Soir de pleine lune. J’avais envie d’écrire sur le sentiment que me donne Garder le feu. On s’est parlé au téléphone, avant son départ au Mexique pour aller chercher un prix. Il a pris le temps de me parler. Cette année 2022 où il est devenu l’éditeur que tout le monde rêve d’avoir. Garder le feu a été écrit en 2001. Il s’agit d’une réédition. Je découvre un poète avec une fenêtre ouverte sur un ciel libre.
La voix du poète monte
Tant de créativité. Une ouverture. Une ivresse. Une symphonie pastorale.
Encore, te revoir le fond des yeux pour y lire autre chose
Que le choix du vent un instant de tempête en tête
De passage une pensée se dépose sur la pointe des pieds
Sur un papier interdit, je nous peins d’un bleu patience. ( p. 26 )
Le jeune poète rêveur avec le désir d’aimer. Il y a le miroitement du cuir. Cette exploration dans la nuit. Despatie fera allusion à L’aura de nos souvenirs (p. 28) ou à cette idée (proche de Prévert.) Je reviens en oiseau saisir de nuit ton onirique fuite. (p. 29) L’ ivresse des mots. L’amoureux au milieu d’un flot de paroles. La poésie de l’auteur ouvre les portes de la jeunesse éternelle. Je m’arrête pour regarder la lune immense. J’accueille ton livre comme une prière.
La parole aimante
Les fragments tombent comme une pluie d’été. Je lis ce passage ( je souligne )
Mille oiseaux crient dans un bruissement de bois vert
Ensemble la solitude brûle par l’effet simple
Des regards miroirs. ( p. 57 )
J’entends ta parole aimante. Celle qui fait vivre et revivre les étoiles, les fleurs, le concert intime de la vie. J’ai pensé à Rilke. C’est plus fort que moi.
Viens juste après le crépuscule
Vois le vert vespéral des pelouses (…)
Nos espoirs neufs (…)
Encore mélangé à la ténèbre intérieure. (1 )
Tes poèmes ont habité mon cœur dans la nuit du 7 septembre 2022. Tu es un surdoué de la parole. Tu as réussi à garder le feu brûlant au fond de moi.
Note
1.Rainer Maria Rilke, Nouveaux poèmes suivi de Requiem. Éditions du Seuil, 1972.
Stéphane Despatie, Garder le feu. Éditions Mains Libres 2022.
Yves Préfontaine, L’antre du poète
Une préface de onze pages signée Pierre Ouellet pour expliquer l’auteur et l’œuvre. Un livre oublié dans la sphère. Il parle de l’excès du poète comme chez Rimbaud, Lautréamont et Artaud.
Il est important de ré–éditer ces auteurs, autrices, je pense à Paul Chamberland et Hélène Dorion. Pour moi, Préfontaine, c’est Etre-Aimer-Tuer (2001 ). L’auteur a créé une ontologie personnelle. Il parle du monde, de la planète. La dévastation du monde. L’explication orphique de la terre ( Mallarmé ). Des aphorismes, des fragments sur la mémoire humaine.
Quelques fragments :
Aux racines obscures de ton être, la source, sinon entière, du moins le désir, plus loin, de la perpétuer, malgré la mort au bout du cri (p.28). Nu comme un cri, goûtant à peine au sable, des larmes internes, il creuse, avec toute lumière, les torches incertaines des mots, pour toute présence, la pulsation de son sang, des mots et des mondes. Et s’incarne le silence. (p. 34 )
L’alchimiste des mots
Préfontaine est un auteur, un poète, un anthropologue, il veut comprendre sa destinée. Il chevauche sur plusieurs angles. Il pourrait, à la limite, se substituer au monde des dieux (Chamberland ). Une pensée hédoniste, une subjectivité radicale. Aux antipodes de son époque, un écrivain rebelle.
Voici un extrait que j’ai particulièrement aimé : J’affirme cette chose incroyable. Le soleil a mis du sang sur les feuilles. Le soleil a glissé en moi par les yeux et je mets du sang partout à travers l’automne qui s’incendie de lui-même. ll est debout, le soleil, là-bas, tout près des lieux où la ténèbre débute en un délirant rougeoiement. Or je me tiens entre deux piliers d’or, flottant dans la joie des flaques pourpres et furieuses. ( p. 46 ).
Yves Préfontaine, L’antre du poème suivi de Archipoème et de Carnet de veille. Dirigé et préfacé par Pierre Ouellet Illustrations de Christine Palmiéri. Ce livre est paru en 1960 aux Éditions Bien public.