La spiritualité au 21e siècle. (Texte no. 1)

L'observatoire de l'espace lointain de la NASA est une technologie révolutionnaire qui permet aux scientifiques d'explorer les confins de notre univers. L'observatoire, connu sous le nom de Deep Space Observatory ou NAS de la NASA, a une révolution L'observatoire de l'espace lointain de la NASA est une technologie révolutionnaire qui permet aux scientifiques d'explorer les confins de notre univers. L'observatoire, connu sous le nom de Deep Space Observatory ou NAS de la NASA, a une révolution
La spiritualité au 21e siècle. (Texte no. 1)  Par Robert Clavet, PhD
En plus de l’éducation, de l’environnement culturel, du vécu et de la réflexion personnelle, certaines impressions de la prime jeunesse peuvent marquer durablement notre vision du monde. Enfant du milieu du siècle dernier, il m’arrive encore de voir l’image plus ou moins floue de ma grand-mère maternelle agenouillée devant une radio ancienne, un gros meuble en bois, à l’heure du « Chapelet en famille ». Et que dire de l’imprégnation de l’instruction catholique à l’école, des messes régulières, de la confession et de certains moments empreints de solennité comme la première communion et la confirmation. À cette époque, une réalité apparemment immuable truffée de symboles religieux s’imposait à moi, sans oublier les fantastiques histoires des saints qui avaient tendance à m’exalter. Plus tard, l’univers religieux est devenu pour moi une manière d’aborder les questions fondamentales de la vie, ce qui m’a amené à ce que j’ai appelé « la philosophie spirituelle ». Lire : Introduction à la vie spirituelle. (Texte no. 1)  J’ai pris conscience que le christianisme, en particulier la philosophie religieuse des Pères orientaux prolongée par le mouvement néo-patristique, exprime avec un langage symbolique de profondes expériences existentielles dont le suc ne peut être transmis comme un contenu que l’on déverse dans un contenant. Mais les religions dans leur réalité et leur pratique ordinaires, en plus d’avoir été historiquement inféodées au politique, s’attachent à administrer des rituels et à présenter des croyances qui se limitent au seul aspect concret des symboles.
L’offensive matérialiste qu’a connue le Monde moderne dans l’Occident du 20e siècle peut être considérée comme une réaction à la conception étroite de l’être humain véhiculée par un certain christianisme. Celle-ci s’accompagnait d’un discours qui tendait à minimiser le caractère tragique de l’existence et invitait à se méfier de la liberté créatrice pour renforcer l’autorité cléricale, fût-ce au prix d’un obscurantisme systémique. Malgré le jugement sévère sur notre temps que peut nous inspirer l’actualité, l’acquisition chez plusieurs d’une plus grande lucidité sur le sens profond des symboles, en plus d’une prise de conscience du caractère spirituel de l’énergie psychique et de l’action humaine, nous permet d’entrevoir une nouvelle époque spirituelle. Du côté scientifique, les physiciens ont découvert que les atomes sont constitués de tourbillons d’énergie et que le monde apparent découle d’une interaction avec notre psychisme. La physique quantique a en effet prouvé que l’observateur crée la réalité telle qu’elle nous apparaît. Elle nous a appris que les atomes n’ont pas de structure physique, qu’ils sont faits d’énergie invisible, et non de matière tangible. Autrement dit, les choses que nous voyons, y compris notre propre corps, n’ont pas de structure physique. Désormais, l’approche scientifique de la réalité ne peut plus servir d’argument au matérialisme philosophique dont se piquaient parfois d’une façon hautaine certains professeurs de philosophie qui m’ont empoisonné la vie à l’Université. « L’esprit, écrit R. C. Henry, ne semble plus être un intrus accidentel dans le domaine de la matière, nous devrions plutôt le saluer en tant que créateur et gouverneur du domaine de la matière. » (« The Mental Universe. ») La physique quantique a également montré que le temps est une illusion, qu’il existe un au-delà du temporel. De plus, nous savons maintenant que nous sommes connectés à tout ce qui existe, à tous les atomes de l’univers et à toutes les molécules du vivant. Les atomes de notre corps sont traçables aux étoiles qui ont traversé notre galaxie il y a des milliards d’années, ce qui faisait dire à Hubert Reeves que « nous sommes des poussières d’étoiles ». En définitive, le matérialisme obtus et l’humanisme anti-spirituel des périodes moderne et contemporaine peuvent être interprétés comme des remises en question ayant finalement conduit à un nouvel humanisme où la spiritualité est indissociable de la liberté créatrice.
Les utopies du Surhomme de Nietzsche et de l’Homme générique de Hegel, qui ont servi abusivement aux extrémismes de droite et de gauche au 20e siècle, sont venues combler chez certains le vide causé par la crise du sens provoquée par un humanisme idolâtre d’une raison objectivante (une raison qui réduit la réalité aux seules connaissances pouvant être transmises objectivement, coupées des sujets concrets de la connaissance). Elles ont révélé comme en creux une soif plus ou moins exprimée d’une image plus élevée et inspiratrice de l’être humain. Riches de la symbolique chrétienne où, dans la personne de Jésus-Christ, le divin et l’humain sont unis indivisiblement et sans mélange, les Pères orientaux proposent une vision bien plus haute de l’être humain, à savoir que Dieu est devenu humain pour que l’être humain devienne ressemblant à Dieu, c’est-à-dire assume la liberté créatrice. Cette liberté ne se réduit pas à la possibilité de choix extérieurs et à la capacité d’autonomie, mais se découvre dans la nature même de l’être humain comme image de Dieu tendue vers la ressemblance. Dans ce contexte, la liberté est participation unitive à la vie divine et pouvoir positif de création, d’où l’expression « liberté créatrice ». Le spirituel ne s’oppose pas au matériel, mais à la nature non transfigurée. Les dualismes esprit-matière et esprit-chair n’appartiennent pas à la tradition chrétienne, la symbolique de l’Incarnation va dans le sens contraire. La Rédemption (concept théologique présent dans le judaïsme, le christianisme et l’islam, qui met l’accent sur l’aspect divin du mystère du Salut) peut être conçue comme une spiritualisation de la matière et sa transfiguration. De plus, il suffit de s’attarder aux processus naturels pour se rendre compte qu’il existe dans la nature une formidable intelligence, qui est incidemment à l’origine de la nôtre. Conscient de pouvoir tout aussi bien argumenter dans le sens contraire, comme insister sur l’indifférence de la nature ou de Dieu face à la souffrance, je suis convaincu que la réalité a un sens, même si j’ignore ce qu’il est. Cette conviction, je l’ai depuis l’enfance, comme s’il s’agissait là d’une question de familles d’esprit.
Au plan spirituel, l’opposition du subjectif et de l’objectif dans la connaissance ne tient pas, car c’est l’être humain dans sa globalité qui connaît, à la fois sujet et objet d’une connaissance en tension vers l’Un. Dans cette connaissance, le sujet concret élargit ses horizons mentaux et accueille dans la liberté des lumières qui se déversent en lui à la mesure de son ouverture et de son désir. La connaissance spirituelle ne conduit pas à la foi, car il s’agit d’une connaissance qui passe au départ par la foi. La foi est une grâce, un don gratuit : il suffit de la désirer et elle est là, prodiguant une confiance nouvelle et invitant à une grande aventure de l’esprit. Olivier Clément parle du « passage copernicien du géocentrisme du moi (individuel ou collectif) à l’héliocentrisme qui révèle, dans la profondeur des êtres et des choses, le brasier du soleil divin (« Questions sur l’homme », pages 8-9). Le passage d’une « raison fermée » (qui tend à réduire la réalité à ce qui est objectivable) à une « raison ouverte » (qui accueille des lumières unifiantes à cette hauteur où l’amour et la raison se rencontrent) prépare la coupe où se déverse le vin de l’esprit, en chemin vers « ce que nous sommes vraiment ». L’esprit a suffisamment de puissance pour aimanter la raison sans rien lui enlever. La foi vive ne se réduit pas à la croyance, elle s’actualise dans l’activité créatrice. Tout questionnement philosophico-spirituel fait bien entendu appel à la raison, mais les idées qu’il suscite peuvent comporter des éléments supra-rationnels, comme un feu embrasant l’intelligence, pouvant être exprimés comme une symbolique de l’expérience spirituelle.
La contemplation des beautés de la nature avec ses innombrables variétés d’organismes éveille un sentiment d’émerveillement. Et cela d’autant plus si l’on songe que notre système solaire provient d’un magma incandescent qui a évolué durant quatorze milliards d’années conformément aux lois de la nature accompagnées des effets du hasard. Comment se fait-il que ces lois existent plutôt que pas ? D’où viennent-elles ? Tout est en mouvement, tout change (les étoiles naissent et meurent tout comme les êtres vivants), mais les lois de la nature demeurent et s’appliquent dans tout l’univers. Des travaux récents de la cosmologie ont conclu que, avec les effets du hasard, les lois qui régissent l’univers ont exactement les propriétés requises ayant rendu l’évolution du cosmos et l’apparition de la vie possible. Mais la science n’est pas en mesure d’expliquer pourquoi c’est ainsi. Plusieurs hommes et femmes de science notoires perçoivent l’univers et la réalité terrestre comme une énigme, et certains déclarent péremptoirement croire en Dieu. Ouverte aux témoignages découlant d’expériences spirituelles, la philosophie spirituelle ne contredit pas la science sur son plan, mais équilibre les excès d’une rationalité ayant tendance au réductionnisme, en particulier dans le scientisme. Celui-ci est une idéologie selon laquelle il faut appliquer dans tous les domaines de la pensée un déterminisme méthodologique comparable à celui qui a fait le succès des sciences de la nature. La vraie science ne se prononce pas sur ce qui est incompatible avec la méthode expérimentale et qui, étant invérifiable, relève plutôt de la liberté et de la volonté humaines. La philosophie spirituelle invite à s’ouvrir à une métalogique en tension unifiante vers le Divin (qui est inconnaissable, mais participable dans Ses énergies). Elle implique une aventure existentielle où, en des instants privilégiés, se ravive le souvenir de notre véritable nature.
Pendant des millénaires, l’humanité a cru que l’univers se limitait à la Terre (considérée comme centre du Monde), au Soleil, à la Lune et à un certain nombre d’étoiles visibles la nuit. Aujourd’hui, nous savons que l’univers est immensément plus vaste, qu’il contient des centaines de milliards de galaxies contenant chacune des centaines de milliards d’étoiles comme notre Soleil, ainsi que des milliards de milliards de planètes et de satellites. À commencer par l’héliocentrisme, cet éclatement spectaculaire de la conception traditionnelle du Monde a ébranlé bien des consciences. Mais, une fois le désarroi surmonté, plusieurs ont vu dans l’immensité du monde phénoménal et les lois qui le gouvernent, ainsi que dans l’intelligence de la nature et celle de l’être humain par qui l’esprit devient parole, l’image apparente de l’Infini et la trace du Divin, tout comme, aux dires de Platon, « le temps est l’image mobile de l’éternité ».
À une prochaine semaine pour le texte no. 2
Photo principale : Image prise par le télescope Hubble
Poésie Trois-RivièreLe Pois Penché

Docteur en philosophie. Il a enseigné dans plusieurs universités et cégeps du Québec. En plus d’être conférencier, il a notamment publié un ouvrage sur la pensée de Nicolas Berdiaeff, un essai intitulé « Pour une philosophie spirituelle occidentale », ainsi que deux ouvrages didactiques.