REVIVISCENCE (Écrits de jeunesse revisités.) (Texte no. 6)

Une représentation visuelle des étapes du modèle soi, mettant en vedette une version révisée des Écrits de jeunesse aux côtés du Texte no. 6. Une représentation visuelle des étapes du modèle soi, mettant en vedette une version révisée des Écrits de jeunesse aux côtés du Texte no. 6.
REVIVISCENCE (Écrits de jeunesse revisités.) (Texte no. 6).  Par Robert Clavet
LE SOI, LE MOI, LA PERSONA, L’OMBRE, L’ANIMUS ET L’ANIMA
Il y a une sorte de totalité mystérieuse que Jung appelle le Soi. Conformément à plusieurs traditions spirituelles, nous pourrions dire que le Soi est l’image du Divin en l’être humain. Le Divin est parfait : toute puissance, toute lumière et tout amour. Selon l’état de conscience de chacun, le Moi peut manifester la présence du Divin, mais de façon parcellaire et imparfaite. C’est parce que nous sommes reliés au Divin que nous sommes dotés de la conscience de soi, du langage articulé et de la capacité d’établir une échelle des valeurs dans la lumière intuitive du beau, du bien (et cela indépendamment du fait que nous puissions être incapables d’être à la hauteur des valeurs reconnues). Selon la tradition chrétienne, bien que nous ayons conservé l’image, nous avons perdu la ressemblance. Comme un souffle, il peut émerger des profondeurs du Soi un puissant désir d’infini, mais, compte tenu des limites de la conscience et la part de l’instinct, celui-ci est la plupart du temps perçu seulement comme un désir de vivre. Cela peut renforcer la tendance du Moi à vouloir bien paraître devant des personnes significatives et devant la société en général. La persona est l’image que quelqu’un se fait de lui-même et qu’il tente de faire valoir aux autres, mais qu’il n’est pas en réalité. En provenance du latin, le mot « persona » désigne le masque que portaient les acteurs de théâtre dans l’Antiquité. En cherchant à porter un masque, le Moi s’identifie par exemple aux diplômes, à la profession, au rôle social ou encore aux titres honorifiques. Plus généralement, la persona est simplement ce à quoi l’on s’identifie par rapport au monde extérieur : gentille fille, gentil garçon, célibataire recherché, bon père ou bonne mère de famille, etc. Tôt ou tard, en l’absence d’une conscience suffisante de sa réalité profonde, le mirage de la persona peut ne plus suffire et un état de souffrance mentale peut s’ensuivre et éventuellement favoriser un élargissement de la conscience. Il suffit d’un revers social ou d’une grande épreuve pour que le masque tombe et que, perturbé par des forces jusqu’alors inconscientes, vienne la question cruciale : « Qui suis-je sans ce masque? » Peut aussi émerger cette question fondamentale : « Quel est le rôle spécifique de l’être humain dans l’économie cosmique ? »
Émerveillé devant l’effort prodigieux que représente l’accès de l’être humain à la conscience, Jung explique que l’émergence hors de l’indifférencié est relativement récente et que l’évolution de la conscience est graduelle et permanente. Il pense aussi que les êtres humains sont connectés par un ensemble d’expériences et d’images archétypales qui proviennent d’un inconscient collectif. Il propose que l’être humain puisse tendre vers la totalité de sa personnalité, vers le Soi, en intégrant les aspects inconscients de son psychisme comme l’Anima, l’Animus et l’Ombre. Prendre conscience de son Ombre, c’est reconnaître l’existence des aspects sombres de sa personnalité. Quiconque prend simultanément conscience de sa lumière et de son Ombre peut alors trouver un juste milieu propre à équilibrer sa personnalité. Enfoui sous le seuil de la conscience, fait partie de l’Ombre tout ce que nous avons refoulé, par exemple par crainte d’être rejetés par des personnes significatives ou dépréciés par les gens de notre milieu. Pour se montrer gentil, polis et corrects nous avons dû refouler ce qui pouvait paraître honteux ou répréhensible. Par besoin de reconnaissance, nous avons camouflé ce qui semblait déplaire ou choquer. L’Ombre fait penser à un monde souterrain fait de répressions et de refoulements retenant une énergie psychique qui, à la manière de certains volcans, demeure toujours active. Celle-ci peut surgir à tout moment et altérer le comportement soit négativement en provoquant des souffrances mentales et des débordements incontrôlés, soit positivement comme source de vitalité et de créativité. Pour atteindre l’épanouissement le plus complet de sa personne, il est important de prendre conscience des éléments occultés de son être et de se les réapproprier dans une perspective d’équilibre psychologique et de restauration de son pouvoir de création. Afin de se réaliser au mieux comme personne humaine, d’accéder aux richesses du Soi, il faut aussi accueillir et équilibrer son Anima (sa symbolique femme intérieure avec son émotivité et sa sensibilité inégalement présente chez tout le monde) et son Animus (son symbolique homme intérieur avec sa force, son courage et son initiative inégalement présent chez tout le monde). Tout ceci réintroduit en un contexte nouveau le célèbre précepte inscrit au portail du temple de Delphes : « Connais-toi toi-même ».          
Robert Clavet

Mains LibresPoésie Trois-Rivière

Docteur en philosophie. Il a enseigné dans plusieurs universités et cégeps du Québec. En plus d’être conférencier, il a notamment publié un ouvrage sur la pensée de Nicolas Berdiaeff, un essai intitulé « Pour une philosophie spirituelle occidentale », ainsi que deux ouvrages didactiques.