Stanley Péan, Cartes postales d’outre-monde

Stanley Péan, Cartes postales d’outre-monde. Par Ricardo Langlois

Le pari d’écrire une histoire à partir d’une image me semble être une idée géniale. 35 illustrations de Jean-Michel Girard. Mais attention, les illustrations ont une esthétique des années 50. Il faut voir la typographie. Le choix du papier surtout. Stanley Péan, le célèbre animateur de jazz à ICI Musique a un don pour nous faire voyager en science-fiction et en fantastique. On replonge dans notre belle adolescence.

35 récits

Plusieurs univers qui s’offrent à nous. Bien que l’ensemble du livre porte la dénomination d’un roman, en lisant la trame narrative, on est transporté malgré nous dans des mondes parallèles qui touchent l’universalité d’une quête. Il faut lire « Temps manquant » :

L’histoire « des petits bonhommes verts des magazines à vingt-cinq sous » (p. 30 ). Je pense à Asimov ou Lovecraft. Des souvenirs d’adolescence. Dans « Pas un pas de plus » , une demoiselle en détresse venue de nulle part qui doit combattre un dragon (p. 47 ). Entre l’infini et Soi, ça bouge sans arrêt dans la chambre. Tellement que je vois les fantômes de ma jeunesse. Peut-être la réverbération d’une chandelle dans un miroir. Il suffit de peu. À lire « Le chat de Schrodinger » (p. 53 à 58 ). Même les zombies reviennent en force depuis la série télévisée Walking Dead , il y en a partout jusque dans le métro. Ce sera une année d’Halloween qui nous réserve (tout ) un festin de friandises (p. 73 ).

Les complotistes, Billie Holiday

Depuis la pandémie, les complotistes sont partout, surtout sur les réseaux sociaux. Ils attaquent les féministes, les défenseurs du multiculturalisme, les réformateurs de l’orthographe, les immigrants légaux ou pas, les Nègres et les membres des communautés LGBTQ… « ceux qui œuvraient à la dégradation de son monde » (p. 91 ). C’est l’histoire de Jean-Louis Leloup qui se fera piéger malgré lui. Plus loin, un récit sur un amour qui ne tient qu’à une promesse mettant en vedette Billie Holiday, à travers le récit. L’auteur se fait plaisir.

Ici et là, on se fait prendre par tous les secrets qui se dévoilent (les origines ). Cette étrangeté sur ce qui se passe entre l’espace et les temps troubles. Comment s’affranchir du désordre affectif? À travers chaque nouvelle, il y a un discours social, une genèse. Le narrateur vit aussi dans ce temps présent. Les attentats racistes (l’écho d’un désespoir sans nom ) sont habilement racontés dans « Sauve qui peut » . Le mouvement # Me Too dans « Alea jacta est » évoque la société actuelle. LE CHSLD a aussi droit au chapitre de nos vies.

La juxtaposition des histoires ressemble à nos existences décousues : chocs de surfaces jetées les unes contre les autres. J’ai pensé à Barthes : « je cours, je saute, je lève la tête, je replonge » (1 ). L’image surréaliste comme rhétorique indique un monde sans continuité. À lire doucement sur un air de John Coltrane.

Note

Roland Barthes, « Le plaisir du texte », Points Littérature, 1973.

Stanley Péan a écrit beaucoup pour les adolescents à La Courte Échelle. Il a été chroniqueur culturel à Ici Montréal et au quotidien La Presse. Depuis 2009, il anime quotidiennement « Quand le jazz est là », sur ICI Musique.

Stanley Péan, « Cartes postales d’outre monde », Illustrations de Jean-Michel Girard, Éditions Les Mains Libres, 2023.

Photo principale : Stanley Péan par Patrick Bourque.

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