Geneviève Catta, La minute passe sur les épaules de ta voix. Par Ricardo Langlois
Le guitariste Jeff Beck est mort cette journée-là. Nous sommes à l’aube d’une tempête. Je vous ai découvert cette journée-là plus précisément. Ce 12 janvier 2023, votre premier livre d’une grande beauté. De la dentelle à chaque page. C’est tellement beau, que j’ai invité ma mère à lire la page 37.
« Étonnement
À chaque fois
L’étoile écrase
Ses lourdes pierres
À mes pieds
Et me griffe les phalanges
En descellant la douleur
D’une cathédrale
Qui ne récite plus. »
Méditation sur le temporel
À la lecture de Geneviève Catta, il y a le temps qui passe. « Au plus pur des attachements Répond le plus dur arrachement » (1). L’innocence doit nous habiter même avec l’âge, celle qui permet d’en extraire les plus belles fleurs. Par un décret de puissance suprême, qui est au-delà de nous-mêmes. Il y a tellement de beaux moments de sagesse (un mélange subtil de beauté dans l’unicité de l’œuvre). Vous explorez l’espace intime par votre expérience spirituelle et sensuelle.
« L’éclosion
Décharge le temps
(nuées cristallines figées
par l’argentique)
L’œil repose
À la source de ses larmes
Le sommeil cueille l’éveil
Je tenais le fil rouge
Au retour du souffle
À l’heure juste des choses
Sans bruit
Sans orage » (p. 40)
Le temps s’arrête. Cette encre bleue sur le papier blanc retranscrit chacun de vos poèmes fulgurants. Le poème prophétise et répond à l’horizon. Il y a un cryptage dans votre écriture qui est unique. Chaque poème persiste à chercher la Beauté du monde dans son intériorité.
La petite musique intérieure
Maman me dit souvent que les poèmes de Hélène Dorion sont comme des airs de Chopin. Maman, la pianiste, connaît les partitions (les plus belles). Je les récupère à chaque fois.
« Tu diras comme tu veux
Moi je dis c’est à ton tour
Apaise-toi
Doigts à toucher ciel
Yeux dans la pluie
Oreilles à rouler rivière
Nez au vent
Peau à l’autre » (p. 53)
Dans votre recueil, vous faites référence à Francois Cheng et à ses « Cinq méditations sur la beauté ». Je connais bien son œuvre. Je cite : « Elle est l’exigence même, exigence de justice, de dignité, de générosité, d’élévation vers la passion spirituelle. » (2) Vous avez un don pour l’écriture. Je vois en vous, l’image d’une fée dans la rosée nocturne, je vous vois parler de la nuit. Vous prenez le temps de coudre les étoiles. Tout se fait dans un monde où le temps est inexistant. Il faut refaire le monde. Une nouvelle catharsis qui exige un retournement intérieur. Vous le dites vous-mêmes :
« Je cherche ce que tu m’as laissé
Là où
Personne ne passe plus
Que fait l’horizon si haut » (p. 68)
Nous sommes (ensemble) à la recherche de cette lumière. Elle est là. Puis elle disparaît. Il suffit d’un visage, d’une fleur, d’un cœur endormi dans la technologie. Un livre de poésie de Geneviève Catta, c’est un appel à l’enfance, à la nostalgie, à la joie que l’on cherche malgré nous. Votre livre est comme la rose au soleil. En même temps, vous êtes en moi comme un enfant qui joue seul à l’écart dans le sommeil des anges. « C’est un surgissement inattendu et inespéré » (3).
Notes
- François Cheng, « La vraie gloire est ici » NRF Gallimard 2015. P. 72.
- François Cheng, « Cinq méditations sur la beauté » Livre de poche. Réédition. P. 61.
- Idem, p 77.
L’auteure et poète franco-québécoise Geneviève Catta est née en 1963. Elle a longtemps occupé des postes de cadre intermédiaire en administration avant de se retirer du marché du travail et de se consacrer à l’écriture. Son recueil de nouvelles « Souffles » a paru aux éditions Le lys bleu en 2021. Elle a été récipiendaire du Prix Paulette-Chevrier en 2021.Geneviève Catta « La minute passe sur les épaules de ta voix » Pierre Turcotte éditeur, 2022.