Ranee Lee, lumineuse dans son spectacle Dark Divas. Par Rachael Sirois
C’était là. Ce moment parfait dont tous les artistes rêvent, mais dont ils ne sont jamais témoins, car seul le public peut être témoin. Alors que Ranee Lee baignait dans une pluie de lumière violette sur la scène du Théâtre Centaure pour présenter son spectacle soigneusement sélectionné, Dark Divas. Je ne l’ai pas seulement vu, mais j’ai aussi profondément ressenti son moment magique, car je suis certain qu’elle a été emportée par sa perfection elle aussi. Ne serait-ce que pour le temps qu’il faut pour soupirer.
Vêtue d’une robe bleue royale, avec de longues perles élégantes et des talons argentés étincelants qui feraient l’envie de Judy Garland, l’indice de réfraction du joyau de la couronne des divas montréalaises était à un niveau très élevé alors qu’elle livrait soigneusement, mais résolument, une ballade de Sarah Vaughan dans la deuxième partie de son spectacle, et qu’elle éblouissait aussi brillamment qu’un diamant rare peut le faire. Dans ces quelques instants, tout est apparu — des décennies de performance, d’éducation, de discipline et l’histoire d’amour intime qu’elle entretient avec son art.
Je suis sûr que Ranee Lee a connu plus d’un moment magique au cours de sa longue carrière internationale. Cependant, ce concert a dû être ressenti comme un moment de grande ascension en tant qu’artiste. Non seulement elle a offert une performance auréolée, mais elle a également écrit et produit ce spectacle qui s’est déroulé à guichets fermés. Avec générosité, elle nous a accueillis dans son sanctuaire intérieur en exposant ses peintures colorées dans le salon d’entracte. Actrice mature et ravissante, elle est une comédienne naturelle qui a immédiatement pris le public dans la paume de sa main. Vétéran des vaudevilles, elle a dansé, folâtré avec douceur et s’est faufilée dans nos cœurs aux côtés d’un orchestre de la royauté du jazz montréalais, dirigé par le chef d’orchestre Ron DiLauro (trompette, bugle). Ils étaient accompagnés de leurs collègues musiciens ; John Sadowy (piano), Dave Watts (contrebasse), André Leroux (saxophone), Muhammad Abdul Al-Khabyre (trombone), Carlos Jimenez (guitare), et Guillaume Pilote (percussion).
Le spectacle Dark Divas rend hommage aux légendes de Billie Holiday, Lena Horne, Sarah Vaughan, Ella Fitzgerald, Dinah Washington, Pearl Bailey et Josephine Baker. Des femmes qui ont fait le bonheur de plusieurs générations grâce à leur talent et à leur travail acharné, salles de spectacle à guichet fermé de tous les continents et ouvrant la voie aux artistes féminines internationales d’aujourd’hui. J’ai eu l’impression que Ranee Lee avait le devoir de rendre hommage à ces héroïnes musicales du passé qui l’ont inspirée et élevée, et de briller le plus possible en leur nom. Enfin, cette œuvre, c’était une offrande de gratitude, et elle a été très généreuse. Qu’il s’agisse de chansons françaises imprégnées d’amour pour Paris, enregistrées par Joséphine Baker, ou d’une interprétation classique de Stormy Weather par la grande Lena Horn, elle nous a captivés et fait voyager avec elle dans le grand train musical de sa vie, jusqu’à ce qu’elle nous laisse descendre à la gare avec son final, Yesterday When I was Young.
On dit que l’intégrité du messager est aussi importante que le message lui-même. Ranee Lee est d’abord une ambassadrice d’exception. À ce titre, Mme Lee a reçu l’Ordre du Canada en 2007. Elle est récipiendaire d’un prix Juno et le Jazz Report Magazine lui a décerné à deux reprises le titre de meilleure chanteuse de jazz canadienne. Elle est également une universitaire douée et a fait partie du corps professoral de l’Université de Laval à Québec et de l’École de musique Schulich de McGill, où elle a reçu un prix pour sa contribution au développement du programme de jazz de McGill. Comme si cela ne suffisait pas, en 2022, le Festival international de jazz de Montréal lui a décerné le prix Oscar Peterson. Malheureusement, il n’y a pas assez d’elle pour tout le monde. Elle n’a présenté que deux spectacles à la mi-décembre 2022 et il faudra voir ce qui attend cette production musicale intemporelle. Une tournée nationale, voire internationale ? Personne ne le sait encore, mais une chose est certaine, Mme Lee, cette artiste exemplaire, saura exactement quand sélectionner son moment. En attendant, continuez à rayonner sur nous, Ranee. Votre lumière émane de votre talent généreusement partagé.
Collaboration spéciale : Rachael Sirois