Le béton, y’a, que ça de bon! Par Christophe Rodriguez
Les corps sur la neige par Stéphane Ledien, Robert Laffont , Québec, 420 p
Professeur de littérature au Cégep de Sainte-Foy avec ses collègues Jacques Côté et Steve Laflamme, Stéphane Ledien a planché quatre ans sur cette saga. J’imagine très bien le nombre de rencontres qu’il a dû avoir avec certains policiers du crime organisé ou ceux et celles qui furent partie prenante de la Commission Charbonneau en 2012.
Sachant que la mémoire est fugace, rappelez vous de ce roman feuilleton télévisé qui avait pour sujet la corruption à Montréal, le monde interlope, et plus encore, les octrois de contrats frauduleux et d’enveloppes matelassées de beaux billets, quand ils étaient question de couler du ciment, faire des trottoirs ou régenter des zones d’influences. Nous avons découvert la pugnace juge France Charbonneau et la procureure aussi tenace : Sonia Lebel. Pis encore, des «inconnus» liés plus ou moins au crime organisé ou à certains cartels ne se souvenaient plus de rien ou avaient de très gros trous de mémoire volontaires !
Nettoyage en règle
Comme les us et coutumes de certains soumissionnaires étaient connus, l’auteur a décidé de «pousser le bouchon». Moins intéressé par les transactions que les méthodes, il nous offre un roman policier dans le plus pur sens du terme, efficace, et redoutable de réalité, avec quelques ajouts qui pimenteront l’action au fil des chapitres. Tout démarre avec la disparition brutale d’un porteur de contrats entre deux camions, puis celle d’un scribe français du Journal Le Monde qui s’avérera être un agent double ou des services secrets. Rarement autant vu à Montréal, une telle hécatombe qui est loin de vouloir s’arrêter. Vous allez effectuer aussi la connaissance de Riley, journaliste du New York Times qui a changé son nom parce que son père, longtemps auparavant, a fait tomber quelques pontes de la pègre new-yorkaise.
Et bien entendu, un ministre italien influent qui en mène large avec des accointances douteuses, deux parrains montréalais qui vont finir par s’occire, non sans avoir opéré le ménage autour d’eux. Et puis, Martin Thériaux, poseur de toitures dans la région de Québec qui devient la cible des maffieux. Allez savoir pourquoi, jusqu’au jour où nous apprendrons qu’il fut en quelque sorte «mercenaire» pour l’État français. De chapitre en chapitre, l’action se précise, les rôles se font plus denses ainsi que cruels, comme la belle Ana, tueuse à gages qui s’en sortira, espérons-le.
Un roman à suspense/tiroirs ancré dans le sol montréalais autant que celui de Québec, avec parfois des personnages attachants et ce sens du récit qui vous colle à votre fauteuil.
Opération réussie, brillamment menée, Stéphane Ledien n’a pas travaillé pour rien.
À rencontrer au Salon du livre de Québec
Photo principale : Stéphane Ledien