Louise Dupré, Exercices de joie. Par Ricardo Langlois
On écrit à partir d’une expérience personnelle. (1)
Louise Dupré, j’aimerais vous dire que je crois à la Lumière et à la joie. Je suis en paix avec ce que je suis, avec mon écriture. Je suis dans un éternel reflux. J’habite aussi les feux de la nuit. Votre livre est un souffle puissant sur tout ce que j’ai lu cette année. Depuis le 27 octobre que je lis et souligne des passages. Je suis complètement habité par vos exercices de joie.
La révolution
Je suis au seuil d’une perspective. J’apprends dans les reflets simples. Illuminer une prose. Comme un élan, une vérité, un chant. En dehors de la poésie, il y a cette nuit que j’ai habitée (trop longtemps). Je tourne chacune des pages avec soin. Je suis dans le métro, dans un café, dans mon lit, partout, je lis et relis. Et tu te mets à fredonner la voix nue comme une blancheur au réveil, tu ignores d’où ça te revient, de quels souvenirs, de quelles colombes au plumage embrasé, ça t’arrive sans que tu t’y attendes, ça t’arrache à la nuit fantôme. (p. 37)
Cette joie ?
Quand je vous lis, j’entends cette voix-confiance, ce chant-abandon que je suis seul à entendre (2). Le mot joie qui fait de l’écho jusque dans mes années universitaires (1994-1997). Donner un sens à la joie, est-ce une épreuve insurmontable (p. 50). Comment apaiser l’angoisse dans cette vie moderne. Écrire la joie est la seule manière de vivre pour moi. Je pense que l’écrivain (poète) ne doit pas suivre le courant. Je suis homme et poète (je ne suis pas un écrivain gai). Pour moi, je suis un être humain à part entière. Les théories esthétiques, non. Je crois à la vie, le don de soi. J’ai souligné cette phrase : « Tu te demandes comment, dans tes volontés dernières, tracer la spirale de la joie. » (p. 88)
La dimension poétique
Il y a des passages qui sont difficiles. Je pense à ceci : « Tu croyais sans croire. Tu priais sans prier. Tu chantais la folie de vivre. Tu étais entrée dans la communauté des femmes qui, depuis le premier verger, avaient croqué dans la pomme afin de résister à la disparition. » (p. 112). Vous le dites : la joie n’est pas un Éden (Idem). Il y a eu le combat des femmes, le combat des gays, le mutisme de l’enfance, l’adolescence sans repère. On pourrait évoquer l’angle essentiellement formel, et juger de la valeur subversive du langage. Le jugement ou l’étoile. (p.114)
Il faut voir la dimension poétique au sens large : les femmes, à travers le temps, les rêves et la Lumière. L’autrice fait un travail remarquable, presque ésotérique. Elle citera Une robe de lumière d’Anne Hébert, évoquant du même coup le mystère de la foi à la toute fin du livre. Nous possédons tous plus ou moins une volonté qui provoque en nous ces mouvements capables de créer notre propre vie, notre propre joie.
La nuit du 28 octobre
Durant un moment d’insomnie, je relie ce passage souligné en rouge : » Tu auras repris ta liberté. Tu confondras devoir, joie et destin. » (p. 116) Les amalgames arrivent. Je pense à Denise Desautels, ça me paraît logique. Vos destinées. La formule poétique qui a du sens. Le questionnement perpétuel, le désenchantement, Propos contre propos dans la pénombre. (3) Je cite Desautels : « Où se trouve le haut. Le bas. On a beau faire attention, en vérité des fois tout est renversé. Même les bords. Le cœur. Même la joie a saveur de naufrage. » (4).
Écrire dans le pur effet de l’image analogique. C’est un travail d’écriture remarquable, je le répète. C’est le cœur d’une femme, dans sa solitude, dans sa poésie généalogique, cherchant sans cesse cette joie dans une continuité fusionnelle qui lui est propre. On passe de l’orageux au lumineux comme un frôlement sur l’âme. C’est un livre que je porte comme un tablier d’or, (5) un guide d’amour et de prévention pour l’avenir de nos enfants.
Notes
Boréal Compact.
Louise Dupré, Exercices de joie. Noroît 2022.