Flora Diraison, Fragments d’ardoise. Par Ricardo Langlois
La poésie comme un long apprentissage. L’appel du large. Ne jamais trop s’éloigner de la rive. Toute une vie à explorer les vertiges, les non-dits. Une recherche symbolique. On s’émerveille devant le vent qui arrache (parfois) une prière.
Illusion
Elle cite « La société des cendres »de Martine Audet:
« Je crois que je vais à plus tard la disparition des cendres.
Ce soir, le vent agité les ramènerait vers moi »
Comment faire le compte des jours heureux ou malheureux. Qu’est-ce qu’on garde de précieux en mémoire?
« Là-bas
On attend que quelque chose se passe
Quelque chose qui viendrait
Briser la monotonie
On frappe à la porte
Une voisine
Qu’on a connu toute sa vie
Est partie cette nuit » (…) ( p. 57 )
Comment effeuiller un mystère, d’anciennes blessures. On explore le jardin secret d’une femme. Sommes-nous au temps de notre jeunesse? Un espace d’enfermement (comme un affect).
Petits morceaux noirs
Je lis. Je relis entre les lignes les secrets d’une vie. Jean de la Croix disait: « Pour aller où tu ne sais pas, va par où tu ne sais pas ». Une exploration méthodique sur l’incertitude. Les affects. La mémoire. Le temps d’un espace symbolique.
« J’ai dans le sang
Des fragments d’ardoise
Petits morceaux noirs
Éclats de deuil
De désespoir
D’attentes interminables »(p. 64 )
Une œuvre lyrique se dessine à travers le récit poétique. Madame Diraison met en avant-plan ses réflexions. Comment expliquer ce lyrisme. « Exaltation, frémissement, bonheur sensuel de l’expression. »(1 )
« À genoux
Bouche close
Ne plus voir
Les murs de peur
Ne plus sentir
Le sol carrelé
De mauvais souvenirs
Se dérober
En-dedans
Tirer de sous le lit
Le croquemitaine
Accrocher au plafond
Des larmes de lumière
Coudre au drap
Des fils de désir
S’évaporer
Au-delà »(p. 69 )
Peut-on rompre avec soi-même
« Ses larmes de lumière »m’interpellent… Ce que vous cherchez, je le cherche moi aussi inconsciemment. J’ai une réflexion qui me vient d’un livre d’Hélène Dorion: « Mais sait-on ce que l’on tente, sa vie durant, de rejoindre? Rompre avec soi. Peut-on rompre avec soi-même? Avec sa destinée, avec ce qui demande de s’accomplir à l’intérieur de soi? »(2) Cette recherche, au-delà des traumatismes, est une réflexion temporelle . Une synthèse sur la vie à travers l’être et le non-être (Héraclite). La poésie comme un absolu. Cette figure de l’altérité. Le rapport au monde dans un cadre spatio-temporel bien défini. Une magnifique quête de soi à travers « vos solitudes ».(p. 93 )
Un mot sur la couverture. Peur Bleue est une artiste du milieu du tatouage. Une œuvre qui parle. Une belle fusion entre l’autrice et l’artiste.
Notes
1. Henry Suhamy, « La poétique ». Collection Que sais-je? 1986.
2. Hélène Dorion, « L’étreinte des vents »,Druide 2018.
Flora Diraison est lameilleure vendeuse chez Pierre Turcotte Éditeur, Collection Magma dirigée par Christophe Condello.