Jacques Gauthier, Le refrain des heures. Par Ricardo Langlois
« Le refrain des heures » est une œuvre multiforme. Dès le début, on parle du « Jour naissant ». Il y aura la période hippie, son regard ontologique à la vie spirituelle. Une quête qui revient sans cesse dans son œuvre. Il faut lire aussi « Un matin » (1), un poème-prière, une expérience toute personnelle. L’ancien moine, père de quatre enfants, propose son parcours personnel. Le temps perdu retrouvé.
Comment trouver Dieu?
Jacques Gauthier raconte comment il a trouvé Dieu. Quelques jours, quelques heures, quelques vies. Le secret : apprendre dans le silence du cœur (Bobin), mais surtout, attendre. C’est mon expérience.
Quelques fragments :
Que de nuits à te désirer
Avant le baiser de l’aurore
Que de printemps à te guetter
Avant le cri de ta présence. (p. 17)
T’attendre dans l’assise
La parole au verger
Où tu te faisais chair (p. 24)
Le poète est professeur de pastorale. Il écrit régulièrement dans le « Prions en église ». À travers sa poésie, il y a cette petite musique reconnaissable. Comment parler de Dieu quand les écrans sont omniprésents? Chercher Dieu dans trop de ciels? Par le mythe? Tôt ou tard, il se manifestera. Vous serez dans les ténèbres (dans la sauvagerie postmoderne). On vous parlera d’énergie positive.
« Qui es-tu en cette vie
Y a-t-il quelqu’un ici
Où vas-tu dans la nuit
Oiseau de paradis » (p. 61)
C’est le temps d’un Dieu unique. Je repense aux sacrifices de mes parents et grands-parents. Leurs prières discrètes. C’est un don. Le Réel n’est jamais séparé du Sacré. Bobin l’avait bien compris. « Je veux passer ma vie à lire des poèmes en attendant que le grand Poète me cueille.» (2)
Le miracle
Souvent, le matin, je demande à Dieu un miracle. Juste un petit. Et ça arrive. J’entends les fleurs qui poussent, le chant lointain de l’oiseau ou la voix proche d’un enfant qui crie. Il n’y a pas deux grains de sable semblables, il n’y a pas non plus deux êtres humains qui pensent de la même manière. Je sais peu de choses du destin. Je veux connaître tout de cette vie. J’ai la chance de fréquenter des amis(es) qui ont entre 22 et 92 ans. J’apprends à rêver avec eux d’un monde meilleur. Le dernier poème est « Toi » (p.97). Qui es-tu? Quel sera ton rôle dans ma vie?
« L’âme se réveille à ton toucher
Souveraine dans sa pureté
Rien ne bouge à la surface
Tout bouge en profondeur
Face au silence qui me dénude
L’intention de rester en présence »
Rêveries au pont d’Oye
Pour son 20e recueil de poèmes, l’auteur est en résidence d’écriture au Château du Pont d’Oye en Belgique. Ce livre est le plus littéraire. Entrer en Dieu comme on glisse dans l’humus de la terre. Dans la nuit, sans avenir, admirable que cette poésie qui se révèle secrètement : « La nuit, je vois une étoile sur chaque fleur, miroir des âmes transparentes. Je les contemple avec dévotion ces visages partis vers le jardin ancien aux fruits retrouvés. Leurs larmes sans âge brillent parfois sur l’herbe, mais une seule s’égare dans la rose du poète. » (p.71)
J’ai pensé à un poème de Rilke, « l’intérieur de la rose » (3)
« Quels ciels se reflètent
Dans le lac intérieur
De ces roses écloses
Insouciantes »
Plus que jamais, en vieillissant, nous apprenons de nos erreurs. Il suffit de sortir de la pierre. De se transformer en désir. De prier peut-être comme Leonard Cohen : « Ouvre-moi , O cœur de vérité, évide la pierre. » (4)
Je vous invite à lire la foi d’un poète chrétien. Car qui cherche l’impossible trouve l’impossible. Pour les non croyants, ce livre paraîtra subversif. Le passé est devenu un pays étranger. Croire en Dieu, ce n’est pas de l’ethnocentrisme, ni du colonialisme temporel. Aller prier dans une église aujourd’hui, c’est retrouver le silence intérieur. Le royaume des pauvres ce n’est pas un compte TiKToK, c’est une promesse depuis la nuit des Temps. À découvrir ce poète chrétien. (5)
Notes
- Un matin est un poème magistral
- Christian Bobin, Un bruit de balancoire
- Rilke, Nouveaux poèmes suivi de Requiem
- Leonard Cohen, Livre de la miséricorde
- Texte de son blog : J’ai vécu une véritable résurrection. J’avais vu à la télévision un reportage sur les « Jesus peoples » aux États-Unis, une communauté de jeunes qui mélangeait cultures rock, hippie et chrétienne… J’étais parti en stop, avec un copain, avec l’idée d’aller rencontrer cette communauté. C’était l’époque où le spectacle « Jésus-Christ super star » faisait un malheur auprès des jeunes. J’aimais beaucoup le rock, j’écoutais les Pink Floyd, The Who, Led Zeppelin. Il y avait dans cette musique et dans le mouvement hippie comme une quête d’absolu. Nous n’en avions pas conscience, mais notre soif était mystique. Un soir, sur la route des États-Unis, nous avons fait escale, au Québec, dans l’une de ces nombreuses communautés de jeunes qui essayaient de vivre un idéal. Nous venions uniquement pour trouver un toit pour la nuit. Les murs étaient couverts de posters religieux. L’ambiance était très affective et émotive, tout le contraire de ce qu’on trouvait alors dans les églises. Nous avons accepté de participer à la prière du soir. Nous étions sceptiques, envahis de rires. Au premier « Je vous salue Marie », je me marrais franchement avec mon copain. Au second, je me suis mis à prier. Au troisième, je me suis écroulé, en sanglots. J’étais complètement touché. Et c’est à cet instant précis que la joie est revenue, la joie de la foi de mon enfance. Nous étions le 2 juin 1972: ce fut le jour de ma conversion.