À même le ciel une traversée plus lente

Lyne Richard, À même le ciel une traversée plus lente. Par Ricardo Langlois

Ce livre de Lyne Richard nous amène à une vraie méditation sur la lumière. Le titre de son livre est évocateur. « Parce qu’il existe la flamme d’une joie » (p. 14). Une esthétique sur le Temps se manifeste. Ce sont des tableaux sur le passage du temps. L’autrice écrit une joie lente. Un parcours de vie. Son écriture a un pouvoir. Les mots traversent le corps et l’Esprit.

Des images fortes

« L’éphémère te tient

Serrée contre une armoire

Courbe ta main sur le fruit

Pèle un passage dans la gorge

La vie replie les champs

Une peur trop vive » (p. 16)

Comment sortir de l’enfance dans le vermeil de la chair? La vie est un long apprentissage. Je me laisse entraîner à cette architecture du désir. La sculpture de Soi (la catharsis, le tragique) fait sens. De nombreux poèmes qui sont des passages, des initiations. Cette marche vers quelque chose qui appartient au Royaume.

Valéry parlait d’un équilibre admirable et fort délicat entre la force sensuelle et la forme intellectuelle du langage (1 ).

« Tu ne remues rien

Qui pourrait découdre le jour

De cette morsure d’avant

Tout a été noyé

Dans les cérémonies du dimanche

Il fut un temps où tu habitais

Les sacrements du corps

La grande marche vers l’absolu » (p. 32)

Une grande ouverture totale

J’ai traîné votre livre jusqu’au fond de la nuit. Madame Richard, j’apprends à vous connaître. Votre poésie qui avance dans une spirale. Une grande ouverture totale sur l’Être. La poésie comme chemin de transfiguration. Enténébrée, l’autrice habite l’espace-temps. Un rien gigantesque à ébruiter le silence.

« La volonté d’appartenir aux ténèbres

Jetait ton nom dans la défaite

Tu sabotais le réel

Enserrais la maison contre toi

L’insupportable blessure d’amour

Tournait en rond avec ses lames » (p.39 )

Sous le lien du temps

Cette quête, c’est avant tout, comment survivre à nous-mêmes, à la société, à la vie, à la mort.. Je pense à la géométrie des ombres. À la projection créatrice. Être attentif à l’imaginaire de vérité. (Malraux )

Trop d’obscurité, comme trop de lumière, aveugle. Nous sommes saturés d’images sans pudeur. Les images sont fortes : « une chanson d’amour échouait dans le verbe mourir » (p. 47). J’ai pensé au poète français Guy Goffette lorsqu’il parle « du grand corps mélancolique du ciel qui roule obstiné » (2).

Je lisais les deux livres en parallèle. Elle revient à sa quête. Dans la souffrance de quelques lambeaux. On n’y peut rien. Jusqu’à la fin du monde, nous décryptons la vie. Elle écrit sa vulnérabilité le pathos poétique ). Ce livre est beau, précieux et d’une grande humanité.

Note

Fernand Ouellet, « En forme de trajet », Édition du Noroit, 1996.
Guy Goffette, « Un manteau de fortune », NRF Gallimard 2014.

Lyne Richard est née à Québec, ville dans laquelle, elle habite encore aujourd’hui. Elle consacre la majeure partie de son temps à la création d’œuvres littéraires et visuelles. Elle a publié des recueils de poèmes et de nouvelles, des romans, en plus de collaborer à près d’une soixantaine de collectifs. En 2022, elle a été lauréate du Prix de création littéraire de la Ville de Québec et du SILQ – catégorie littérature adulte, pour son œuvre Prismacolor no 325.

Lyne Richard, « À même le ciel une traversée plus lente », Hamac poésie 2024.