anthony Rozankovic
La Métropole
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