Christophe Condello – entrevue

Christophe Condello, barbu, regarde dans le vide lors d'une entrevue. Christophe Condello, barbu, regarde dans le vide lors d'une entrevue.
Entrevue avec Christophe Condello.  Par Ricardo Langlois
LaMetropole.com : Je pense Christophe que notre rencontre n’est pas un hasard, dès que je t’ai vu, j’ai su que tu étais là pour moi. Rien n’arrive pour rien. Depuis la mort de mon ami le poète Jean-Marc Fréchette, tu es arrivé comme un frère de Lumière, tu es parti de la France pour venir vivre au Québec, que s’est-il passé par la suite?
Christophe Condello : C’est effectivement important que tu commences par notre rencontre. Je ne me souviens pas exactement pourquoi on s’est contacté ni comment. Cela s’est fait naturellement, et je crois que quelque part on s’est immédiatement reconnu.
Une rencontre à la fois riche et lumineuse. Cela a été la même chose en ce qui concerne le Québec et la poésie. Rien ne m’y prédisposait au départ. Puis l’appel a été là, d’abord inconsciemment, puis plus sciemment, et comme je suis quelqu’un qui est aussi dans l’action, j’ai fini par y répondre. Pour mon plus grand bonheur.
Ressentir cette sensation instantanée de plénitude en présence d’un lieu, d’un poème ou d’une personne, juste à l’évoquer j’en frissonne. Pas une seule seconde, je n’ai eu à regretter mes choix et mes élans. Je crois que je suis et que nous devons être des personnes intuitives.
LaMetropole.com : Tu m’as confié que c’était Normand de Bellefeuille qui avait été ton mentor, comment vous êtes-vous rencontrés?
Christophe Condello : Au tout début de mon processus d’écriture, alors que je n’avais qu’une vague idée de ce que peut être un poème, autant dans sa forme que dans son contenu, j’ai eu l’immense privilège d’être parrainé, grâce à l’UNEQ, par Normand de Bellefeuille. Il a été d’une extrême patience et gentillesse avec moi au cours de nos rencontres.
Surtout, et je ne pense pas qu’il le sache, son époustouflante intelligence, sa poésie éblouissante et innovatrice, m’ont accompagné tout au long de ma vie. Il a su tracer un chemin gigantesque devant moi. Si j’écris aujourd’hui, modestement, c’est en grande partie grâce à lui, et je lui en serai toujours reconnaissant. Il a permis à mon écriture de se libérer. Il est une grande source d’inspiration. Un homme brillant et un poète monumental.
LaMetropole.com : Comme moi, tu cherches à exprimer la lumière dans ton écriture. Je m’intéresse plus à la prise de Conscience qu’a l’intelligence. Toute ma vie, j’ai prié, j’ai visualisé. La foi, c’est un don, comment ça s’exprime chez toi?
Christophe Condello : Je crois que l’humanité et la spiritualité sont au cœur de ma vie et donc de ma poésie. Les sociétés actuelles donnent l’impression de n’être qu’une juxtaposition d’individualités qui ne se rencontrent qu’assez peu en fait. Pourtant, une société, c’est avant tout un ensemble de personnes qui vivent les unes avec les autres, un peu comme une immense famille. La poésie contribue à faire une pause, un arrêt, à réfléchir, à côtoyer la beauté et à créer du lien.
Cette fonction tellement essentielle se doit de perdurer encore plus à notre époque actuelle. Chaque poème diffuse une clarté qui va de l’étincelle à l’incendie. Elle susurre, elle suggère, elle crie, elle multiplie les sens, elle témoigne et nous révèle individuellement et collectivement. Elle est cet instantané extrait de notre éternité. Les poèmes travaillent la lumière pour éclairer notre conscience. Elle se doit d’être ce foyer permanent, au centre de tous les hivers, quels qu’ils soient.
LaMetropole.com : Dans ton recueil Rien de plus qu’un écho, la poésie est intimiste. Il y a le recueillement, la nuit qui nous initie, la béatitude, l’espérance, je me reconnais tellement dans cet aspect ontologique de la poésie. L’entretien infini, disait Blanchot, peux-tu commenter?

Christophe Condello : Pour paraphraser Michel Foucault, l’ontologie se situe entre les livres et la lampeJ’ai essayé dans ce recueil, le plus simplement possible, de retranscrire mon ressenti, mon aperçu de notre condition humaine. Comme un pendule qui oscillerait entre l’être et le non-être. D’éprouver ce petit vertige que nous procure la sensibilité du mot dans l’écriture de l’instant, de l’intime.
De poème en poème, je contemple, je retranscris, je conçois l’autre, cet autre moi, ce nous que nous ignorons trop souvent. Je pense sincèrement que dans chaque gorgée d’obscurantisme, il y a une lueur. Je rejoins ici Nietzsche : quelque chose peut-il apparaître qui ne serait pas le jour?
LaMetropole.com : Comme moi, tu adores Hélène Dorion pour l’universalité des thématiques. Elle dit des choses qui me semblent essentielles. Le fil de la Conscience, prendre contact avec Soi-même. Elle parle du mouvement intérieur et en même temps, il y a l’instrumentation technologique. Elle est d’une rare authenticité. J’aimerais souligner cette phrase : De quelle éternité rentres-tu? (Les murs de la grotte, 1998) Que représente-t-elle pour toi?
Christophe Condello : La poésie d’Hélène est magistrale et essentielle. Elle passe avec aisance d’un thème à l’autre, d’un poème au suivant en nous transportant toujours avec elle. Elle a cette rare qualité qui fait d’elle une poète d’exception. Une écriture profonde, originale, ingénieuse, accessible. Lire et relire Hélène Dorion est un immense plaisir. Elle a ce talent unique de nous faire découvrir tous les univers, autant internes qu’externes. Elle esquisse dans chacun de ses livres un peu de notre humanité.
Une poésie efficace, toute en délicatesse et en subtilité, rayonnante, et qui est tournée vers l’autre. C’est sans doute l’auteure que je lis et relis le plus. Elle fait, comme tu le sais déjà, partie de celles et ceux qui nous montrent le chemin en poésie, qui nous font voir la lumière même au cœur de la noirceur la plus profonde. Tu cites Les murs de la grotte, ce livre n’est jamais très loin de moi. Son parcours en atteste, toute la reconnaissance et les récompenses qu’elle reçoit sont totalement méritées.
LaMetropole.com : Ton dernier recueil Pieds nus dans l’âme est le meilleur dans toute ton œuvre. Peut-être une synthèse de tes récents recueils, tu fais référence à la Conscience, la grande noirceur, la Sagesse, notre lumière, le fleuve, le silence. C’est une expérience de béatitude, qui s’exprime dans des poèmes simples et précis. Je pense que ta parole va à l’essentiel (une architecture ontologique), parle-moi de ton livre.
Christophe CondelloEffectivement avec Pieds nus dans l’âme, j’ai voulu retranscrire une poésie qui s’empare de tous les espaces, corps, pensée, terre, eau, ciel, etc. Une poésie de clarté qui atteste de ce qui existe et de ce qui est encore sous-jacent. Révéler les fragments de l’être et du monde. Tout au long du recueil, j’ai tenté de déceler à la fois le visible et l’invisible. Les textes, de façon poétique et écologique, s’enchaînent, pour éclairer chacune de nos empreintes, même les plus dissimulées.
Ce livre se veut effectivement une synthèse de mes recueils précédents. Il tangue entre conscience et inconscience, il témoigne de notre nordicité, de ce que nous sommes, et de ce que nous pourrions être. Et je l’espère, au-delà des apparences, éventuellement constituer un appel à la réconciliation. Avec notre âme, la nature, le vrai, la simplicité, l’autre, etc.
En pensant à ma famille, mes amis, mes trois enfants, c’est tout ce que je nous souhaite.  J’en profite pour saluer Pierre Turcotte et le remarquable travail accompli avec la maison d’édition.  Et je conclus en te remerciant, cher Ricardo, de m’offrir cette superbe tribune, ainsi que pour ta généreuse et appréciable implication en poésie.

Le Pois PenchéMains Libres

Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com