Jean-François Beauchemin, Le vent léger. Par Ricardo Langlois
Beauchemin est un écrivain particulier. Il représente la vérité garantie par son seul sens… Elle est appuyée directement par la réalité objective du cœur (1). J’aime la délicatesse de l’auteur. L’ampleur de son âme à chacun des chapitres. C’est 1971 avec une famille de six enfants qui vivent à la campagne. La mère est malade, mais il y a ces enfants plutôt introspectifs qui nous transportent. Ceux qui ont vécu leur enfance dans les années 70 vont adorer ce livre. Moi, le premier.
Il est où le bonheur ?
J’ai commencé par le chapitre 20, mon frère m’a dit lit ça:
Parfois, dans l’atelier, papa écoutait ce slow magnifique, Night in White Satin, des Moody Blues, et il se mettait à pleurer. Ensuite, il se mouchait puis il disait : la vie est une splendeur. Et alors il allait puiser sur l’étagère son exemplaire tout écorné des Fleurs du mal.
Ici, c’est un exemple de la beauté, de cette quête qui traverse une époque inoubliable. Nous sommes loin des années 2000 : l’égocentrisme, l’indifférence, la norme woke. Traverser l’histoire, le temps, à la manière d’un poète qui construit son œuvre sur les vestiges d’un passé inoubliable.
Roman philosophique
Avec sa belle plume, le narrateur parle avec affection de son père : Résister au cynisme, cette maladie des gens fatiguée de vivre, résister à l’insignifiance ambiante, au découragement, à l’argent qui dévore tout, à la violence et surtout au chagrin (p. 35 ). Le narrateur insiste sur son papa qui a appris de maman. Il aimait la vie, même si la vie le faisait pleurer. C’était un être singulier, spectaculaire de jeunesse (p. 97 ). Il faut à tout prix donner du sens à la vie. Durant les années 2000, la démocratisation du développement personnel, la philosophie comme sagesse, la conscience écologique. Les gens sont indignés sur tout et sur rien. Nous sommes loin de l’époque où je travaillais pour le parti québécois ou quand Harmonium me berçait avant de dormir. Diderot disait : Il n’y a qu’un seul devoir : se rendre heureux. Je pense que le bonheur se mérite. Moi, j’ai été heureux à 75% de ma vie.
Lennon, Sartre et Baudelaire
Je ne veux pas vous citer tout le livre au complet. Je tiens à souligner ce passage sur John Lennon : Nous nous rassemblions au tour du pick-up, écoutions puis réécoutions Imagine. La langue anglaise n’était pas notre fort, mais comment le dirais-je, sans pour autant être des devins, nous comprenions ce qu’il y avait (au-dessus) de ces mots la. (p.115 )
À l’âge de 15 ans, le narrateur découvre L’être et le Néant de Jean-Paul Sartre. Son véritable éveil spirituel. L’intelligence, la sensibilité, ça ne suffit pas. Rêveur, cet attrait pour les gens, les bêtes et les paysages, n’était-ce pas suffisant pour cet adolescent aux portes du destin? Le beau visage de sa mère lui rappelle celui de Françoise Hardy (p.139 ). Cela et d’autres beaux moments inexplicables dont les plus beaux vers de Charles Baudelaire.
Comment ne pas aimer ces petites anecdotes comme une quête profonde à la vie. Un vaste poème d’une seule voix, d’une seule métaphore. Un miroitement presque ludique sur le sens de la vie. Ce vent léger qui fait jouir la Conscience. La littérature de Beauchemin est intimiste et nous console sur le calme apparent d’un monde qui s’éloigne dans un mur d’incompréhension. C’est un livre qui me parle, qui me remet au monde. Le bonheur dans la simplicité, l’amour altruiste, une spiritualité sous-jacente, l’enfance. C’est de toute beauté. Tout lumineux comme son auteur (2 ).
Note
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Pierre Vadeboncoeur, Essai sur une pensée heureuse, Boréal, 1989.
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Suite à un message vocal, le 21 août 2023, l’auteur m’a envoyé en cadeau son livre de poésie Avant de naître.