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Ah là là Pina Pina…

Une photo en noir et blanc d'une femme écrivant à un bureau, capturant l'essence de son mouvement gracieux et de son expression artistique contemporaine. Une photo en noir et blanc d'une femme écrivant à un bureau, capturant l'essence de son mouvement gracieux et de son expression artistique contemporaine.

Ah là Pina Pina… Par Aline Apostolska
Dans le cadre de sa 25e saison anniversaire, pour la première fois depuis 2014 Danse Danse a réussi à ramener le fabuleux et mythique Tanztheater Wuppertal Pina Bausch avec une non moins fabuleuse et mythique œuvre PalermoPalermo.

Et alors, voilà : plus de trente ans après, avec d’autres interprètes, avec un contexte très différent, malgré l’absence de Pina Bausch décédée en 2009, l’œuvre, sa puissance, sa folie, son impact n’ont pas pris une ride, au contraire. Millésimée, l’œuvre confirmée sa place parmi les œuvres chorégraphiques majeures, fabuleuses et mythiques. Pour tout dire, éternelles. Il fallait la revoir pour le confirmer.

Quand était-ce don’ la première fois que j’ai vu PalermoPalermo dans sa version toute fraîchement finie ? Sans doute au Théâtre de la Ville à Paris. J’étais journaliste de danse depuis une dizaine d’années déjà. Peut-être en 1990… La pièce a été créée en décembre 1989 au TeatroBlondo de Palerme où Pina Bausch et sa compagnie se trouvaient justement en résidence de création. Pina Bausch était là, créant une œuvre inspirée par la ville, l’énergie, l’histoire et les excès de Palerme, capitale de la Sicile, quand soudain, comme le monde entier, elle a vu tomber le mur de Berlin qui depuis trente ans balafrait son pays, l’Allemagne. Impossible de ne pas y faire écho, alors elle imagine cette ouverture célèbre : faire tomber un mur sur scène, dans un fracas poussiéreux sous les yeux et les tympans écarquillés des spectateurs.

Les ruines des murs de certitude

La pièce se déroule dès lors dans les décombres de ce mur qui sont les décombres de tant d’autres choses, celles de l’humanité elle-même, ou plutôt, de toutes les certitudes successives de l’humanité. Certitudes, dogmes, autoritarismes, absolutismes et autres conventions qui se veulent sérieuses, raisonnables et éternelles, même destin, même prétention loufoque, mêmes illusions, même poussière prévisible… Une vision du monde, de l’humanité et des puissants sans merci ni concession, avec la lucide finesse acerbe et extravagante signée Pina Bausch.

Une signature unique faite d’un incroyable enchaînement de scènes incroyablement enchaînées, oh là là on ne sait plus où donner de la tête, des oreilles (une trame sonore sublime, originale, mémorable), des yeux, des histoires (toutes écrites par Pina Bausch). Un grand groupe d’interprètes, une trentaine, danseurs, acrobates, musiciens, comédiens bluffants, où dominent très nettement, magistralement les femmes, lancés dans un défi sans concessions. Une gestuelle de bras dressés, lancés, projetés, tournoyants, à l’envergure ample, rappelant les ailes des aigles, et les bras de Pina Bausch elle-même.

Palermo Palermo

Palermo Palermo créé en 1989 à Palerme

Essentielles ces femmes longilignes aux longs cheveux lâches, toujours, dans des robes vintage très féminines portées avec des escarpins, toujours, le tout venu de brocantes que l’on aimerait connaître aussi, le goût pour une typologie féminine esthétiquement immédiatement reconnaissable, à laquelle répond une typologie masculine tout aussi immuable, costume pantalon, veste, chemise, mocassins sur chaussettes fines. Une découpe années 40 pour elles comme pour eux, le comble de l’élégance, une élégance pour le coup très genrée, aux antipodes des tendances d’aujourd’hui…

C’est une expérience qu’il faut avoir vécue, et dont on met pas mal de temps avant de comprendre, éventuellement, ce que l’on a vécu. Ce que l’on en a compris, ou plutôt, car c’est plus important, ce que l’on en a ressenti, quel impact cela a eu en nous.

Palermo Palermo

Voir un spectacle de Pina Bausch, c’est comme vivre un déplacement de nos plaques tectoniques intérieures, au long de lignes de faille à répliques de longue portée. C’est vrai de toutes ses pièces, mais Palermo Palermo restera emblématique.

Pina Bausch

Ay madre di dio Palermo Palermo ! Ah là là Pina Pina !

Sur Pina Bausch et sa compagnie  https://www.pinabausch.org

Palermo Palermo  le film https://www.pinabausch.org/de/post/palermo-film

Photo principale :  Pina Bausch

Parisienne devenue Montréalaise en 1999, Aline Apostolska est journaliste culturelle ( Radio-Canada, La Presse… ) et romancière, passionnée par la découverte des autres et de l’ailleurs (Crédit photo: Martin Moreira). http://www.alineapostolska.com

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