John Montague, Une danse lente. Par Ricardo Langlois
Il est question de danse. John Montague est un poète irlandais qui s’inscrit dans la modernité. Des allégories laborieuses. Le poète se regarde, s’étonne de ce pouvoir qu’il a. Je demande au poète qu’il me montre le centre de l’être humain. Montague paraphrase le cinéaste Andréï Tarkovski sur la fonction de l’art . « Comment se préparer à la mort? » (1 ).
La danse solitaire
« Obscurité, goutte
Des grottes, matrice de la terre.
Nous retournons lentement
À nos origines
Le salut nu
Au disque solaire
La révérence
Au bois de l’arbre
La danse solitaire
Sur l’herbe » (p. 19 )
Déités
Le poète essaie de donner forme à une expérience où ses émotions, son savoir, ses souvenirs, ses observations, ses rêves et ses pensées se combinent selon des proportions changeantes qui entraînent des différences de tensions et de densité dans le déroulement de l’œuvre. Le poème « Déités » est une leçon d’histoire religieuse : le Christ maigre, Saint-François, les dieux anciens, Ulysse. Oui, le spirituel est présent de manière métaphorique.
« Je m’agenouillais chaque soir au pied de mon lit (p. 72 ). Dans un nid de sorcières : Dieu, prends pitié ! » (p. 83 ). Pour moi, Aurores boréales est magistral. Le mouvement du cœur, sa voix se fait plus lente et plus basse, son regard est splendide. Les images sont nécessaires.
« Chaque mort est la nôtre
Enfant de sept ans, quand
L’aube se levant, je restais
Couché, éveillé, chantant
Et soupirant pour moi-même (…).
Je suis mort, et je dois mourir » (p. 90 )
« La conscience, une luciole
Scintillante de connaissance,
Vivant à travers mille
Petites morts, alors que les atomes
Du corps se décomposent » (…) (Idem )
L’amour, un salut
Il y a des signes. Des images. Une peinture romantique dans d’autres poèmes. Le besoin de chaleur maternelle (Roland Barthes). Ce qui nous blesse. L’amoureux est un artiste. Un poète réputé en Irlande. Allez au-delà de l’image, « je me suis habitué aux signes et aux merveilles » (p. 112 ), « crinières ruisselantes de lumière » (p. 117 ), « il y a une chambre secrète de lumière d’or » (p. 129 ). Le poète transfigure. Nous ne pouvons penser le monde ou Dieu, qu’à partir de nous-mêmes et des contingences de nos vies. (2 ) Pour Jean-Philippe Gagnon (le traducteur du livre ), il fait référence à la mémoire de l’union mythique du poète et de la divinité (3 ).
Je vais terminer avec « La colline du silence » (divisé en 7 segments).
« Allongeons-nous aussi
Au cœur de ce silence
Soyons aussi guéris
Plaies refermées, sens purifiés » (p. 163 )
Au final, c’est Aimé Césaire qui a les mots justes :
« Puisque l’énergie des cendres est toujours là en souffle
De temps en temps à travers les décombres. » (4 )
Notes
1. Yvon Rivard, « Personne n’est une île ».
2. Frédéric Lenoir, « Du bonheur, un voyage philosophique ».
3. Jean-Philippe Gagnon, traducteur du livre de John Montague. Il est l’auteur d’un magnifique livre « Frères d’encre et de sang », chez l’Hexagone.
4. Aimé Césaire, « Cadastre suivi de Moi, Laminaire… »
Notes biographiques
Né le 28 février 1929 à New York, John Montague est renvoyé en Irlande du Nord par ses parents et élevé par deux tantes célibataires à Garvaghey, dans le comté de Tyrone, où il a été inhumé. C’est à Nice qu’il s’est éteint le 10 décembre 2016. Depuis 1998, ce grand dégingandé aux cheveux blancs et aux yeux rieurs arpentait les rues de la cité azuréenne, accompagné de sa troisième épouse, la romancière américaine Elizabeth Wassell.
John Montague était un amoureux de la France. Il y a passé le quart de sa vie et a eu par deux fois des épouses françaises. Il a traduit les poèmes de Francis Ponge et d’Eugène Guillevic, et collaboré à plusieurs revues littéraires françaises. En 2010, il a été nommé chevalier de la Légion d’honneur et docteur honoris causa de la Sorbonne.
John Montague, « Une danse lente » , Les Mains Libres, 2023.