Daniel Leblanc-Poirier, Labyrinthe tonkinois. Par Ricardo Langlois
L’amour, l’amour. Des surgissements de la grâce. C’est la loi fondamentale qui nous permet de survivre. Surtout pour le poète. Surtout pour l’auteur natif du Nouveau-Brunswick et vivant à Montréal. Pour moi, en lisant DLP, j’ai pensé à Leonard Cohen. Ses valses noires. Ses contours. Ses chutes dans une relation amoureuse. Il est un poète unique. C’est la gravité de l’amour.
Poésie surréaliste
J’y vais avec quelques perles. Cette lecture sur un fil d’or et d’un même souffle: « Au ciel le soleil se juche entre le nord et l’aube loin au sommet de ta chevelure tu retires ta broche je devine aucentre-ville des ruelles où le crépuscule a cautérisé ses plaies, mais tu marches sur des œufs toi ma belle »(p. 11)
« Nous mangeons des soupes de laine d’acier
Penchés sur notre bol de fleurs écrasées
Le jour est disponible comme d’habitude
Mais nous choisissons de rester au lit
Allongés dans des draps de métal
Fondu »(p. 22)
La poésie est liée à la gravité de nos vies. Comment vivre avec nos brèches intérieures? Les images se bousculent à chaque, poème qui se lit comme un roman d’apprentissage. Il faut prendre le temps d’explorer la cosmologie du poète. Les amants sont seuls au monde. L’homme, la femme, le désir. Le Feu amoureux qui fait un ancrage précis. Presque flâneur baudelairien ou à mi-chemin sur la légèreté quasi mystique et temporel de Kurt Cobain. Je dis à l’auteur, c’est un beau compliment que je fais à ta poésie.
Amoureux fou
Le narrateur DLP est un amoureux fou comme Cohen. (1) Le théâtre lyrique est partout dans ce livre. Je suis un flâneur, un séducteur. Un kamasutra mystique pour l’Être aimé.
« J’aime les bruits que tu fais quand tu manges
Ta soupe comme si tu coupais un arbre
Une chain saw qui m’entame et ta façon de te
Pencher de me regarder par-dessus ta cuillère »(p. 28 )
Depuis l’Éden
Depuis l’Éden, nous cherchons notre destin. On construit une sorte de plan divin pour nous élever dans l’Amour. L’amour est un brasier qui ne s’éteint jamais. Souviens-toi de « Heart-Shaped Box »de Nirvana. Cobain dépeint son amoureuse Courtney Love comme celle qui l’emprisonne dans une boîte en forme de cœur. (2) Je l’avoue, j’ai eu des préjugés sur ta poésie, mais j’ai réfléchi sur certains passages inattendus. J’ai craqué au bout de deux jours: « Je suis ici mon amour sous un ciel de méthamphétamineà chercher les chiens entre les jambes de la perdition (…) je veux juste trouver mon chemin au milieu de tes jambes et manger une soupe phö. » (p. 35 )
Puis, c’est la déroute. 25 ans plus tard à trente-neuf ans:« Boucherville s’étale depuis l’époque de la soupe phö. »(p. 56). Le réveil est brutal. L’amour écorche parfois. Ce livre est magnifique.
Note
1. Leonard Cohen, « The flame ». Points 2020. J’ai pensé à un poème du 17 mai 2000. P. 206.
2. Kurt Cobain, « Heart-Shaped Box ». Analysées et décortiquées dans les moindres détails, les paroles font évidemment allusion à l’héroïne, décrite comme un piège à goudron. Mais aussi une charge contre Courtney Love. La fameuse boîte est une représentation symbolique de l’utérus (extrait de l’album In Utero ).
Daniel Leblanc-Poirier est écrivain, auteur-compositeur et technicien en génie civil. Il a publié plusieurs recueils de poésie. « Mélasse »a obtenu le prix Félix-Leclerc. Il est l’auteur de quatre romans. Il est chroniqueur à« L’effet Pogonat »sur ICI Musique.
Daniel Leblanc-Poirier, « Labyrinthe tonkinois »Les Mains Libres 2023.