Marie Hélène Poitras, Galumpf

Marie Hélène Poitras, Galumpf.
Marie Hélène Poitras debout devant un fond de sapin de Noël. Marie Hélène Poitras debout devant un fond de sapin de Noël.

Marie Hélène Poitras, Galumpf. Par Ricardo Langlois

J’ai pensé au « Temps retrouvé » de Proust, pourquoi? Ce besoin constant de nous faire visiter des lieux communs. « La vraie vie, c’est la littérature. »  L’autrice est prodigieuse : « Parce que les mots ont un prix » (p. 137 ). Ça hurle, ça chante de toutes les manières. J’entends l’écrivaine jusque dans ma chambre.

Solidaire avec les autres

En lisant  « Exercices d’empathie », c’est comme lire une ode à la vie avec le mantra « Aimer mon prochain et me relier aux gens qui m’entourent »  (p. 45 ). Oui, il existe un brasier d’amour et d’empathie et ça fait du bien. Il y a une cosmologie par-delà la linéarité du langage. Le jeune qui quête dans la rue, combien d’entre eux ont le don de Soi. Peut-être qu’ils n’ont rien à part de donner un peu d’amour. Comme une prière vivante. Nous sommes bien dans le Montréal et sa fauve underground ( j’ai bien connu le café Chaos et le Parking au début des années 2000 ). Ça m’a fait un bien immense de me revoir à l’X  « lieu de perdition et de désenchantement »  (p.72). Sous l’angle de l’autrice, c’est le côté sombre qui est mis en évidence.

Vivre sur une île

Après avoir passé sa vie dans le domaine des communications, flirter dans les cinq à sept, quelques nuits à me taper des minettes… Vouloir sortir de cette vie futile comparable à un navet américain. Vivre sur une île avec des adolescents qui s’ennuient, c’est une autre réalité. « Chercher le bonheur des joies tranquilles »  (p. 85 ). Cette nouvelle devient une sorte de méditation. Quelquefois, la vie est trop étroite : « La vie se serre et ne tient plus qu’à un souffle. Le souffle est à lui seul plus grand que tous les univers »  (1 )

La chute

Christophe Leuzy, le cavalier suprême qui avait connu la gloire et qui voit sa vie se briser comme « son rêve américain »  (p. 102 ). Son cheval s’est effondré devant des milliers de spectateurs. Nous retenons notre souffle. Nous pouvons lire dans les moindres détails ce qui se passe dans la tête du chevalier. Christophe avait tout donné à un cheval. Son narcissisme surtout. Comment aimer un être humain? La poursuite du bonheur existe depuis l’Antiquité. On cherche à être bien avant tout. Ce qui est raconté dans cette nouvelle, c’est cette norme : « un hédonisme sans joie » ( Michel Houllebecq).

La fin d’un règne

Je lis vite. Il m’arrive de sauter des pages. Il m’arrive surtout de souligner des passages qui me parlent à moi : « On a précipité les choses. On a fait comme si on était éternels, sans lendemains. On s’est pris pour des dieux, on a cru au paradis. On s’est crue »  (p.151 ) . On retourne à Montréal, le métro Beaudry, le parc Lafontaine, les Foufs, Hochelaga. La mort du rock. « Cette nuit qui aurait duré dix ans ne veut plus de nous » (p. 153 ). Je lis et je me vois entre les lignes.

« Je ressens ce matin l’envie soudaine de m’accorder aux autres. Je voudrais recommencer à dormir du sommeil du juste , cesser d’aborder le monde au huitième degré. Je vais commencer par quitter cet endroit. Au bout de ma nuit, je veux entrer dans la lumière » (p. 157). Un éclat lyrique. La vraie vie nous vient toujours d’ailleurs… Je suis retourné vivre sur la Rive-Sud pour la paix, pour me recentrer, heureuse solitude dans un quartier où tout le monde se salue…

Vous avez perdu votre cheval et vous avez commencé à écrire des livres fabuleux.« Cavalier (e) du temps et de l’écume » (2 ). Je vous remercie pour ce beau livre de nouvelles (plein de belles histoires) à lire et relire.

Notes

  1. Christian Bobin, « La nuit du cœur », Folio.
  2. Aimé Césaire, « Ferrements et autres poèmes » p. 178. Points.

Marie Hélène Poitras est une autrice montréalaise née à Ottawa en 1975. Elle a reçu le prix Anne-Hébert pour son premier roman, « Soudain le minotaure. » Griffintown (prix France-Québec) lui a été inspiré par son expérience de cochère dans le Vieux-Montréal. 

« Galumpf a reçu le Prix du Gouverneur général en 2023. »
Marie Hélène Poitras, « Galumpf »Alto 2023.

Poésie Trois-RivièreLe Pois Penché

Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com