Hélène Dorion, Ravir : les lieux… Par Ricardo Langlois
Lire Hélène Dorion est pour moi une expérience spirituelle. Je vous parle d’une expérience devant une poétesse authentique. Une vision du monde d’une grande sensibilité qui parle au cœur, à l’âme. Un trajet avec des émotions, un pathos, une enfance. Une éthique révolutionnaire dans un monde qui oublie l’Histoire, la Nature, le mouvement du Monde.
La lumière des mots
Je me suis laissé emporter par les merveilleux poèmes (paru entre 2005 et 2008 ). Cette réédition est un cadeau du ciel. De belles heures d’insomnies. On parle de voyage intérieur, quelques fragments :
« D’ici bouge la lumière. Regarde
Le vide autour sur l’épaule
Éparpillé parmi les fenêtres (p. 31 )
Les mots reprennent leurs cours, je
Ne suis nulle part, en même temps
Je tourne comme jadis
Tournaient les oiseaux, et une fois
Pour toujours » (p. 39 )
« Un enfant sur une balançoire
Construit des rêves, la tête pleine
De mondes qu’il verra s’effondrer » (p. 52 )
J’aime lire, découvrir cette vie intérieure menée en toute liberté. Comme Emily Dickinson, Madame Dorion n’est d’aucune époque. Jamais elle ne se conforme à la modernité. Elle joue avec les cercles sans bilan ou profits. C’est une poésie nécessaire et exigeante. « Écrire, c’est avant tout transposer dans la langue une vision, inventer et réinterpréter inlassablement le monde, créer des possibles dans ce regard dans ce noyau de temps qui nous est donné » (1 ) Dans cette époque nihiliste, il doit bien y avoir une manière d’expliquer l’invisible, le mystère en dessous, l’économie du doute. Christian Bobin disait qu’il est presque impossible de se faire « un manteau de lumière et d’amour dans cette vie » (2 )
« Nous venons d’un monde irréparable – luttes
Inutiles, fragment d’os qui plongent
Plongent au centre du puits ou se terrent
Les rêves
Et les mondes se nourrissent
Les uns les autres. Comment
L’ignorer si longtemps? » (p. 61)
Une vision du monde
Il s’agit d’expliquer le monde. Au-delà des images, casser l’image en deux pour y faire entrer la parole. « Peut-être pour exprimer une scène primitive de l’humanité, l’expression de sa finitude, le fondement du Logos » (3
« Terre. – Et le ciel
Révèle une pierre
Remplie d’azur
Au large se débat-elle » (p. 72 )
« Nuit, – Et l’ombre révèle
Le reflet, pur miroir
Des années qui dérivent
Derrière tes yeux- Pourquoi
Tant de ciels
Dévalent devant ta bouche » (p. 80 )
Il y a tant à dire. « Le poème comme respiration de l’invisible au sein du monde » (4 ). Depuis que je suis un adolescent que je me perds dans la forêt des livres. Pour apprendre mes rêves, mes désirs, mes prières, mes conversations avec Dieu. Mais, il y a également un amour irréductible de la vie et du mouvement, une joie secrète et intuitive comme un écho a une nourriture spirituelle.
Le hublot des heures
Ce livre « Ravir :les lieux », est suivi de « Le hublot des heures ». Une œuvre audacieuse.
« La lumière dévie constamment la route.
Tu ne connais jamais le monde » (p. 136 )
À chacun de vos livres, chère Hélène, je suis toujours bouleversé. De grands moments lyriques (un peu comme Jacques Brault ). Un vocabulaire recherché, une cosmogonie signifiante, une relation personnelle aux années-lumières. Un écosystème qui n’appartient qu’à vous. J’accumule des morceaux de Lumière. Cette écriture n’appartient à personne. Vous avez compris la logique insondable du cœur.
Note
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Hélène Dorion, « Sous l’arche du temps », Essai, Typo.
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Christian Bobin, je cite de mémoire.
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Pierre Ouellet, « Ombres convives », Éditions du Noroit
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Hélène Dorion, « Sous l’arche du temps ».